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Théologie queer



Linn Marie Tonstad



professeure de théologie systématique à l’Université de Yale (États-Unis)


272 pages - 19 €


Ed. Labor et fides

 


Recension Gilles Castelnau


2 mars 2023

 

Linn Marie Tonstad est spécialiste de la théologie queer.

Les débats en milieu anglo-saxon sont innombrables en ce qui concerne les différentes manières de vivre la sexualité et la professeure Linn Marie Tonstad les connaît, échange avec leurs théologiens, s’y intéresse personnellement et… nous fait partager ses connaissances ainsi que les problèmes qu’elles posent.

Ce livre est facile à lire dans la mesure où il est, en grande partie, la publication de groupes d’études que Mme Tonstad a tenu avec ses étudiants – eux-mêmes souvent directement concernés par la question.

Il est intelligent car nous sommes donc au niveau universitaire, surprenant et très intéressant dans la mesure où ces questions sont, même dans les milieux chrétiens, globalement ignorées, traitées avec mépris et même considérées comme des perversions damnables.

En voici des passages.

 


 


Qu'est-ce que la théologie queer ?


Pour beaucoup, la théologie queer désigne les théologies où 1) la sexualité et le genre sont discutés, 2) et ce de manière à affirmer, représenter ou faire l'apologie des personnes queer. Je dispense un séminaire intitulé « Queer Theology » et la majorité de mes étudiant.es se présente le premier jour en supposant que le semestre sera consacré à la lecture de textes expliquant pourquoi et comment le christianisme et le queerness deviennent compatibles — comment les personnes gays, lesbiennes, bisexuelles ou trans* peuvent être incluses dans le christianisme. Ces étudiant.es partent du principe qu'il existe des moyens d'inclure les personnes LGBT dans le christianisme, et ce en reconnaissant les relations entre les personnes de même genre et en permettant aux personnes trans* de participer pleinement à la vie de l'Église, mais que de telles pratiques d'inclusions ont besoin d'être justifiées par des arguments et des exemples.


Ces arguments sont nécessaires, parce que beaucoup de chrétien.nes sont hostiles aux personnes LGBTQIA [ 1 ] mais aussi parce que mes étudiant•es ont tendance à partager le sentiment de nombre de chrétien.nes : l'éthique sexuelle est fondamentale pour le christianisme, et déterminer quels actes sexuels sont permis (licites) est une tâche importante - si ce n'est centrale - de la vie chrétienne.

 [ 1 ]
Il existe toute une variété d'acronymes en usage afin d'éviter la lourdeur de devoir spécifier tout ce que l'on veut dire dans des contextes où la terminologie préférée est souvent fluctuante. LGBTQIA signifie lesbian, gay, bisexual, trans, queer, intersex, et asexual. Il est possible d'ajouter un P pourpansexual ou un O pour omnisexual. D'autres utilisent QUILTBAG : queer/ questionning, uncertain, intersex, lesbian, trans*, bisexual, asexual, gay/genderqueer. Si le terme homosexuel est souvent utilisé de manière hostile par les autorités ecclésiales, certaines personnes gays le revendiquent comme une désignation politique.

 

 


Stratégies apologétiques


Les arguments de la distance historique

En général, les gens n'ont pas besoin de donner toutes sortes de raisons pour lesquelles l'esclavage est mal, et ils ne perdent pas de temps à lutter avec les passages bibliques qui soutiennent l'esclavage. De même, une fois reconnu qu'il n'y a aucune bonne raison de croire qu'il est mal d'être gay, trans*, intersexe, queer ou non binaire, il n'est pas besoin de continuer à trouver des arguments contrecarrant les passages bibliques que certain.es interprètent différemment. Nous pouvons donc passer à autre chose.

 



Théologie, sexualité et la question du queer


 Inné ou acquis ? Ou est-ce une mauvaise question ?

Qui sont les femmes auxquelles s'adresse le féminisme ? Les femmes noires et les femmes blanches des États-Unis partagent-elles un noyau commun d'expériences « féminines », ou faut-il accorder plus de poids à la participation des femmes blanches à l'oppression des femmes et des hommes noir.es ? Qu'en est-il de la relation entre femmes blanches, latinX [1] et noires aux États-Unis, et les femmes typées arabes ou d'Asie du Sud-Est dans les pays colonisés et bombardés par les États-Unis ?
La détente partielle qui a suivi ces débats peut être résumée simplement : toutes les femmes, trans* et cis, sont différentes les unes des autres ; elles ne partagent pas une nature ou un ensemble de caractéristiques essentielles. Tout comme les femmes cis, les femmes trans* ne partagent pas une expérience, une nature ou un ensemble de caractéristiques communes ; déterminer ce qui compte ou qui compte comme une « vraie » femme (comme le font les féministes radicales excluant les trans*, les sexistes et les misogynes de tous genres) cible aussi bien les femmes cis que trans*, et est en soi un acte intrinsèquement antiféministe.

 

Le genre n'est donc pas l'expression du soi intérieur, stable et unifié mais, pour reprendre la formule célèbre de Judith Butler, « une répétition stylisée d'actes ». Le genre n'est pas l'expression de son être profond, déterminé anatomiquement et exprimé culturellement. Le genre exprime plutôt la manière dont nous apprenons à nous comporter, la façon dont les autres nous lisent et interprètent, la manière dont les signes du genre marquent nos corps, nos mouvements, nos comportements, nos vêtements. Nous comprenons le genre parce que nous avons vu d'autres faire le genre et nous apprenons nous-mêmes à faire le genre de la même manière.

 

[1] LatinX est un néologisme désignant les personnes vivant aux États-Unis dont la culture est latinoaméricaine. L'utilisation du suffixe « X » permet d'éviter l'emploi des termes genrés que sont latino ou latina. (NdlT)

 

 


La question du queer

 

Althaus-Reid a reçu une formation en théologie de la libération et en théologie féministe, théologies qu'elle a combinées et dépassées. Selon elle, la théologie de la libération n'allait pas assez loin. Tout en reconnaissant la relation intime entre les structures d'oppression et d'appauvrissement et le christianisme, la théologie de la libération n'était toujours pas claire quant aux pauvres qu'elle cherchait à servir - qui sont ces pauvres et quels sont leurs besoins ?

 

[...]


En somme, la théologie est une question de sexe, d'argent et de Dieu. Elle concerne les corps qui se rencontrent, et là où les corps se rencontrent se trouvent aussi des images, des représentations, des imaginations, des fantasmes. Les corps sont entretenus par l'argent ou ce que l'argent peut acheter ; les corps sont menacés par le manque d'argent ou ce que l'argent peut payer. Pour Althaus-Reid, toute théologie est une théologie sexuelle, toute théologie est une théologie économique, et toute théologie est impliquée dans les systèmes socio-économiques et sexuels au sein desquels elle émerge.


[...]


La théologie parle d'un Dieu le Père et d'un Dieu le Fils, mais prétend que la paternité et la filiation n'ont rien à voir avec le sexe ou le genre, même si le christianisme a également (mais pas seulement) été un système patriarcal tout au long de son histoire. Que dirait la théologie si elle disait ces vérités ? Voilà la question de la théologie queer.

 


L’argent, le sexe et Dieu.
La théologie queer d’Althaus-Reid


Théologie, sexualité et économie


Le ou la théologien.ne queer croit que les injustices du capitalisme, la régulation des corps et des sexualités par la famille nucléaire et l'application violente des inégalités par l'État ne sont ni le message du christianisme ni la volonté de Dieu. La théologie de la libération naît en partie d'un courant narratif du christianisme qui concerne la libération des esclaves par Dieu, les messages de justice économique et politique associés aux prophète.sses, et la préoccupation et l'identification de Jésus avec les pauvres, les personnes nécessiteuses et socialement méprisées.

La théologie queer reflète la façon dont les catégories religieuses ou théologiques, les échanges économiques et ces processus de méconnaissance et de mystification sont liés les uns aux autres, mais elle place également la relation entre la stigmatisation sexuelle et l'exploitation économique au centre de ses analyses.

 


 

La représentation, l’identité et le réel

La théologie queer cherche plutôt à éviter deux types particuliers de dangers. Le premier est la mise à disposition d'histoires sexuelles pour les autres, mise à disposition que Mark Jordan a nommé des scripts sexuels qui régulent la manière dont les gens racontent leurs vies. La mise à disposition de tels scripts peut restreindre artificiellement la manière dont les gens s'interprètent et interprètent leur comportement, mais elle a également la capacité de produire de « bons » et de « mauvais » sujets sexuels.
Ce phénomène est particulièrement évident en termes d'hétéronormativité, mais peut également se produire dans les communautés queers investies dans les « bonnes » façons d'être et de se comporter en tant que sujet sexuel. Par exemple, dans un certain contexte, la lesbienne qui couche occasionnellement avec des hommes peut être considérée comme un mauvais sujet sexuel puisque pas assez lesbienne ; dans un autre contexte, peut être considérée comme mauvais sujet sexuel la lesbienne qui refuse de coucher avec des hommes puisqu'elle serait trop campée sur l'identité de genre.

 



 


Les théologies queers à venir


Théologie queer, anthropologie et fiction d’invulnérabilité

 

Car intrinsèquement, le concept même de péché implique que les choses devraient être différentes de ce quelle sont, que le monde devrait être ou aurait pu être ou sera radicalement (en un sens) différent de ce qu'il est C'est exactement le rêve, le fantasme, que Brintnall nous demande de rejeter.

 

 


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