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Black Church

De l'esclavage à Black Lives Matter



Henry Louis Gates,Jr.


directeur du Hutchins Center for African and African and American Research
à l’Université Harvard,
spécialiste de la culture et de la littérature africaines-américaines


Ed. Labor et fides


Traduit de l’américain par Serge Molla

 

304 pages - 22,90 €


Recension Gilles Castelnau


23 décembre 2022


 

Cet important livre présente de façon saisissante l’histoire de la spiritualité des Noirs américains. Leur arrivée d’Afrique alors qu’ils sont porteurs de leurs religions originelles et qu’ils les mélangent au christianisme de leurs « maîtres ». Leur lecture libératrice, au temps de l’esclavage, du livre biblique de l’Exode, avec l’espérance de la sortie d’Égypte alors que les Blancs s’identifiaient plutôt au peuple libre marchant vers Canaan. Le rôle émancipateur de l’Église noire fournissant une identité et un dynamisme intérieur à ceux que l’on appelle désormais « Africains Américains ». Ainsi que la situation actuelle, après Martin Luther King et Malcolm X, le « Dieu noir » de l’Évangile.

En voici quelques extraits.

 

 

 

 

Préface à l’édition française

 


Malgré tout, des femmes et des hommes firent leur le Dieu chrétien de leurs oppresseurs. Déportés, prisonniers d'un esclavage institutionnalisé, des êtres humains, considérés comme des biens meubles, décèlent un tout autre message dans cette religion que leurs « maîtres » leur prescrivent en guise d'opium. Ces esclaves arrachés à leur continent d'origine se voient privés des expressions religieuses africaines, tant animistes que musulmanes. Tout l'environnement les enjoint à l'asservissement et à la docilité. Pourtant, le peuple noir parvient à entendre, dans le récit biblique, la promesse d'une libération qui lui est adressée. La mémoire de l'Exode, l'exemple de figures prophétiques et ce Jésus rejeté et condamné à mort le rejoignent. Ces symboles lui permettent de se réapproprier son existence.

 

Évidemment, ces figures et thèmes comptent aussi pour les Blancs. Mais ceux-ci, à peine débarqués dans le Nouveau Monde, se prennent pour le peuple élu. Les colons s'identifient au Nouvel Israël, au peuple hébreu d'après l'Exode lancé à la conquête de la Terre promise. En revanche, les Africains Américains s'identifient à un autre moment du récit biblique, celui du peuple avant l'Exode, captif en Égypte et que Dieu promet de libérer. Cette promesse fonde leur espérance. Si, de part et d'autre, « maîtres » et esclaves mobilisent le même récit, ils divergent radicalement quant à la lecture qu'ils en font et à la manière dont leur interprétation les conduit à affronter l'existence dans le Nouveau-Monde.

 

 

 

 


La foi-liberté



Conversion au christianisme

A l’écoute attentive de la Bible dans les lieux de culte, les esclaves africains découvrirent un Dieu bien différent de celui prêché par de nombreux blancs. Jonathan L. Walton, pasteur et doyen de l’école de théologie de l’Université de Wake Forest, note :



Ils se souviennent du motif de l’Exode mené par ce Dieu, qui se range du côté de ceux qui sont asservis, par ce Dieu qui se lève ; ils se rappellent que Moïse déclara courageusement et sans ambiguïté : « Laisse partir mon peuple » [Ex 5,1]. Les Africains convertis au christianisme, tout comme les premiers chrétiens, sont attirés par ce message, car ils s'y reconnaissent. Ce n'est pas une réalité spirituelle ; pour ceux qui vivent enchaînés et sont considérés comme des biens meubles, il s'agit de leurs vies.

Les missionnaires étaient toutefois déterminés à accroître le nombre de conversions, même si cela signifiait refuser la liberté de l'Évangile à la population asservie ; c'est pourquoi des lois soutenant l'analphabétisme ont été adoptées afin de s'assurer que les esclaves ne pussent pas légalement apprendre à lire ou à écrire l'anglais. De même, les missionnaires ont supprimé des histoires clefs de la Bible pour que les esclaves n'y eussent pas accès. Gerbner explique cette censure : « L'Exode ? Enlevez-le. Ça parle d'esclaves réclamant leur liberté. »

 

Des pans entiers du Nouveau Testament mettant en cause le pouvoir impérial et la hiérarchie sociale furent passés sous silence, au profit d'autres passages, tels que « Serviteurs, obéissez à vos maîtres terrestres. » [Ep 6,5] Le pardon, l'obéissance et la piété constituaient le cœur du message proféré par le maître aux esclaves. « Les propriétaires, explique Pierce, étaient convaincus que cela instillerait un sentiment de docilité parmi leurs esclaves en les encourageant à suivre l'exemple de Jésus, présenté comme un serviteur docile et très doux. »

C'est toutefois la souffrance sacrificielle du charpentier de Nazareth qui trouva finalement le plus d'écho auprès des esclaves.

« Ils savaient, précise le pasteur Michael Curry, que ce Jésus avait quelque chose de différent, qu'il avait été opprimé et rabaissé comme eux, et qu'il s'était relevé de la tombe. »

 



Une nation au sein d'une nation

Ces chants de douleur reflétaient la fusion par les esclaves des cultures africaines-américaines et de l'évangélisation protestante blanche. En Afrique de l'Ouest, la musique et le culte ne formaient qu'un, et les Africains, capturés et expédiés en Amérique au XVIIe siècle, emportèrent avec eux leur manière de chanter. Les spirituals sont alors apparus lorsque les esclaves ont fusionné les hymnes protestants avec les styles musicaux africains jusqu'à créer des chants qu'ils pouvaient chanter en toute sécurité tout en travaillant ou priant. Ces chants exprimaient leur souffrance, en mêlant leur désir de liberté aux récits bibliques.

 

 


La Parole de Dieu, l'œuvre de Dieu

Avec près de 95 % d'affranchis analphabètes, l'éducation devint au lendemain de la guerre civile un enjeu majeur pour la communauté noire. « Rappelez-vous, insiste Evelyn Brooks Higginbotham, qu'il était interdit d'apprendre aux esclaves à lire et à écrire. En réaction à cet interdit, les gens se montrèrent plus désireux encore d'apprendre à lire et écrire, comprenant bien que l'éducation était un pouvoir. »

[...]

La plupart des premières écoles pour les affranchis trouvèrent place dans des églises noires. Dans les zones rurales du Sud profond, où les écoles étaient rares, les missionnaires du Nord encourageaient l'alphabétisation des femmes d'Église noires à l'aide de la Bible. Et Butler d'expliciter le fonctionnement de ces groupes d'études bibliques féminins : « Une lecure était proposée pour la journée ; si quelqu'un ne savait pas lire, on lui enseignait les mots figurant dans cette lecture du jour et lui demandait de les mémoriser.

 

 

 

 

Dieu ouvrira un chemin


 Malcolm X

Chan-Malik explique d'ailleurs que King et Malcolm X avaient plus en commun que ce que l'histoire nous a laissé croire :

On dépeint dans la presse Malcolm X et King comme deux antagonistes, et cette impression perdure jusqu'aujourd'hui, posant que l'un était pour I'intégration, la paix et l'amour, et l'autre pour la libération des Noirs par tous les moyens nécessaires, quitte à prendre les armes. Mais à la fin de leur vie, leur pensée et leur façon d'aborder les problèmes de leur époque convergeaient vraiment.

[...]

Le 15 septembre 1963 à Birmingham (Alabama), un matin comme les autres, trois semaines à peine après la grande Marche sur Washington, des enfants noirs étudiaient la Bible à l'école du dimanche de la Sixteenth Street Baptist Church. L'étude du jour portait sur l'évangile de Luc : « Mais je vous dis : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent » [Lc 6,27]. Mais ce matin-là, un acte de violence horrible fut commis par des suprémacistes blancs. Une bombe placée dans le bâtiment explosa, tuant quatre jeunes filles noires.

[...]

Alors que le Mouvement faisait face à de plus en plus de violence, trente-sept églises furent incendiées ou attaquées à la bombe pendant dix semaines —, Martin Luther King, Jr., reçut le Prix Nobel de la paix.

 

[...]

Au printemps 1968, King se rendit à Memphis pour soutenir les travailleurs de la voirie en grève, qui exigeaient la reconnaissance de leur syndicat par la ville, le versement d'un salaire décent et une garantie de sécurité pour leurs collègues. Dans son dernier discours public, il déclara :

C'est très bien de parler des « rues où coulent le lait et le miel », mais Dieu nous a ordonné de nous occuper des taudis d'ici-bas, et de ses enfants qui ne peuvent pas faire trois vrais repas par jour. [...J Nous disons que nous sommes les enfants de Dieu.



Crises de foi


Théologie noire

Dans le deuxième épisode d’une émission, on discute du Jésus noir. En découvrant un tableau qu'il appelle Black Jesus, peint par son frère aîné J. J., le jeune Michael décide de remplacer le portrait conventionnel d'un Jésus aux cheveux blonds et à la peau blanche accroché au mur de l'appartement familial par le Jésus noir. « Puisque les deux ne sont que des symboles de Jésus, explique Michael, une famille noire devrait avoir un symbole noir. »

 


Épilogue

Du Saint-Esprit : le beau et le sublime, la vision et la transe

Alors pourquoi l'Église noire perdure-t-elle et croît-elle ? Pourquoi tant de mes amis, plutôt agnostiques à vrai dire, sont-ils attirés par ses sermons en personne ou en ligne ? Pourquoi Union Chapel à Oak Bluffs sur Martha's Vineyard est-elle littéralement bondée, au point que l’on doive rester debout, pour le service dominical ? Bien sûr, il y a quelques vrais croyants, mais la réponse tient au confort racial de cet espace culturel, à la familiarité avec ses rituels, où l'on retrouve les trois éléments structurels clefs de Du Bois : le Prédicateur, la Musique et la Frénésie.

 

[...]

Ce lieu, nous l'appelons simplement l'Église noire. Et comme l'exprimait Miss Toot Marshall en interprétant le refrain de The Prodigal Son, l'étalon-or des hymnes régulièrement chantés par la chorale de Waldon Methodist et, sans aucun doute, mon gospel préféré :

Oh, je crois, je crois

Je vais rentrer à la maison. Eh bien, je crois, je crois

Je vais rentrer à la maison. Je crois, je crois

Je vais rentrer à la maison. Et servir le Seigneur.

 



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30 pages de photos

 

 

 

 


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