Dialogue interreligieux
Un christianisme
crédible
Believable
Christianity
John Hick
10 février 2007
Je voudrais souligner les deux chiffres de 10 % et de
90 % qui comptent ceux qui vont
à l'église - n'importe quelle église -
et ceux qui n'y vont pas.
Ce ne sont que des approximations. Un
sondage de 2001 n'indiquait que 7,9 % de pratiquants. Et le
chiffre de 90 % de ceux qui ne vont pas à l'église
inclut les fidèles des autres religions - qui sont
peut-être 3 % - dont je dirai un mot plus
loin.
Pour simplifier, conservons ces deux
chiffres de 10 % et de 90 %.
Je pense qu'un grand nombre des
chrétiens qui ne vont pas à l'église
- personne ne sait combien - n'en sont pas moins religieux
ou concernés par la spiritualité.
En voici quelques preuves.
- Beaucoup de jeunes choisissent dans les écoles
et les universités les options religieuses, alors même
qu'ils font état de scepticisme à l'égard de
l'enseignement des Églises.
- Beaucoup de gens participent aux divers mouvements du
Nouvel Age dont l'énorme influence se mesure d'ailleurs dans
les librairies où leurs publications sont beaucoup plus
nombreuses que celles du christianisme traditionnel.
- Beaucoup d'émissions de
télévision et de livres concernent la religion comme
par exemple le stupide Da Vinci
Code qui est étonnamment
répandu.
On peut donc dire que les 90 %
incluent beaucoup de gens qui sont réellement
intéressés par la religion, le sens de la vie, pourquoi nous sommes ici,
comment savoir ce qu'est une vie bonne, bonne pour les autres comme
pour nous-mêmes.
Quant aux 10 % qui continuent à
fréquenter les églises, ils sont
généralement contents du message des sermons, des
cantiques et des prières et sont heureux d'y retrouver leurs
amis dimanche après dimanche. Ils trouvent normal que les
églises ne soient fréquentées que par une petite
minorité mais exercent néanmoins une influence
globalement importante sur la société actuelle comme le
sel dans la nourriture.
On peut s'interroger sur la validité
de cette conception. Je ne vois guère l'Église comme le
sel de la terre mais, pour poursuivre les métaphores
bibliques, comme une lampe cachée sous le boisseau des
incroyables doctrines accumulées au long des
siècles.
Il est d'ailleurs remarquable que parmi ceux
qui vont à l'église il y a une étonnante
diversité d'opinions. Si l'on pouvait connaître ce qui
se passe dans les esprits des fidèles réunis un
dimanche matin, on trouverait sans doute autant de conceptions
différentes de Dieu qu'il y a de personnes. C'est ainsi qu'une
récente étude publiée dans le journal
Sociology of Religion révélait qu'environ 25 % des
Anglais croyaient en la réincarnation, sans toutefois
élaborer théologiquement cette doctrine
particulière.
Les fidèles des églises ne
sont donc pas forcément très orthodoxes.
Je m'en suis rendu compte il y a trente ans
lors de la parution, en 1977 du livre The Myth of God Incarnate qui provoqua un véritable choc dans
l'opinion. Les journaux nationaux s'en firent l'écho et il fut
en peu de temps plusieurs fois réédité,
jusqu'à atteindre 30 000 exemplaires.
Ce livre était l'oeuvre de sept
auteurs dont plusieurs comptaient parmi les plus importants
théologiens et biblistes du temps. Leur
notoriété même rendait le titre plus choquant
encore qu'il n'était. Et pourtant le message central du livre
était tout simplement que le Jésus de Nazareth de
l'histoire n'avait pas enseigné ni même cru
lui-même qu'il était Dieu ou le Fils de Dieu, Seconde
personne de la sainte Trinité, incarné. Ceci n'avait
rien de nouveau. Les théologiens en étaient conscients
depuis longtemps. Ce qui était nouveau était que cela
était désormais dit en public par des
théologiens que l'on ne pouvait pas ignorer. L'émotion
suscitée par ce livre révéla à quel point
les fidèles des églises étaient ignorants de la
science biblique moderne.
J'étais l'un des auteurs du livre et
son éditeur et j'ai reçu à son sujet
quantité de lettres. Certaines étaient clairement
hostiles. On m'informais, entre autres, de ce que j'étais un
support de Satan. Mais d'autres, qui émanaient de
prêtres, me remerciaient, disaient qu'ils avaient toujours
pensé cela mais que naturellement ils ne pouvaient pas en
parler à leurs paroissiens. D'autres encore provenant des
paroissiens, remerciaient, disaient qu'ils avaient toujours
pensé cela mais que naturellement ils ne pouvaient pas en
parler à leur prêtre ou à leur pasteur !
Autrement dit, il y avait duplicité réciproque. Je
pense que cette situation n'a guère changé
depuis.
On arrive ainsi à la raison pour
laquelle si peu de gens vont à l'église. Je pense que c'est tout simplement parce qu'ils
jugent non crédible les affirmations que l'on y entend. Ce
n'est pas forcément la foi elle-même qui a perdu sa
crédibilité mais la manière dont elle est
présentée.
Ce qui est présenté est que
Jésus de Nazareth est le seul sauveur du monde et que le
christianisme est la seule vraie religion ? Que Jésus est
Dieu - ou le Fils de Dieu - incarné. La sainte
Trinité, le salut des péchés du monde par la
mort sacrificielle de Jésus sur la croix, sa
résurrection corporelle et son ascension au ciel. Tout ceci
semble non crédible à la plupart de ceux qui ne vont
pas à l'église.
Le christianisme est crédible mais
l'enseignement des églises ne l'est pas.
Il est vrai que la question n'est pas de
savoir si une conception est crédible pour un esprit moderne
ou non mais si elle est vraie ou non. Si elle est vraie, il faut la
conserver, que les autres la jugent crédible ou non. Mais
quant à nous, sommes-nous capables d'adhérer au
doctrines traditionnelles que je viens de citer ou faudrait-il
les repenser et les comprendre autrement ?
Le Nouveau Testament
Les théologiens
diffèrent sur beaucoup de choses mais sont d'accord sur un
certain nombre de points fondamentaux.
Premièrement, bien qu'ils se
présentent comme rédigés par des témoins
visuels de la vie de Jésus, les évangiles n'ont
été écrits par aucun des douze apôtres et
plusieurs décennies après la mort de
Jésus.
Les évangiles synoptiques
Marc date environ de l'an 70.
Matthieu et Luc des
années 80 ; ils ont connu et utilisé le texte
de Marc, des sources qui leur étaient propres et probablement
d'une source commune à eux deux que l'on nomme
la
« source Q » (certains spécialistes en discutent).
Jean a été écrit
entre 90 et 100.
Matthieu, Marc et Luc sont appelées
évangiles synoptiques car ils s'accordent globalement ensemble
alors que le quatrième évangile, Jean, est fort
différent.
Dans les synoptiques, Jésus est un
enseignant charismatique et un guérisseur reconnu. Il se nomme
lui-même « le fils de
l'homme ». Son
enseignement est organisé en brèves instructions et
comporte les inoubliables paraboles de l'amour de Dieu. Il se
présente comme l'ultime prophète annonçant
l'arrivée imminente du royaume de Dieu :
Quelques-uns de ceux qui sont
ici ne mourront point qu'ils n'aient vu le royaume de Dieu.
Luc 9.27.
Je vous le dis en vérité,
cette génération ne passera point, que tout cela
n'arrive. Matthieu 24.34.
Mais il ne revendique jamais d'être
divin.
Dans le second livre de Luc, les Actes des
Apôtres, Pierre dit de lui :
Jésus de Nazareth, cet
homme à qui Dieu a rendu témoignage devant vous par des
miracles.
Actes 2.22.
C'est ainsi que les évangiles
synoptiques présentent le personnage de Jésus.
Le quatrième évangile
Il nous montre Jésus
prononçant non de brèves paraboles mais de longs
discours qui manifestent un stade avancé de la
réflexion théologique de l'Église. Jésus
est désormais divin, préexistant et les mots
« fils de
Dieu » ont acquis une
signification nouvelle.
Dans le judaïsme, « fils de Dieu » était une métaphore courante. Le
messie était « fils
de Dieu »,
c'est-à-dire qu'il était spécialement choisi par
Dieu en vue d'une mission particulière. Adam était
« fils de
Dieu » (Luc 3.38),
les anges étaient « fils de Dieu », les anciens rois de Juda étaient
couronnés comme « fils de Dieu » :
L'Éternel m'a dit :
Tu es mon fils ! Je t'ai engendré aujourd'hui.
Psaume 2.7.
Moi-même je serai pour lui un
père, dit l'Éternel et lui, il sera pour moi un
fils. 2 Samuel 7.14.
Le peuple d'Israël était
lui-même« fils de
Dieu » et tout juif
exceptionnellement pieux pouvait être appelé
« fils de
Dieu ».
Jésus était donc
« fils de
Dieu » dans le sens
métaphorique familier aux juifs de son temps et qui n'avait
aucune signification divine.
C'est lorsque l'Église se
développa en dehors du cercle juif, que Paul prolongea
l'élévation de Jésus jusqu'au statut
divin.
L'évangile de Jean, à la fin
du 1er siècle considère Jésus comme
absolument divin, Dieu incarné :
Au commencement était la
Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole
était Dieu. 1.1
Personne n'a jamais vu Dieu ; le Fils
unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l'a fait
connaître. 1.18
Thomas lui répondit : Mon
Seigneur et mon Dieu ! 20.28.
C'est dans cet esprit que Jean écrit
les célèbres phrases :
Jésus lui dit : Je
suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au
Père que par moi. 14.6.
Et Le Père et moi nous sommes
un 10.30.
Qui m'a vu a vu le Père
14.9.
C'est la source d'où est née
la théologie dominante que l'on a fini par appeler le
christianisme. Ce n'est pas l'enseignement de Jésus
lui-même, mais celui qui s'est progressivement
développé parmi les membres du mouvement de
Jésus et qui a finalement été consacré
par les credo.
Le Symbole des
Apôtres
Il n'a rien à faire avec les douze
apôtres. Il est basé sur le « vieux credo
romain » qui date de la
fin du 2e siècle et a reçu sa forme
actuelle au début du 8e siècle.
Le Symbole de
Nicée
Il a été rédigé
en l'an 325 lors du concile de Nicée (Actuelle Turquie).
Comment peut-on y
adhérer littéralement ?
Le Fils unique de Dieu,
né du Père avant tous les siècles :
Il est Dieu, né de Dieu,
lumière, né de la lumière,
vrai Dieu, né du vrai Dieu.
Engendré non pas créé,
de même nature que le Père.
Ce langage ne désigne pas le
Jésus de l'histoire mais le Christ divin de la foi.
Il a été renforcé par
la doctrine officielle des deux natures élaborée par le
concile de Chalcédoine en 451, qui est responsable d'un
impossible imbroglio : comment comprendre qu'un individu
historique puisse avoir en même temps les attributs de Dieu
- éternité, perfection, toute-puissance,
omniscience, omniprésence - et les attributs de notre
humanité - finitude, mortalité,
péché, puissance et connaissance
limitées -.
L'Incarnation
Devrions-nous donc renoncer au langage de
l'incarnation ? Non. Mais nous devons le comprendre
autrement.
L'« Incarnation » est une métaphore puissante. Elle
désigne la réalisation dans une vie d'un idéal
ou d'une conviction. On comprend parfaitement ce que l'on veut dire
en affirmant qu'après le triomphe du mouvement de lutte contre
l'apartheid en Afrique du Sud, Nelson Mandela a « incarné l'esprit de pardon et de
réconciliation »
dans sa vie et ses actions.
La métaphore de l'incarnation divine
de Jésus personnifiant l'irrépressible conscience de la
bonté et de l'amour de Dieu est une conception parfaitement
compréhensible, crédible et moralement
stimulante.
Par contre le dogme officiel n'est ni
compréhensible, ni crédible ni moralement
stimulant.
En effet, si Jésus a vécu la
vie humaine comme numéro deux de la Trinité, dans une
perfection sans péché, quel modèle pourrait-il
représenter pour nous qui sommes des créatures humaines
ordinaires ? Nous ne sommes pas Dieu incarné, nous sommes
pécheurs, fragiles et imparfaits et nous avons besoin d'un
modèle humain que nous pouvons imiter et qui nous met en
question. Et c'est justement ce qu'était Jésus de
Nazareth. Nous pouvons le prendre pour seigneur, ou pour utiliser un
terme oriental que tout le monde connaît aujourd'hui, l'avoir
comme gourou.
Ce mot de gourou me fait préciser
qu'il ne faut suivre aveuglément aucun gourou ni aucun
seigneur en renonçant à la raison que Dieu nous a
donnée.
Jésus lui-même pouvait se
tromper. Ne croyait-il pas en effet à l'imminence de la fin du
monde, lorsqu'il disait :
Le temps est accompli, et le
royaume de Dieu est proche. Repentez-vous, et croyez à la
bonne nouvelle. Marc 1.14-15.
Il disait aussi à cause de
l'imminence de la fin du monde :
Quiconque aura quitté,
à cause de mon nom, ses frères, ou ses soeurs, ou son
père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses enfants, ou ses
terres, ou ses maisons, recevra le centuple, et héritera la
vie éternelle. Matthieu 19.29.
Il y a donc des aspects de son enseignement
que nous avons raison, aujourd'hui, de laisser de côté.
Également certains passages du Nouveau Testament, comme
l'anti-sémitisme du quatrième évangile ou
l'anti-féminisme de saint Paul.
Il ne faudrait néanmoins pas nous
poser la question de savoir ce
que nous conserverons du personnage de Jésus que nous
révèle le Nouveau Testament. Il faut plutôt se
demander ce qui nous est révélé de lui une fois
que l'on s'est libéré des caches que constituent les
dogmes ultérieurs de l'Église.
Ce qui nous est révélé
est le coeur du ministère et de l'enseignement de
Jésus, l'enseignement moral stimulant résumé
dans le Sermon sur la Montagne, l'amour inconditionnel pour tous les
hommes, les paraboles inoubliables de l'amour de Dieu, ses puissantes
critiques de la hiérarchie ecclésiastique, sa
proximité des pauvres et de tous ceux que l'institution
marginalise, son accueil des femmes qu'il accepte comme disciples et
son ministère de guérison.
Débarrassé de toute la
structure théologique qui le cache aux yeux des 90 %, le
Jésus de l'histoire est vraiment notre seigneur, notre gourou,
notre modèle.
Lisons donc de manière
métaphorique le dogme de l'incarnation de Jésus de
Nazareth. Ne disons pas qu'il était physiquement fils de Dieu
au point de ne pas avoir de père humain. L'idée d'une
naissance miraculeuse était généralisée
dans le monde antique ; elle était notamment
attribuée au Bouddha et à Zarathoustra.
Les récits bibliques de la naissance
virginale sont tardifs et clairement mythologiques. Ils
étaient apparemment inconnus de saint Paul qui écrivait
avant la rédaction des évangiles, ainsi que de Marc,
l'auteur du premier évangile. Ils ont été
élaborés au moins deux générations
après les événements supposés.
Dire cela ne signifie naturellement pas que
nous ne puissions plus célébrer Noël et aimer le
beau récit de Bethléem. Mais il ne faut pas oublier
qu'il s'agit d'un texte symbolique et que sa vérité
n'est pas littérale.
La doctrine de la
Trinité
Elle dépend de l'idée que l'on
se fait de l'Incarnation qu'elle était, à l'origine,
destinée à protéger. L'idée que Dieu est
sur terre en la personne de Jésus pose en effet le
problème de son articulation avec le fait que Dieu est aussi
au ciel et qu'en même temps on a le sentiment d'une
présence intérieure de Dieu. Le dogme de la
Trinité a pour but d'en donner une explication.
Je pense que la raison pour laquelle tant de
chrétiens fidèles s'accrochent tellement à cette
doctrine est qu'elle apporte une dimension appréciable de
mystère. Mais je trouve qu'il y a déjà
suffisamment de mystère comme cela.
C'est un mystère que le Dieu parfait
ait choisi de faire une création imparfaite.
C'est un mystère que le Dieu
tout-puissant autorise tant de mal et de souffrance.
C'est un mystère que
l'au-delà.
Il n'est pas besoin d'en rajouter
artificiellement.
La doctrine de la
réconciliation
Elle présuppose également une
compréhension littérale de la doctrine de
l'Incarnation. Une prise à la lettre aussi des images comme
cela de l' « agneau de
Dieu qui ôte le péché du
monde ». Nombreux sont les
cantiques et les textes liturgiques rapportant le pardon des
péchés du monde à la mort sacrificielle du Fils
de Dieu sur la croix. D'après cette doctrine, c'est en effet
dans la mesure où Jésus était Fils de Dieu que
sa mort a pu être suffisante pour contrebalancer le poids des
péchés du monde.
Jésus a probablement
été exécuté par les Romains parce qu'ils
craignaient, ainsi que leurs collaborateurs juifs, que la foule
rassemblée pour la Pâque, le considère comme le
messie et qu'un soulèvement s'en suive.
Le Notre Père
Tout ce que j'ai dit à propos de
l'Incarnation, de la Trinité et de la réconciliation
est confirmé par cette prière qui nous invite à
nous adresser directement à Dieu sans qu'il soit question de
médiateur ni même de parler au nom de
Jésus.
Jésus nous y apprend que Dieu nous
pardonne nos fautes comme nous pardonnons à ceux qui nous ont
offensés, sans qu'un sacrifice sanglant soit
nécessaire.
Le Notre Père ne fait pas non plus
aucune référence à la sainte
Trinité.
Tel qu'elle est, cette prière est un
résumé de l'enseignement de Jésus. Si nous la
prenons au sérieux, elle nous interpelle, elle nous engage
dans la voie de Dieu et nous invite à oeuvrer au Royaume de
paix, de justice et de fraternité entre les hommes, ici et
maintenant sur la terre. Et c'est la vocation de
l'Église.
La tâche de
l'Église
Certains disent qu'elle de convertir le
monde entier, selon qu'il est écrit :
Allez et faites des disciples de
toutes les nations en les baptisant au nom du Père, du Fils et
du Saint-Esprit Matthieu 28.19.
La plupart des biblistes pensent que ces
mots n'ont pas été réellement prononcés
par le Jésus historique. Néanmoins, et bien qu'elle ait
été abandonnée par la plupart des
théologiens, la conviction que la volonté de Dieu est
qu'un jour toute l'humanité devienne disciple de Jésus,
demeure présente dans les cantiques habituels :
Au nom de Jésus, tous les
genoux fléchiront et toutes les langues confesseront qu'il est
le roi de gloire.
Je pense que cet esprit de
supériorité chrétien est, non seulement
irréaliste mais aussi qu'il est faux théologiquement et
religieusement. Il doit être supprimé de notre cantiques
dès leur prochaine révision et dès maintenant de
nos pensées.
Pourquoi le triomphalisme ou
l'impérialisme chrétiens sont-ils faux
théologiquement ? Pour
le comprendre il faut commencer par prendre conscience du fait
évident que dans la plupart des cas la religion de chacun
- ou celle contre laquelle il se révolte - est celle
dans laquelle il est né. Celui qui est né dans une
famille chrétienne sera le plus souvent chrétien,
pratiquant ou non pratiquant. Celui qui est né dans une
famille musulmane ou bouddhiste le sera de même.
La plupart des hommes sont nés et
vivent en dehors du christianisme. Cela a-t-il un sens de penser que
la volonté de Dieu est que leurs genoux fléchissent au
nom de Jésus ?
Et quand nous parlons du salut,
comprenons-nous aller au ciel après la mort ou pensons-nous
aussi à une transformation graduelle intérieure de
notre vie qui nous fait passer de notre égocentrisme habituel
à une plus grande ouverture envers les autres, une plus grande
fraternité ?
Dans le second cas le salut n'existe-t-il
pas aussi en dehors du christianisme ? Il me paraît
évident que tendresse et froideur, amour et haine,
égoïsme et altruisme se retrouvent partout
également dans le monde entier. Toutes les grandes religions
connaissent à peu près le même nombre de saints
et de pécheurs.
Cela ne serait pas le cas si l'on avait, par
le Christ, une relation spéciale avec Dieu, si sa vie divine
pénétrait particulièrement notre vie humaine.
Mais pouvons-nous penser que nous sommes effectivement meilleurs
globalement, moralement et spirituellement, que les non
chrétiens ? Qui pourrait le
prétendre ?
Il me semble qu'il nous faut revoir
radicalement la place du christianisme dans le monde des religions et admettre qu'il n'est
qu'une voie parmi les autres. Cela nous amènera
forcément à repenser conception du christianisme
lui-même en tenant compte de la présence des autres
religions. C'est un vrai défi auquel nous devons tous faire
face.
Mais ne nous imaginons pas que ce mouvement
sera amorcé par les théologiens et les responsables
d'Églises. Les renouveaux commencent toujours à la
base.

Kota-Obamba, Gabon
(Musée Dapper, Paris)
Je constate déjà, dans la
ville largement pluriethnique de Birmingham, que de nombreux
chrétiens sont déjà pluralistes de fait.
C'est-à-dire qu'ils ne pensent pas que leurs voisins
musulmans, sikhs, juifs, hindous, bouddhistes ou bahaïs leur
sont inférieurs vis-à-vis de la Réalité
fondamentale. Ils ne croient pas que le salut éternel de leurs
âmes soit en danger. Nous sommes nombreux à avoir parmi
eux des amis dont nous admirons la vie et la spiritualité.
Nous ne croyons tout simplement pas qu'ils soient
désavantagés par rapport à nous, même si
notre théologie officielle le prétend. Et finalement
l'évidence prévaudra inévitablement sur le dogme
traditionnel - tout au moins pour ceux qui ne s'enferment pas
dans l'armure impénétrable d'un rigide
fondamentalisme.
Tout ceci est important. Le théologien catholique Hans Küng a
dit qu'il n'y aurait jamais de paix entre les nations tant qu'il n'y
aurait pas de paix entre les religions. Et j'ajouterai qu'il n'y aura
jamais de véritable paix entre les religions tant que chacun
ne reconnaîtra pas la validité des autres.
Que chacun de nous fasse son possible pour y
arriver !
Traduction Gilles
Castelnau
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