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Le dualisme religieux

  

 

Pierre-Jean Ruff

 

14 novembre 2007

Paru dans les Cahiers Michel Servet, n° 7, février 2007, « Des origines du christianisme aux cathares et des cathares à nous », publié par l'Assemblée fraternelle des chrétiens unitariens (AFCU) et le réseau francophone de la Correspondance unitarienne.
Première version publiée sous le même titre dans la revue Vivre, 93/3, Lillois, 1993 et mis en ligne sur le site de Profils de libertés

 

 

 Par nature, la foi est irrationnelle. Elle est de l'ordre de la conviction intime et non de la logique déductive. Pourtant, il est légitime et indispensable de se demander: quelle incidence ma foi a-t-elle sur ma représentation du monde et sur son devenir ? Si je crois que Dieu est amour, en quoi cela oriente-t-il mon regard et ma perception des choses ? Comment imaginer qu'un chrétien puisse faire l'économie de ces questions ?

 

En schématisant, donc en simplifiant beaucoup, deux types de réponses ont été apportés à ces questions. La première a été officialisée par toutes les Églises. Elle tient donc lieu de référence classique de la foi chrétienne. La seconde a souvent été revendiquée par des minorités de chrétiens que les plus nombreux ont toujours qualifiés d'hérétiques, donc de dangereux pour le message évangélique.

 

La vision chrétienne classique

 

Dieu est tout-puissant et amour. Il est donc créateur universel et auteur d'une oeuvre parfaite. Si aujourd'hui tout ne reflète pas cette perfection originelle, c'est que le mal a vicié cette création belle et bonne (ce mal est l'oeuvre d'un ange révolté contre Dieu, à moins qu'on ne dise seulement qu'il vienne du coeur de l'homme). Dès lors, le monde comme le coeur de l'homme sont partagés entre le bien et le mal et cette partition n'aura pas de fin puisque cet enseignement officiel chrétien induit la croyance à l'enfer et aux peines éternelles.

 

Ainsi tout part d'un monde merveilleux (le Paradis aujourd'hui perdu, encore appelé l'Éden). Symboliquement, cela est aussi attesté par la vision qui nous est proposée du monde, avant que les hommes ne construisent la Tour de Babel : « ils avaient alors une langue et les mêmes mots ». Le mythe de l'unité merveilleuse perdue se trouve aussi au début du Livre des Actes (elle est ensuite reprise dans tous les catéchismes classiques) lorsqu'il nous est dit que les chrétiens de l'église primitive vivaient une communion exceptionnelle, qu'il nous faudrait aujourd'hui retrouver.

Tout cela est-il authentique ou sommes-nous en présence d'une tentative désespérée de se fabriquer un passé mirifique pour pouvoir croire à la splendeur possible de demain ?

 

On remarquera que, au travers de la création initialement belle et bonne, cette vision des choses cherche à magnifier la force et la gloire de Dieu. Malheureusement, ce n'est pas pour autant une perspective très optimiste pour le présent et l'avenir du monde et de l'humanité, ni finalement l'expression d'une confiance bien grande en l'amour de Dieu. En effet, ce faisant, on vit l'assurance d'un passé merveilleux dont la restitution sera possible pour certains seulement. Le tout assorti d'un fort sentiment de culpabilité, puisque selon cette lecture de l'histoire, l'homme est le seul responsable de la perte du bonheur initial que quelques-uns seulement retrouveront plus tard.

 

La vision chrétienne dualisante

 

Pour les chrétiens dualistes, le monde n'a jamais connu une perfection et une unité originelles. La représentation du paradis perdu, symboliquement, relève de la même démarche que lorsque chacun de nous se rappelle avec émotion, tendresse et reconnaissance les moments de sa petite enfance. Le paradis perdu, c'est la sécurité que l'on projette facilement sur le monde qui a entouré notre naissance et nos premiers pas dans la vie.

 

Pour les dualistes, qu'ils cherchent à donner une explication des causes premières ou non, les origines sont dans la diversité (non dans l'unité) et dans la dualité (le mal n'est pas intervenu ultérieurement dans une création bonne).

 

En revanche, les dualistes sont tous des hommes de foi. Ils croient en l'homme et en l'Esprit. Pour eux, l'homme peut et doit, au travers de la connaissance, tendre vers l'accomplissement de sa mission (l'arbre de la connaissance du bien et du mal est béni et non maudit). Par ailleurs, leur foi en l'Esprit de Dieu et en son action dans le monde, fait d'eux d'invétérés optimistes. À cause de leur foi, l'issue de toutes choses ne fait pas de doute pour eux. Ainsi, par exemple, les cathares ne doutaient ni du fait que toutes les âmes retrouveraient leur vraie pureté, ni donc d'un salut universel.

 

Quelle est la vraie foi ?

 

Le christianisme officiel défend contre vents et marées la toute-puissance absolue de Dieu, donc sa fonction de créateur universel. En Occident du moins, cela a généré un christianisme pessimiste sur l'homme, sur le salut promis, valorisant d'autant le sacrifice physique du Christ et ses souffrances pour compenser une situation aussi détériorée. C'est ce qui fait dire à Elaine Pagels (1) : « Depuis le Ve siècle, les visions pessimistes d'Augustin sur la sexualité, la politique et la nature humaine sont devenues le courant de pensée dominant dans le christianisme occidental ». Et encore : « Comment un message aussi austère, dans toutes ses versions, a-t-il pu attirer autant de gens ? Comment la chrétienté parvint-elle à devenir la religion de l'Empire romain ? ».

 

Qu'est-ce qui paraît le plus fidèle à l'enseignement de Jésus ? Est-ce de croire en un Dieu tout-puissant, créateur universel mais dont l'action, pour quelque raison que ce soit débouche sur un mode duel avec une félicité céleste éternelle pour certains et des peines éternelles pour d'autres ? Ne serait-ce pas plutôt de croire inversement en un monde originel où Dieu ne régit pas tout, mais où l'impact de Son amour et de Son Esprit progressivement amendent toutes choses et les conduisent à une joie universelle dans la réconciliation ? Faut-il favoriser un monisme originel qui débouche sur un dualisme éternel (c'est la théologie occidentale officielle) ? Faut-il au contraire faire valoir une dualité originelle qui donnera naissance à un monisme final, ce qui est la position de la plupart des dualistes ?

 

De ces deux démarches, laquelle est la plus porteuse de foi et d'espérance, en même temps que la plus fidèle à notre représentation d'un Dieu amour ? Il n'est sûrement pas anodin de se poser de telles questions. Il est tout aussi important de s'interroger sur les raisons qui ont pu conduire le christianisme occidental officiel à se focaliser sur un message aussi austère assorti d'une grande intransigeance à l'égard de ceux qui n'y adhèrent pas.

 

Le dualisme gnostique, puis  cathare

 

Les chrétiens gnostiques des premiers siècles et les cathares ont été les théologiens dualistes les plus péremptoires.

 

Pour les premiers, il s'agit essentiellement d'une déduction logique avec deux arguments principaux avancés : comment un Dieu-amour aurait-il pu instituer un ordre de la nature qui nous oblige biologiquement, et pas forcément que sur ce plan, de tuer pour survivre ? Et encore : les lois de la nature, au niveau animal tant que végétal, privilégient les espèces par rapport aux individus et les forts par rapport aux faibles, ce qui est juste le contraire de l'Evangile. Donc, le Dieu de l'Evangile ne peut pas avoir voulu un tel ordre naturel. Ce dernier a forcément une autre causalité.

 

Chez les cathares, les bons hommes, avaient un niveau de culture théologique tout à fait performant. Mais ils étaient avant tout des prédicateurs et des pasteurs : des transmetteurs. A ce titre, leur seul souci, c'est que l'image du Dieu-amour ne soit pas abîmée par tout ce qui ternit l'existence : tout ce qui est mal, tout ce qui va à l'encontre de ce dieu doit clairement être désigné comme ayant une autre cause que lui, même si, ensuite, on n'épilogue pas sur l'identité de cette cause.

 

Au siècle dernier, en France, le pasteur Wilfred Monod a été un fervent défenseur de la théologie dualiste. Il dira : « Tirer d'une vieille armoire l'hypothèse d'un démiurge, l'épousseter, la repeindre et la poser en tapinois sur le bureau d'un synode ou d'un concile ou d'une conférence oecuménique, est-ce vraiment sérieux ? ... Les catéchètes qui font rire dès qu'ils ouvrent doctrinalement la bouche, ne devraient pas, en bonne logique, écarter l'hypothèse du démiurge, avec un sourire avisé » (2). Malheureusement, à ma connaissance, W. Monod n'a pas convaincu grand monde à ce sujet, excepté son fils, Théodore, et, nettement plus tard, l'auteur de ces lignes.

 

_______________________________

 

(1) Helaine Pagels, 1989 - Adam, Eve et le serpent, Paris, Flammarion, pp. 227 et 72.

(2) Wilfred Monod, 1934 - Le problème du Bien, Paris, Félix Alcan, tome II, pp. 191-192.

 

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