Dialogue interreligieux
Le pluralisme
interreligieux
de John Hick
John
Hick's Pluralistic Hypothesis
Larges extraits
Keith E. Johnson
Université du Michigan
16 janvier 2004
L'hypothèse que soutient
Hick est que toutes les religions ne
témoignent, en fait, que d'une seule et même
Réalité ultime, dont elles présentent des
visages différents selon les cultures qui sont les leurs.
Cette étude mérite réflexion dans la mesure
où elle élabore théologiquement avec
précision et clarté l'opinion courante que si les
grandes spiritualités semblent se contredire mutuellement,
elles renvoient pourtant à la même
Réalité. Hick examine tout d'abord deux conceptions qui
lui paraissent inacceptables : le naturalisme et
l'absolutisme.
- Le naturalisme rejette toutes les doctrines qu'il considère
comme élucubrations humaines et s'en tient à la seule
Nature. Hick admet tout à fait que l'on puisse comprendre
l'univers à l'aide des sciences de la nature, mais estime que
ce n'est pas une raison pour rejeter ce qu'en disent les
religions.
- Le « non-réalisme » (ou « absolutisme ») est
également récusé par Hick. Les penseurs
« non-réalistes » considèrent que les doctrines
religieuses peuvent être utiles à la
spiritualité, mais qu'elles ne se réfèrent
à rien de « réel ». Par exemple, Allah peut être cinq fois par
jour l'objet de la prière des musulmans, mais il ne
possède néanmoins aucune existence réelle en
dehors des pensée de ses fidèles.
Hick se situe, par contre, résolument du côté des
penseurs « réalistes » qui croient à l'existence réelle des
objet religieux, indépendamment de la foi des croyants.
- L'absolutisme
est l'attitude des « réalistes » qui prétendent que leur système de
doctrines est le seul vrai et que tous les autres sont faux. Cette
conception est très répandue et
généralement considérée comme naturelle.
Hick fait cependant remarquer que si une religion particulière
était fondamentalement vraie, sa vérité devrait
apparaître de manière éclatante, être d'une
efficacité indiscutable et engendrer des fidèles
remarquables. Ce qui n'est évidemment le cas d'aucune religion
connue.
L'hypothèse de Hick est qu'une
Réalité ultime constitue le fondement de toutes les
expériences religieuses, les plus diverses et les plus
contradictoires et que les grandes religions représentent
différentes voies qui conduisent toutes à la
Réalité divine universelle et permettent de la
concevoir et de l'expérimenter.
Emmanuel Kant avait déjà eu
l'intuition de distinguer la nature des choses de l'idée que
l'on s'en fait.
Si les diverses religions comprennent différemment la
Réalité ultime, c'est qu'aucune d'elles ne peut
l'atteindre directement mais qu'elles en proposent toutes une vision
particulière, comme vue à travers un prisme
déformant. Allah, Yahvé et le Père
céleste sont, certes, des représentations de la
Présence divine universelle, mais sont en même temps des
créations de l'esprit humain d'une certaine époque et
d'une certaine culture.
Hick propose la comparaison
suivante. Au début du
20e siècle, le monde scientifique se partageait
entre deux écoles qui proposaient des hypothèses
concurrentes et contradictoires en ce qui concerne la nature de la
lumière : l'une concevait la lumière comme un
phénomène ondulatoire et l'autre comme un ensemble de
particules. Aujourd'hui, ces deux conceptions sont toutes deux
considérées comme vraies, et on sait que la
lumière est constituée de particules animées
d'un mouvement ondulatoire.
Ainsi en est-il des diverses conceptions religieuses de la
Réalité ultime.
Yahvé, la Trinité
chrétienne ou Shiva sont, certes, d'authentiques
manifestations de la Réalité ultime mais la
manière dont les Écritures les représentent est
le reflet d'une époque et d'une culture.
Hick pense qu'on ne peut parler de la
Réalité ultime qu'en
langage mythologique. Un mythe est un récit ou une doctrine
qui n'est pas objectivement vrai en soi mais qui révèle
une réalité profonde dont on ne pourrait pas parler
autrement.
L'hypothèse du pluralisme
interreligieux de John Hick se résume ainsi :
1 Toutes les expériences religieuses
émanent d'une Réalité ultime qui en est la
source unique.
2 Aucune tradition religieuse ne peut prétendre
accéder directement à la Réalité
ultime.
3 Chaque tradition religieuse conduit à
expérimenter une conception authentique de la
Réalité ultime.
4 La
Réalité ultime est au-delà de toute description,
qu'elle soit positive ou négative.
Remarque : Il paraît évident à la plupart
des gens que les différentes religions se contredisent
mutuellement, mais qu'elles apportent néanmoins chacune
à sa manière, des éléments
éthiques utiles à leurs fidèles. Il semble donc
abusif de penser qu'une seule puisse être vraie : toute
religion qui fait du bien à ses fidèles paraît
valable.
Pluralisme et
différences doctrinales
Différences concernant
les faits historiques
Les musulmans disent, par exemple, que
Jésus n'est pas mort sur la croix comme les chrétiens
le croient. Mais Hick remarque qu'en dehors de cet exemple et de
quelques autres, les différences d'appréciations
concernant des faits historiques sont relativement peu nombreuses et
d'ailleurs le plus souvent cantonnées au débat interne
à une religion particulière. Les protestants, par
exemple, contestent que Pierre ait été nommé
pape par Jésus comme les catholiques l'affirment. Les
musulmans sunnites et chiites sont en désaccord en ce qui
concerne la nomination des successeurs de Mohammed.
Hick pense que la méthode d'analyse
historique pourrait régler ces questions historiques. Mais
cela s'avère en réalité difficile dans la mesure
où on ne dispose pas, en général, de documents
indépendant. On n'a, par exemple, aucune preuve du fait que
Josué a pu retarder le coucher du soleil un soir de bataille
comme la Bible le rapporte Josué 10.12-13.
Hick propose de ne pas se laisser
arrêter par ces problèmes historiques lorsqu'ils ne sont
pas centraux pour la foi et que, de toutes façons, on ne
dispose d'aucun élément pour les analyser.
Différences concernant
les faits transhistoriques
Il s'agit de faits comme, par exemple, ce
qui se passe après la mort, que l'on peut croire mais que l'on
ne peut pas prouver. Les spiritualités orientales affirment en
général qu'il y aura une multitude de
réincarnations, alors que les religions occidentales
n'enseignent qu'une existence unique, suivie du jugement
dernier.
Ces choses sont plus faciles à
comprendre lorsqu'on les traite comme des affirmations mythologiques.
Mais ce qu'il faut souligner est que de tels faits ne touchent pas
à l'expérience du salut et de la
libération.
Hick propose les principes
suivants :
1 Ces questions admettent des réponses que nous
ne pouvons pas connaître.
2 Ces questions deviennent abordables lorsqu'on les
traite comme des mythes,
3 Ces questions, traitées par contre de manière
dogmatique, ont contribué au racisme et à
l'impérialisme.
Hick insiste sur le fait que, certes, les
croyances comme celle de la vie après la mort, aident les
fidèles à développer leur vie morale en
s'attachant moins à leur propre intérêt qu'au
bien commun. Néanmoins, elles n'ajoutent rien à la
capacité de comprendre et de vivre salut et libération.
Leur importance n'est donc pas fondamentale.
Différences concernant
la Réalité ultime
Hick affirme que les grandes religions sont
toutes enracinées dans la Réalité ultime, et
ceci malgré leurs différences qui les rendent en fait
complémentaires.
Religion, mythologie et
vérité
Que penser de la
diversité des « vérités » enseignées par les différentes
religions ? Hick propose de distinguer le sens « littéral » et le sens « mythologique ».
Le sens mythologique est celui d'une
affirmation qui n'est pas destinée à être prise
à la lettre mais qui désigne néanmoins
correctement une vérité fondamentale. Ainsi le
récit d'Adam et Eve qui ne rapporte pas un
événement historique mais dont le sens religieux est
considérable.
Comment distinguer les « vérités
littérales » et les
« vérités
mythologiques » ?
Lorsque les musulmans prient Allah, ils croient s'adresser à
un être surnaturel qui n'est pas seulement la projection de
leur foi mais qui existe indépendamment d'eux.
Hick écrit : « le théologien pluraliste ne
discutera pas de la vérité littérale de telle
affirmation transhistorique. Il se demandera si le mythe en question
est juste ou faux. »
Bien des affirmation doctrinales sont
considérées comme inacceptables par les partenaires des
autres religions et bloquent tout débat, lorsqu'on les
comprend littéralement. Mais les difficultés se
dénouent lorsqu'on aborde ces questions comme des
mythes.
Discussion
Evidemment cette façon de
considérer comme des mythes
toutes les affirmations doctrinales faisant difficulté dans le
dialogue interreligieux, semble rejoindre le « non-réaliste », à la manière de la
« théologie
radicale », que Hick
récuse et dont il se défend. (voir ci-dessus le
paragraphe sur le « non-réalisme »).
Hick paraît pourtant être « réaliste » lorsqu'il affirme l'existence de la
Réalité ultime et être « non-réaliste » lorsqu'il considère les personnages et les
doctrines qui en rendent compte.
Utiliser ainsi la notion de
mythe pour réinstaurer le
débat entre religions lorsque les doctrines s'opposent est une
facilité que Hick se permet mais qui pourrait se
révéler finalement destructrice de tout dialogue. Les
fidèles des diverses religions risquent, en effet, de ne plus
se reconnaître dans le portrait que Hick trace de leurs
doctrines.
Prenons l'exemple du concept de salut et
de libération ; il
désigne le déplacement du centre d'intérêt
de soi vers la Réalité ultime. Hick pense qu'il se
trouve dans toutes les religions. Néanmoins cela ne signifie
pas qu'il y est toujours compris de la même manière.
Hick ne le prétend pas, mais tout son système de
pensée le suppose pourtant. ainsi lorsqu'il dit que des
notions importantes, qui semblent à première vue
incompatibles dans les différentes religions, expriment en
réalité une même réalité
fondamentale.
S'il en est ainsi, la notion chrétienne du salut rejoint la
conception hindoue ou bouddhiste de la libération comme
réalisation absolue de la nature humaine.
Traduction Gilles
Castelnau
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