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Réponse à Daniel Rosé

qui réagissait à
Jésus-Christ sur le divan

 

 

Alain Houziaux

 

 

Voir

Alain Houziaux, Jésus-Christ sur le divan

Daniel Rosé, Réaction à Jésus-Christ sur le divan


article publié dans Golias-magazine
N° 188, IX-XII 2019, pp. 24-39

 

28 février 2020

Le texte de Daniel Rosé est remarquablement ouvert, intelligent et, j’ajouterais, respectueux et perspicace sur la nature et les limites de mon article. Je lui répondrai brièvement et sans m’opposer, on le verra, à ce qu’il énonce.

1- Daniel Rosé le dit à sa manière, il faut faire la différence entre
a) l’homme Jésus lui-même, dont on ne sait pas grand-chose ;
b) le « héros » mis en scène par le texte des Évangiles et qu’il faut voir comme une figure littéraire ;
c) l’ « être » sur lequel se porte la foi, l’espérance et l’amour de certains d’entre nous.

Le premier ne peut être que l’objet, inatteignable, d’une enquête de type historique; on ne peut bien sûr en faire aucune étude psychologique.
Le troisième est une image mentale qui pour nous a une « saveur » (pour reprendre le mot de Daniel Rosé), et aussi une résonance et même une emprise.

Pour moi, ce Jésus-Christ, tel que je l’ai découvert à 17 ans, est ressenti et reçu comme un être qui a renoncé à tout ego. Il est dépourvu de tout narcissisme au sens courant de ce terme. Il a renoncé à lui-même, à se défendre, à se justifier, à se sauver. De fait, le Jésus-Christ qui ressuscite sans cesse devant moi, c’est celui qui a consenti à sa crucifixion.
Le second des trois, le Jésus du texte des Evangiles, est un « personnage », c’est-à-dire une création (une fiction) littéraire élaborée à partir d’un être historique, un peu comme le Cid de Corneille. Il faut le voir comme une construction catéchétique et missionnaire élaborée par les évangélistes. Il constitue pour moi un objet d’étude, et celle-ci peut s’effectuer selon une grille de lecture qui relève d’une science profane. De même, on peut faire l’étude d’un roman selon le crible de la linguistique, de l’ethnologie, de la morale, de la psychologie. Mais cela ne dit rien sur sa « saveur »; celle-ci est d’un autre ordre. De même, on peut faire l’étude d’un être humain selon le plan de coupe d’une radio ou d’un scanner; cela ne concerne en rien l’émotion qu’il peut susciter en nous.

2- J’ai donc fait une analyse du Jésus-des -Évangiles selon le plan de coupe de la psychanalyse et, en particulier, par référence au concept de narcissisme tel qu’il a été élaboré par Belà Grunberger.
Je suis tout à fait d’accord avec Daniel Rosé pour reconnaître que l’analyse psychanalytique s’inscrit dans une forme de dogmatisme que l’on peut voir comme une mythologie (cf. le « mythe » du complexe d’Oedipe, du narcissisme anté-natal, du Narcisse qui meurt de trop aimer son image idéalisée etc.).
Que ce type d’analyse soit partiel, partial et réducteur, cela est bien évident. On peut dire aussi qu’il est « totalitaire » (pour reprendre le mot de Daniel Rosé), mais il ne l’est que dans son champ propre. En la circonstance, il « radiographie » le Jésus-des-Évangiles selon un crible d’analyse univoque et spécifique. De ce fait, il le reconstruit selon ses critères propres. Il en fait un personnage fictionnel qui se superpose au personnage lui-même fictionnel du Jésus-des-Évangiles.
Néanmoins ce type d’analyse peut être tout à fait pertinent et intéressant parce qu’il dévoile une « structure » (une forme de cohérence et de corrélation entre différents éléments de la vie et de l’enseignement du Jésus-des-Évangiles) que l’on ne pourrait pas mettre à jour par une approche plus globale et polyvalente. Cette structure, je l’ai identifiée comme étant celle du narcissisme. J’aurais pu formater le Jésus-des-Évangiles dans une autre structure, celle de la paranoïa, de la névrose d’échec, de la sublimation etc.

3- Ce qui m’a intéressé et interpelé, c’est la corrélation entre certaines constructions conceptuelles, mythologiques et fictionnelles élaborées par la psychanalyse de Grunberger et la manière dont les Évangiles présentent le « personnage » de Jésus-Christ et le construisent, elles aussi, sur un mode fictionnel, dogmatique, voire mythologique. Ce qui m’a aussi intéressé, c’est le fait que l’analyse psychanalytique du Jésus-des-Évangiles permet de rassembler différents éléments, quelque peu disparates, de la biographie de ce Jésus (les rumeurs sur sa naissance, la teneur de sa prédication, sa manière d’être « dans sa bulle », son désir de martyre etc.) sous une structure unitive, celle du narcissisme.
De fait, on peut se poser cette question (Daniel Rosé le fait à sa manière): les constructions dogmatico-mythologiques élaborées par la psychanalyse et celles élaborées par les récits de nature religieuse ont-elles une origine commune, celle de nos fantasmes et de notre inconscient ? On peut aussi se demander si certains concepts théologiques (par exemple ceux de péché originel, de naissance virginale, de prédestination, de Marie mère de miséricorde, de sola gratia, de vie éternelle…) ne constituent pas une transposition, dans le langage de la religion chrétienne, de certains de nos fantasmes mis à jour et identifiés par la psychanalyse.
Certains pourraient considérer que cette approche psychanalytique invalide le sens proprement spirituel des articles de foi du Credo. D’autres, au contraire, pourront dire qu’elle les justifie et leur donne une assise anthropologique. C’est tout le débat sur la légitimité du « concordisme » entre la théologie et les sciences humaines.

4- En fait, me semble t-il, la critique qui m’est adressée est une reprise de celle qui, en son temps, était faite au « Structuralisme ». Mon tort est d’avoir voulu organiser sous le chapeau d’une « structure » (celle du narcissisme) la dissémination des éléments du discours des Évangiles à propos de Jésus-Christ et d’avoir ainsi occulté la réalité mystérieuse, polyvalente et savoureuse de ce Jésus. De façon plus générale, ce qui est récusé, c’est le fait que, derrière la variété des phénomènes (des comportements, des propos que l’on tient, des idées et valeurs que l’on professe…) puissent se dissimuler des structures latentes et souvent inconscientes dont ces phénomènes ne sont que des effets.
Mais ce qui est ainsi contesté, c’est, me semble t-il, le principe même d’une démarche scientifique créatrice de « modèles » (patterns) et de « structures » qui agencent, organisent et combinent la pluralité des phénomènes, quelle qu’en soit la nature.
J’assume à la fois la critique qui m’est faite, mais aussi la légitimité de ma démarche en ajoutant cette précision: la mise à jour de la structure est effectuée par un analyste qui n’est pas neutre. Cette structure est construite de manière subjective par le jugement (« réfléchissant », précise Daniel Rosé à juste titre) de l’observateur. De ce fait, elle ne prétend pas à la vérité. Elle constitue une hypothèse de travail. Elle a seulement une fonction heuristique et herméneutique.
Quoi qu’il en soit, le fait que je puisse reconstruire le personnage du Jésus des Évangiles sur le support de concepts psychanalytiques ne contrarie nullement le fait que par ailleurs, je sois très attaché à l’image que je me fais d’un Jésus-Christ comme modèle du renoncement à soi-même et comme prédicateur de l’amour et de la grâce. En effet, de même qu’il y a plusieurs « Jésus-Christ » (j’en ai présenté trois), il y a en moi des « Houziaux » différents, et même disjoints. Ce n’est pas le même moi qui est concerné; je peux à la fois aimer le Jésus-Christ de ma conversion et coucher sur le divan de Grunberger le Jésus des Évangiles.

5- Dernier point. Pourquoi un article tel que celui que j’ai rédigé dérange t-il tellement ? Comment se fait-il qu’il subsiste en nous, aujourd’hui, et même dans le public avisé de la revue Golias, un tel sens du tabou et du sacré à propos des énoncés de la foi ? Faut-il concéder à la « saveur du Christ », autrement dit à la foi, le statut d’une « tache aveugle » (Daniel Rosé parle de « point aveugle ») exorbitant et réfractaire par rapport à toutes les analyses de type profane ?
Faudrait-il donc déconstruire les analyses psychologiques, exégétiques, historico-critiques pour pouvoir goûter la saveur du Christ, celle des Béatitudes, de l’évènement pascal ... ? Je ne le pense pas. Le Jésus-Christ qui retentit en moi est, lui aussi, une fiction, une construction, voire un fantasme. Mais cela ne me dérange pas. Cela ne m’empêche pas de l’aimer. Tout comme j’aime l’image quelque peu fantasmatique que je me suis faite de feu mon père.

 

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