Une CROIX sur le TREILLIS

Par


avec l’Aumônerie protestante aux armées

Éd. Olivétan

184 pages -35 €

Recension Gilles Castelnau

Karine Sicard Bouvatier est photographe et protestante. Elle rend compte par la photographie de la vie des personnalités qu’elle rencontre et dont la spiritualité la frappe. Elle a ainsi réalisé un livre, avec Frédéric Casadesus sur les Diaconesses de Reuilly, un autre sur les Déportés du nazisme, un sur Israël et la Palestine. Et même un sur la Tour Eiffel. 

Cet ouvrage, né de sa rencontre avec une femme-aumônier militaire, s’est enrichi de plusieurs autres qu’elle appelle par leurs prénoms et qu’elle nous présente par leurs photos (184 pages couleurs) : 

. Marie-Pierre – Marine nationale, Brest
. François – bataillon de marins-pompiers de Marseille

. Céline – Sentinelle – Fort de l’Est à Saint-Denis

. Lourens – Base d’aéronautique navale de Lanvéoc

. Thierry – Légion étrangère – Canjuers

. Jean-François – Troupes de montagne – Montgenèvre

. Olivier – Armée de l’air et de l’espace – Salon de Provence

. Yves – Fusiliers marins et commandos -Lorient

. Matthieu – Académie militaire de Saint-Cyr – Coëtquidan

. Faly – Hôpital d‘instruction des Armées – Percy-Clamart

. Julien – Gendarmerie nationale – Le Teil-Ardèche

De substantielles introductions ont été ajoutées par Antoine Waechter, aumônier en chef du culte protestant et d’autres anonymes : 

. Éléments d’histoire
. Un militaire au service des militaires

. Un militaire doté d’un grade unique

. Un représentant du culte

. L’aumônier et la guerre

Voici quelques passages de ces introductions et deux exemples des « rencontres avec onze aumôniers protestants aux armées » de Karine Sicard Bouvatier :

Préface
Antoine Waechter, aumônier en chef du culte protestant

La politique générale des aumôneries militaires se définit par un soutien cultuel et religieux, un soutien moral et humain des personnels civils et militaires du ministère des Armées et de la Gendarmerie nationale, auxquels s’ajoute le conseil au commandement. Mais derrière ces trois aspects de la mission se décline une série de situations et d’actions très variées. C’est la raison pour laquelle il était intéressant pour Karine de rencontrer différents aumôniers militaires qui travaillent dans un environnement interarmées. Ils ont la capacité de servir dans les trois armées et dans la Gendarmerie nationale, de la même façon, mais en adoptant des codes spécifiques à chacune des spécialités. Par ailleurs, même au sein des trois armées, nous trouvons des uni­ tés avec des accents différents liés à leur activité (montagne, mer, air…), mais aussi des aspects spécifiques (soutien, génie, troupes au sol, blindés…). L’aumônier s’adapte. Il est en contact dans son secteur avec plusieurs unités différentes, et il doit être à disposition de l’ensemble des personnels. Il est à leur service, et chargé d’établir un lien avec chacun. L’écoute est donc au cœur de la fonction de l’aumônier militaire.

Avant-propos

Karine Sicard Bouvatier
Photographe

Parce que l’Aumônerie protestante aux armées existait déjà lors de la création de la Fédération protestante de France. Parce que être aumônier au sein de l’armée est un métier que l’on ne connaît que trop peu, alors qu’il est le travail quotidien et essentiel d’hommes et de femmes remarquables. Parce que le regard et l’expérience des aumôniers sont passionnants, riches et en disent long sur notre société. Parce que leur métier pose des questions fondamentales sur la vie et la mort, la liberté, la guerre, la paix et est au cœur des relations humaines. Comment voient-ils leur ministère ? Cet ouvrage met pour une fois en lumière cette « force un peu spéciale » des aumôniers protestants aux armées.

Éléments d’histoire

Les aumôniers accompagnent les morts à leur dernière demeure. Mais la tâche devient industrielle dans une guerre dont la majorité des victimes meurent sous le feu de l’artillerie (80 % des morts de la bataille de Verdun, par exemple). Quand il faut enterrer à la va-vite

des dizaines ou des centaines de cadavres amputés, défigurés, brûlés, on peut voir les aumôniers des trois cultes se succéder au bord des fosses pour prier et bénir la masse indifférenciée des morts. Dans lesmultiples hôpitaux installés à proximité du front, l’habitude se prend d’installer des chapelles neutres qui peuvent servir aux trois cultes. Théoriquement, un rabbin n’a pas le droit de dire le Notre Père des chrétiens et un prêtre catholique ne peut accorder les derniers sacrements à un protestant. Mais, dans la guerre, tous les aumôniers font contre mauvaise fortune bon cœur. De l’image du rabbin Bloch tué le crucifix en main jusqu’aux pasteurs improvisant des prières aussi juives que possible pour des morts israélites ensevelis loin d’un rabbin, les aumôniers acceptent volontiers de ne parler que d’un seul Dieu.

[…]

… Le sac alourdi d’évangiles ou du Livre de prièredu soldat français, édité en 1913 et dont il s’écoulera 75 000 exemplaires pendant la guerre. Minuscule livre précieux aux protestants : neuf centimètres sur treize, moins de quarante grammes pour quatre-vingt-quatre pages.

Feuilleter aujourd’hui ce petit livre éclaire sur la piété d’un peuple chrétien dont la quasi-totalité des hommes servent sous les drapeaux. Ainsi, la rédaction de la Prière avant la bataille dénote un franc réalisme : « Seigneur mon Dieu, plus que jamais je sens le besoin de m’approcher de toi. D’un moment à l’autre, demain, aujourd’hui peut-être, je vais me trouver dans la mêlée. Si rigoureux que soit le devoir qui m’attend, je veux le remplir en vaillant soldat. Inspire-moi le courage nécessaire, et que j’aille au combat avec cette précieuse conviction que ma vie est entre tes mains. Je te supplie, au nom de ton divin Fils, Jésus-Christ, de me pardonner tous mes péchés, afin que, si la mort me surprend sur le champ de bataille, je puisse mourir en paix et être reçu dans ton ciel. »

Un militaire doté d’un grade unique

Tous les aumôniers soulignent, dans les unités comme sur le terrain, l’importance de « la diplomatie du repas ». Ils témoignent de leur travail pendant les manœuvres, lorsqu’il leur arrive de passer un petit moment d’apéro avec des sous-officiers, de prendre le repas avec le chef de corps, de rejoindre des militaires du rang pour le dessert puis de passer voir une autre unité pour le café… Ils témoignent de l’importance de chacun de ces moments, qui font sens, un sens qui n’est pas forcément spirituel. Mais c’est la présence qui compte d’abord. C’est elle qui permettra le travail proprement dit du pasteur.

Un représentant du culte

Pendant une garde, l’ennui et la fatigue peuvent vous écraser à force de scruter l’obscurité. Dans cette solitude remontent aussi les sentiments négatifs, les pesanteurs, les frustrations, les coups de déprime, les colères rentrées… Dans cette situation-là, certains vident leur sac. L’aumônier est là pour les écouter, mais aussi pour partager un instant de leur vie, admirer la beauté du ciel, mais aussi échanger sur leurs projets, sur ce qu’ils feront après l’armée, sur la famille qu’ils veulent fonder…

Souvent, si un militaire garde le silence avec l’aumônier, ce n’est pas forcément parce qu’il n’a rien à lui dire, mais peut-être parce qu’il a trop de choses à exprimer. Il y a aussi ceux qui ne sont pas à l’aise face au spirituel, ou qui ont des débuts de convictions encore fragiles, ou encore qui n’osent pas s’avouer qu’ils sont en recherche.

Lourens

Base d’aéronautique navale de lanvéoc

2 mai 2024

Certains n’ont aucune connaissance religieuse, d’autres rejettent la foi, d’autres encore y reviennent. Les jeunes sont parfois reconnaissants d’avoir alors des réponses et le sentiment de s’instruire. Pour certains, leurs parents ne leur ont jamais parlé de religion, d’autres sont confrontés à trop de messages contradictoires sur le sujet. Laurens est là aussi pour ceux qui n’ont pas de croyance particulière.

[…]

« La Marine, dit-il, a ses codes et un cadre spécifique, du fait d’être en mer. Les espaces sont restreints, avec une grande promiscuité. Les marins ont parfois besoin de « respirer », d’où les séparations fermes entre les grades, quand ils sont en temps de récupération (différents carrés). Il faut aussi apprendre à vivre avec les autres, à être diplomate. Par exemple, sur le porte­ avions le Charles-de-Gaulle, ce sont près de deux mille personnes qui cohabitent, pour des missions fréquentes et parfois longues. La vie à bord est très contraignante (rythmée par les quarts). L’aumônier peut donc parfois aller voir le marin en pleine nuit pour le soutenir, lui parler, l’écouter, mais doit aussi faire attention de ne pas le déranger lorsqu’il se repose. Être un aumônier militaire sur un bateau, c’est trouver le bon rythme, le bon équilibre entre les moments de sommeil, de détente et les moments d’action des militaires pour être à leurs côtés. Et c’est surtout faire partie de l’équipage. En général, le commandement sait que cette présence fait du bien aux troupes, et cela peu importe la religion, et il est reconnaissant lorsqu’il peut avoir un aumônier embarqué.

Karine Sicard Bouvatier publie sept photos de cet aumônier

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