Réconfort humain et spirituel

Par

éditorial de l’hebdomadaire protestant Réforme
du 20 novembre 2025



Au début des années 2000, la Fédération protestante s’est posé la question des grands défis qui se présentaient au protestantisme dans le siècle qui s’ouvrait. Assez vite a émergé le sujet des Églises issues de l’immigration. Un travail d’enquête a montré que la réalité était plus importante que ce qu’on croyait. Le protestantisme français connaissait les Églises malgaches et quelques communautés issues des anciennes colonies, mais il a fait connaissance des Églises brésiliennes, tamoules, chinoises, coréennes… En 2014, à l’occasion de la Coupe du monde de football au Brésil, Réforme avait fait une enquête sur les Églises brésiliennes à Paris. Le pasteur d’une de ces communautés disait qu’en dix ans le nombre d’Églises lusophones en Île-de-France était passé de 4 à plus de 30 !
Cet essor est un effet de la mondialisation, et du besoin des migrants de trouver des lieux de réconfort humain et spirituel. Le pasteur d’une Église africaine me disait à propos de ses paroissiens : « Beaucoup d’entre eux souffrent de leur situation d’émigrés, ils sont en proie au rejet et au racisme. Le monde de l’émigration est une jungle dans laquelle il n’est pas bon d’être seul. Le dimanche, ils viennent à l’église pour entendre qu’ils font partie d’une communauté, qu’ils sont dignes, qu’ils sont des rois, que pour eux Dieu est allé jusqu’à mourir sur une croix ! » Un pasteur chinois que j’interrogeais sur la croissance de son Église m’a répondu : « Mettez-vous à la place d’un émigrant chinois nouvellement arrivé. Lui ou sa famille a dépensé entre dix et vingt mille dollars auprès de passeurs pour venir en France, il est sans papiers non expulsable, il travaille et dort dans des ateliers clandestins. Il se pose alors la grande question du sens de la vie. On va le trouver et on lui dit qu’il est important aux yeux de Dieu et que s’il vient avec nous, on va pleurer avec lui, prier avec lui, espérer avec lui, et qu’il s’en sortira… Ils viennent tous ! »
Il faut ajouter une dimension spirituelle. Quand on vit dans un monde hostile, prier, chanter, louer dans sa langue maternelle est une expérience vivifiante. La langue maternelle est celle de notre identité profonde, celle dans laquelle on s’adresse naturellement à Dieu.
Si aujourd’hui le protestantisme est en croissance en France, c’est largement dû à l’essor des Églises issues de l’immigration. Une réalité qu’on ne peut ignorer, un défi pour les Églises installées.


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