Le religieux dans la presse

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Des protestants irlandais vent debout contre la visite de Charles III au Vatican

Qualifiant la récente visite d’État du roi Charles III d’Angleterre au pape Léon XIV de « trahison du protestantisme », plusieurs représentants du protestantisme irlandais demandent au monarque britannique d’abdiquer et de céder la place à un protestant « authentique ». En tête de la protestation, comme aux bons vieux jours des luttes entre catholiques et protestants en Irlande du Nord, un membre de la famille Paisley. Après Ian Paisley le père, mort en 2014, Kyle Paisley le fils. Comme l’écrit l’hebdomadaire protestant Réforme : « Ce pasteur presbytérien – qui n’est autre que le fils de Ian Paisley, fondateur du Parti unioniste démocrate d’Irlande du Nord – n’a pas apprécié de voir le monarque britannique en visite d’État au Saint-Siège le 23 octobre 2025, placé à la droite du pape Léon XIV dans la chapelle Sixtine, afin d’assister à une prière œcuménique dirigée par le successeur de Pierre.

« Lors de son couronnement, le roi a solennellement affirmé son adhésion à un protestantisme authentique et s’est engagé à préserver la religion de l’Église établie en Angleterre et en Écosse », a rappelé Kyle Paisley au micro de la BBC. Et d’ajouter : « Notre souverain a donc renié son serment et démontré qu’il n’est point ce qu’il prétend être : un protestant sincère. »

Kyle Paisley ne semble pas avoir été le seul protestant révulsé par la rencontre historique entre le pape Léon XIV et le roi Charles III : l’Ordre d’Orange, une confrérie protestante internationale ayant son siège en Irlande du Nord et étroitement liée aux protestants d’Ulster, a qualifié la visite d’État de Charles III de « jour sombre pour le protestantisme », exprimant une « profonde tristesse » et formulant ses réserves dans les termes les plus vigoureux qui soient.

Même réaction de Wallace Thompson, de la Société protestante évangélique d’Irlande du Nord : « Des divergences doctrinales abyssales subsistent [entre anglicanisme et catholicisme, ndlr]. Les deux Églises demeurent si éloignées qu’il était inopportun d’engager une telle liturgie. Le roi s’est engagé à sauvegarder au Royaume-Uni la religion protestante réformée. Il émet aujourd’hui un signal clair indiquant qu’au fond de lui, il n’entend point honorer cet engagement », a-t-il affirmé à la BBC […]

Pour Kyle Paisley « il est consternant qu’aucun membre des Communes, ni aucun membre de la Chambre des Lords, n’ait publiquement dénoncé le compromis éhonté du roi à l’égard de son serment ». Et de conclure en une formule assez peu œcuménique : « La bête funeste [le catholicisme, ndlr], qui a pansé les blessures infligées par la Réforme, entrevoit désormais sa guérison complète, favorisée et secondée par un roi infidèle à sa parole, par un gouvernement britannique et un ministère des Affaires étrangères, ainsi que par un premier ministre aussi dépourvu de piété qu’il est possible. »

La famille Paisley n’en est pas à son premier coup d’éclat : le père de Kyle, Ian Paisley, en 1959, à la suite de la visite de la reine Elisabeth au pape Jean XXIII en 1959, avait évoqué un acte « de fornication et d’adultère avec l’Antéchrist », rien que cela ! Trente ans plus tard, en1988, Ian Paisley avait été expulsé manu militari du Parlement européen pour avoir hurlé à l’adresse du pape Jean-Paul II, en visite officielle : « Je te dénonce, Antéchrist ! »

Si les réactions des fondamentalistes irlandais demeurent somme toute assez minoritaires, elles illustrent à leur manière le fossé qui demeure – et ne cesse de s’élargir – entre le catholicisme et l’anglicanisme et qui pousse de plus en plus d’anglicans à rejoindre l’unité romaine, incarnant ainsi un véritable œcuménisme.

Le révérend Kyle Paisley n’est pas du genre à proférer des menaces en l’air. Comme il l’avait annoncé quand Charles III, chef de file de l’Église d’Angleterre, avait fait part de son projet de se rendre à Rome pour prier avec le pape Léon XIV, il réclame l’abdication du souverain. Bien décidé à se faire entendre, le fils du fondateur du Parti unioniste démocrate Ian Paisley a adressé un courrier aux journaux d’Irlande du Nord. Il a également accordé des entretiens à plusieurs médias, dont la BBC.  Il y souligne que Charles III n’a pas respecté le serment prêté lors de son couronnement. Aussi, le monarque devrait « laisser quelqu’un d’autre prendre sa place, quelqu’un qui soit un vrai protestant et qui prenne ses vœux au sérieux. »

Jeudi 23 octobre, lors de la cérémonie religieuse organisée dans la chapelle Sixtine, le chef suprême de l’Église d’Angleterre, accompagné de la reine Camilla, était assis à la gauche du pape Léon. Ce dernier dirigeait les prières avec l’archevêque anglican Stephen Cottrell. Une rencontre historique également montrée du doigt par l’Ordre d’Orange, une confrérie protestante internationale basée en Irlande du Nord et principalement associée aux protestants d’Ulster. Le groupe décrit les prières œcuméniques comme un « jour triste pour le protestantisme ».Il exprime aussi une « grande tristesse » […]

Et Kyle Paisley d’ajouter : « Lors de son couronnement, le roi a affirmé qu’il était un véritable protestant et a promis de défendre la religion de l’Église établie en Angleterre ainsi que celle de l’Église d’Écosse, qui est historiquement protestante. » Il estime qu’en priant avec le pape le « roi a renié l’Évangile chrétien, a bafoué les Saintes Écritures, a menti sur son serment et a montré qu’il n’était pas du tout ce qu’il prétendait être, à savoir un véritable protestant. » Un jugement basé sur le fait que « le protestantisme considère la Bible comme la seule règle de foi et de pratique. Ce n’est pas le cas du catholicisme romain. Sa règle de foi et de pratique est les Écritures telles qu’elles sont interprétées par l’Église catholique romaine plutôt que la Parole de Dieu seule. »

Un avis qui trouve un écho auprès de Wallace Thompson, de la Société protestante évangélique d’Irlande du Nord. Néanmoins, celui-ci est plus mesuré. il n’appelle pas, en effet, à l’abdication de Charles III. « Les problèmes qui existaient à l’époque de la Réforme sont toujours là : des différences doctrinales profondes, très profondes. Les deux Églises sont tellement éloignées l’une de l’autre qu’il ne faut pas croire qu’il soit possible de prier ensemble. Converser, oui », a-t-il déclaré à la BBC. 

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L’Ordre d’Orange

Enfin, où est passé le portrait de Michael Higgins, ancien président d’Irlande qui était accroché à côté de celui du roi Charles à la mairie de Belfast ? Un conseiller municipal du parti républicain et catholique, le Sinn Féin de Belfast, a lancé l’alerte. Le portrait du président irlandais Michael Higgings était accroché dans l’une des salles de réception de l’Hôtel de ville de Belfast. La maire actuelle, membre du parti unioniste (protestant) n’a pas répondu à l’ancien maire qui l’interrogeait mais le conseil municipal de Belfast assure que le portrait est conservé en lieu sûr en attendant que l’actuelle maire décide d’un espace pour Michael Higgins. Par contre, la maire actuelle a publié sur les réseaux sociaux une photo d’une réunion avec des représentants de l’Ordre d’Orange à la mairie de Belfast. Une provocation ? Ce n’est pas la première fois qu’un affrontement a lieu à l’Hôtel de ville à cause des portraits du salon. Ainsi ceux de la reine Elizabeth et du prince Charles avaient disparus en 2011, suscitant la colère des unionistes.  Puis une représentation de l’Easter Rising, (soulèvement de Pâques) en 1916, un soulèvement des Républicains et la proclamation de l’indépendance de l’Irlande, un mouvement écrasé dans le sang les avaient remplacés. Aujourd’hui, c’est l’Ordre d’Orange, une fraternité protestante reçue par la maire dans les salons de l’Hôtel de ville de Belfast et dont elle publie une photo de la visite, en manière de provocation évidente. Et qu’est-ce que l’Ordre d’Orange ? Une fraternité protestante de style maçonnique fondée au 18e siècle en souvenir de la victoire le 12 juillet 1690 à la Boyne de Guillaume III d’Orange, roi protestant d’Angleterre contre les troupes de Jacques II, roi catholique d’Angleterre déchu, L’Orange Day ou Twelfth est une fête nord-irlandaise célébrée le 12 juillet. 

Des marches organisées par l’ordre d’Orange se déroulent dans chaque comté, tandis que des feux de joie sont allumés lors de la nuit du Onze, le 11 juillet. Les manifestations liées à la célébration de cette fête ont régulièrement donné lieu à des débordements opposant nationalistes catholiques et loyalistes ou orangistes protestants, mais dans une moindre mesure depuis les accords de paix du Vendredi saint. Le 10 avril 1958, des accords signés entre huit partis d’Irlande du Nord,  le Royaume Uni et la République d’Irlande instituait le partage du pouvoir entre catholiques et protestants d’Irlande du Nord.

En juillet 2010, l’ancien vice premier ministre irlandais) Michael McDowzell avait même déclaré que l’Orange Day le 12 juillet, devrait être une fête nationale également en République d’Irlande…

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