Question
Comment comprendre en tant que chrétien progressiste l’histoire du pauvre Lazare et du mauvais riche ? (Luc 16:19-31)
Réponse de Jim Burklo
Dans la Vulgate, la traduction de la Bible en latin, l’homme riche de la parabole est appelé Dives (le Riche). Le pauvre Lazare mendie les miettes de la table de Dives. À sa mort, Dives est envoyé aux enfers (comme disaient les Grecs) et Lazare entre dans le « sein d’Abraham ». Voici l’interprétation qu’en donnait Martin Luther King :
« Dives est l’homme blanc qui refuse de dépasser le fossé de la ségrégation afin d’élever son frère noir à la pleine citoyenneté. Car il pense que la ségrégation fait partie intégrante des structures de l’univers.
Dives est le brahmane indien qui refuse de dépasser le fossé qui le sépare de son frère, car il pense que le système des castes est un élément fondamental de l’univers.
Dives est le spéculateur libéral américain qui ne cherche pas à combler le gouffre économique qui le sépare du travailleur, car il trouve naturel que certains vivent dans un luxe extravagant tandis que d’autres végètent dans une pauvreté lamentable.
Le péché de Dives n’était pas sa cruauté envers Lazare, mais dans son refus de combler le fossé du malheur qui les séparait.
Le péché de Dives n’était pas sa richesse, qui n’avait rien de mal en soi. Il était dans le fait qu’il n’utilisait pas sa fortune pour combler le fossé qui sépare l’extrême richesse de la pauvreté consternante. »
Je ne saurais dire mieux. Ces paroles de Martin Luther King sonnent aussi juste aujourd’hui que lorsqu’il les a prononcées en 1955. La parabole de Jésus était, elle-même ancienne, lorsqu’il l’a prononcée en Galilée : la tradition prophétique d’Israël a toujours été d’exhorter les riches à se préoccuper des pauvres et de leurs besoins et une histoire analogue circulait dans l’Égypte antique.
On sera évidemment saisi par l’image de l’enfer que Jésus utilise dans ce passage mais on notera que la formule évangélique moderne d’« accepter Jésus comme son Seigneur et Sauveur personnel » pour éviter l’enfer n’est pas mentionnée : Il suffit, pour accéder au « sein d’Abraham » de suivre la loi de Moïse et les appels des prophètes. Quant au « ciel » il n’est pas mentionné. Les images utilisées dans cette parabole ne sont pas des descriptions d’une vie après la mort qu’il faudrait prendre à la lettre.
Cette parabole doit être prise au sérieux : ce n’est pas seulement la charité traditionnelle qui nous est demandée mais notre engagement en faveur d’une amélioration des structures sociales et économiques dans lesquelles nous vivons.
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