Et Dieu, où habite-t-il ? 

Par

 Autels, sanctuaires, temples, maisons…

Jean-Claude Verrecchia

Ed. Olivétan

192 pages – 21 €

Recension Gilles Castelnau

Jean-Claude Verrecchia est un bibliste protestant français, docteur en théologie de l’université de Strasbourg. Il a enseigné en France, au Cameroun, actuellement en Angleterre. Il a participé à l’édition de la Nouvelle Bible Segond et collabore actuellement à la révision de la Traduction Œcuménique de la Bible (TOB) de l’Alliance biblique française. 
Ce livre énumère et commente tous les passages de la Bible, Ancien et Nouveau Testament, qui s’intéressent à la présence divine dans les « temples » et… ailleurs. A commencer par le jardin d’Eden, les autels qu’Abraham construisait, David, le Temple de Salomon, Jérémie et Ezéchiel en Exil à Babylone et sans Temple.
Sa grande culture lui permet de mentionner et de commenter les conceptions extra-bibliques du Moyen-Orient. 
Dans une deuxième partie il étudie la vision que l’apôtre Paul avait du Temple, qui n’était pas encore détruit lors de la rédaction de ses épitres. Puis dans l’Évangile de Marc, dans l’épitres aux Hébreux et finalement dans l’Évangile de Jean, la nouvelle compréhension de la présence de Dieu autour du Christ ressuscité.
Ce sont des passages bien connus de la Bible que Jean-Claude Verrecchia met ainsi en lumière dans un éclairage nouveau qui n’est pas sans provoquer surprise et intérêt.
En voici des passages :


Première partie
Escale. Le symbolisme du sanctuaire


Le temple, c’est l’univers !
Ce qui se lit chez Philon et Josèphe correspond tout à fait aux conceptions générales circulant dans le monde de l’époque : chez les Israélites comme dans tout le Proche­ Orient ancien, il ne saurait y avoir d’univers sans temple/ sanctuaire. Sans temple/sanctuaire, le monde est informe et vide comme avant l’acte créateur. L’univers n’est pas maîtrisé mais hostile. C’est la raison pour laquelle les régions désertiques sont comparées au chaos. Quand on songe à habiter de tels lieux, il convient alors d’y installer dès que possible un temple/sanctuaire qui va les transformer en lieu habitable, contrôlé par Dieu. C’est ce qu’indique aussi la construction du sanctuaire dans le désert. On ne saurait vivre dans un lieu dont Dieu est absent. La présence continue de Dieu dans la nuée envahissant le sanctuaire rassure le peuple. Le lieu dans lequel il va devoir vivre fait partie de l’univers car Dieu y est présent. 
[…]

 

Itinéraire 4
David veut faire habiter Dieu dans un temple
Du nomadisme à la vie sédentaire

Situation sociale, politique et religieuse
Ce n’est donc pas par hasard si David installe sa capitale au sommet de la colline. Le centre du monde ne peut être au ras des pâquerettes. Le plus haut, le mieux. Sinon, comme à Babylone située à basse altitude, il faudra construire une très haute tour, pour bien montrer qu’on touche le ciel.
Une capitale sans temple n’est pas une capitale. Une capitale sans temple n’est pas le centre du monde. Une capitale sans temple est comme un lieu désertique et chaotique, habité par les forces démoniaques. David a besoin d’un temple, pour pouvoir ensuite se prévaloir d’un espace sanctifié, où la terre est reliée au ciel. Jérusalem ne sera plus la petite bourgade enlevée aux Jébusiens, mais le Centre de l’univers.
 
 
Maison de David – Maison de Dieu
Le début du chapitre souligne très clairement l’installation de David dans sa capitale. On n’a plus affaire ici au royal pompier qui passe d’incendies en incendies pour circonscrire les foyers d’insurrection ou de révolte. Il n’y a plus d’ennemis alentour. La paix règne sur Israël. Enfin. Le roi est confortablement installé dans sa maison de cèdre, au cœur de sa petite-capitale-centre-du-monde. Il n’est plus un berger nomade qui sillonne le pays derrière ses troupeaux. Sa sédentarisation est terminée. Ce qu’il souhaite maintenant, c’est que Dieu s’installe aussi. Définitivement. Car si Dieu ne s’arrête pas à Jérusalem, alors son autorité royale et le prestige de sa capitale seront bien fragiles. « Ce que j’ai réussi pour moi, Seigneur, je le souhaite pour toi aussi, se dit David. Accepte que je te construise une maison de cèdre. Je veux absolument te construire une maison (un temple). »
 
 
Itinéraire 6

 Jérémie et l’illusoire confiance dans le temple             


Le temple couverture du péché
Dieu va-t-il habiter dans ce temple ? Dieu va-t-il demeurer au milieu de son peuple, comme il l’a promis depuis toujours ? Curieusement, le Seigneur ne promet pas de rester dans l’enceinte sacrée. Il promet seulement de laisser le peuple jouir du pays qu’il lui a donné. Le Seigneur joue ici sur les mots, car le mot « lieu » en hébreu est bien chargé théologiquement parlant. Il peut désigner en effet bien plus qu’un lieu ordinaire mais aussi le temple. Dieu dit ainsi : vous croyez que j’habite dans ce lieu, mais je n’y habite pas. Je vous laisse dans ce lieu, c’est-à-dire dans ce pays que je vous ai donné. Mais à condition et au prix de la réforme de fond dont je viens d’énoncer le contenu. À défaut de changement radical, alors, je ne vous laisserai pas en ce pays si chèrement acquis.
[…]
Non seulement Dieu n’habite plus dans le temple à Jérusalem. Mais Israël ne va plus habiter dans son pays. Fin de la ville sainte. Fin du temple. Fin du peuple souverain sur ses terres. L’exil approche. Soixante-dix années redoutables, qui vont marquer Israël d’une empreinte indélébile. Et Dieu pendant ce temps-là ? Où va-t-il habiter ?

Itinéraire 7
Ézéchiel, le prêtre sans temple


La vision d’un autre temple
Quand Ézéchiel se réveillera de sa vision et de ce gigantesque son et lumière auquel il vient d’être convié, il saura que son Dieu est bien celui qui veut être présent au milieu des siens. Non pas enfermé entre quatre murs d’un palais sacré, mais comme un cours d’eau que personne ne peut maîtriser, qui transforme les déserts en terre fertile, les eaux salées, usées, polluées en mer vivante ; un Dieu qui nourrit, qui abreuve, qui soigne.
 
Certains textes de l’Ancien Testament sont affublés d’un qualificatif technique. On les qualifie de protévangile- l’Évangile avant l’Évangile. Je n’ai jamais lu que ce chapitre d’Ézéchiel faisait partie de cette catégorie. Il le mériterait pourtant amplement. Car le temple, c’est-à-dire la présence de Dieu au milieu des siens, c’est-à-dire le petit cours d’eau qui sort de dessous le mont Sion, c’est bien la meilleure nouvelle possible. 
 

Deuxième partie

Itinéraire 1
La demeure de Dieu chez Paul 
ou quand Dieu déménage Paul et le temple : 
éléments biographiques
 

Le temple c’est la communauté des croyants
Après la faillite répétée et ô combien douloureuse du temple-bâtiment – et encore, le pire est à venir car ne l’oublions pas, le temple d’Hérode est encore en place au moment où Paul écrit ces lignes – Dieu confirme qu’il ne veut pas investir dans la pierre mais dans l’humain. Dieu déménage. Mais Dieu délocalise aussi. Car il n’habitera plus en un seul lieu. À chaque fois que deux ou trois seront réunis, il sera là, dans son temple. Mais à la condition expresse que Jésus-Christ soit posé comme l’unique fondement. Tous les attroupements, toutes les réunions, toutes les communautés – fussent-elles religieuses ou spirituelles – ne sont pas des temples de Dieu, des lieux où il réside.
Pour s’en assurer, il faut descendre au sous-sol, vérifier la nature des fondations. Sable ou rocher ? Dans ce monde qui n’est pas son Royaume, secoué par bien des tempêtes et toutes sortes de cataclysmes, Dieu a prévu une construction qui respecte les normes parasismiques : une pierre de taille posée comme seule fondation. Son fils. La promesse faite à David se réalise. Lui, Dieu, construit la maison. Et il invite les humains à venir l’habiter. 
[…]
Dieu a donc déménagé, dit Paul aux Corinthiens. Dieu, le grand banquier de l’univers, a réorganisé ses placements. De la pierre, il est passé aux ressources humaines. En fait, c’est un retour aux sources, car il a toujours privilégié les humains, mais il a dû pendant un temps se plier aux exigences du marché – la volonté des hommes. Retour à la pâte humaine donc. Mais il ne s’arrête pas ici à résider seulement au sein du groupe des fidèles.
 

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