Communiquer l’Évangile

Par

Stratégies et structures des Églises

Ed. Olivétan

436 pages – 29 €

Recension Gilles Castelnau

Le professeur Fritz Lienhard est, à juste titre, préoccupé par la situation actuelle des Églises qui ne parviennent plus à satisfaire globalement le besoin de foi et de spiritualité de leurs membres et voient le nombre de leurs fidèles diminuer.

Son ouvrage est d’autant plus intéressant qu’il a été pasteur de paroisse en Alsace, a enseigné la théologie pratique à la Faculté de théologie de Montpellier qu’il enseigne désormais à la Faculté de théologie de Heidelberg en Allemagne.

Il rassemble ses connaissance concernant autant les milieux catholiques qu’évangéliques et luthéro-réformée avec sérieux et méthode dans ce très gros livre dont il écrit qu’il est « technique » : 
« Il demande à son lecteur un travail considérable, malgré tous mes efforts pour tenir un propos accessible. Il cherche cependant à être utile non seulement aux théologiens professionnels, mais aussi aux conseillères et conseillers presbytéraux. C’est pourquoi le livre est ardu, mais il traite de problématiques essentielles pour tous ceux qui réfléchissent aux orientations et aux structures ecclésiales. »

Dans une première partie, il décrit longuement la manière de faire du « rêve de Compostelle » au sein de l’Église catholique, ainsi que celle du mouvement libéral au sein des Églises luthéro-réformées, des Églises évangéliques qu’il distingue du réveil pentecôtiste.

Sa deuxième partie est consacrée à l’analyse des idéaux que promeuvent les Églises, de leur adéquation avec la modernité et les besoins des hommes d’aujourd’hui. Il réfléchit ainsi notamment, à la pratique du ministère pastoral, des actes pastoraux (baptêmes, mariage, enterrements), à l’ouverture des paroisses à nos contemporains ou à leur fermeture en groupe d’amis, à leur utilisation ou non du wifi et des moyens actuels de communication : si la Réforme est, comme on dit, « fille de l’imprimerie » quelle Église est-elle actuellement « fille d’internet » ?

Sa conclusion à l’intention, donc des responsables d’Église actuels est : « Observer, réfléchir, pâtir et agir. »

En voici quelques citations : 

Première partie : stratégies ecclésiales

. 1. Le rêve de Compostelle

Préalables historiques

La constitution d’un milieu catholique

Parmi les différentes manières de se situer face aux processus de modernisation et de sécularisation, la stratégie du « rêve de Compostelle » est particulièrement caractéristique et représentative. Notamment parmi les catholiques critiques vis-à-vis des évolutions induites par le concile Vatican Il et par le pontificat actuel de François, la référence à Jean-Paul Il.

[…]

Au nom d’une souveraineté « de droit divin », ces mouvements s’opposent à l’autonomie de l’État et à sa légitimation démocratique, ce qui revient à confier le pouvoir d’organiser la société à l’Église romaine. Ils combattent également l’extension du capitalisme. Pour sa part, la spécialisation fonctionnelle accordant leur autonomie aux sciences et liée au progrès scientifique est relativisée à l’aide d’une conception spécifique de la « hiérarchie des vérités », qui place la foi au-dessus des sciences de la nature, en particulier. 

Dans ce contexte, croire au miracle et aux apparitions de la Vierge, par exemple, relève de la protestation contre la modernité, vécue comme destructrice.

Le pontificat de Jean-Paul II

Dans la perspective de ce qui a pu être appelé « Le rêve de Compostelle », l’Europe est ainsi invitée à redécouvrir ses racines chrétiennes.

Forces et faiblesses

Une Église catholique dans une crise profonde

Certaines tendances au sein du catholicisme placent l’Église du côté de Dieu face aux humains et non l’inverse. À l’image de Marie, l’Église coopère activement, en tant que sujet spécifique, au salut. Elle engendre les croyants à une vie nouvelle. C’est pourquoi l’ecclésiologie catholique refuse de distinguer la parole de Dieu et l’Église. 

[…]

 Aujourd’hui, l’universalité ne saurait se faire sur le mode d’une uniformité. Elle conduit plutôt à établir un réseau entre les particularités. C’est pourquoi, en dernier ressort, la éforme du catholicisme se fera par les réseaux de croyants vivant leur foi e agissant de manière autonome, qui finiront par prendre le pouvoir dans l’Église romaine quand la façade cléricaliste se sera écroulée.

Tous ces éléments critiques vont dans le sens de l’abandon de la stratégie du « rêve de Compostelle ». Cette conclusion a été tirée par l’Église romaine elle-même avec l’élection du pape François, qui revient à enoncer à cette stratégie. Elle montre que, vraiment, le catholicisme ne s’y identifie pas. 

.2. Adaptation libérale

Bilan

Le protestantisme libéral pâtit d’un défaut d’image dans une société médiatique. Contrairement à d’autres formes de religion plus marquées, il ne souffre pas d’une image négative, mais plutôt d’une absence d’image. C’est la confession religieuse la moins présente dans les médias. Dans la perspective de ces derniers, le discours des protestants est banal, leur culte est fade et peu spectaculaire, leur comportement éthique et rituel « adapté » jusqu’au conformisme. L’individualisation et la privatisation, favorisées par le libéralisme, contribuent à l’invisibilité du protestantisme, qui contraste avec la figure médiatique des papes. Or peu de contemporains sont motivés par un engagement pour une Église adaptée et conformiste. 

[…]

L’évocation de la souffrance des pauvres dispense d’une analyse plus précise des causes de leur détresse et des moyens les plus efficaces pour y remédier, ce qui donne au lecteur informé le sentiment d’être en présence d’affirmations peu averties.

.3. Évangélisation « évangélique »

Caractéristiques

Paradoxalement, certaines de ces Églises se caractérisent par un conformisme ethnique où le pasteur prend la place du chef coutumier avec un surcroît de légitimité religieuse et en s’opposant à la mixité culturelle, voire à l’intégration. 

[…]

Dans la logique de la conversion, le message constant des évangéliques oppose le monde perdu et le Christ sauveur, opposition

Deuxième partie : Jalons pour une stratégie luthérienne et réformée

.5. Entre institution, interaction et organisation

Évangile et institution

Une compréhension réformatrice de l’Église

Prêcher signifie agir et délivrer les auditeurs de leurs fardeaux. Alors que les prédications dans le protestantisme classique se présentent souvent de manière unilatérale comme des « conférences religieuses », il importe d’insister sur ce point: le cœur de la prédication n’est pas la transmission d’une information, pas un enseignement doctrinal ou historique, mais une action. La prédication ne disserte pas au sujet de la consolation, elle console.

La communauté ecclésiale

« Congrégation des saints »

Contrairement à un autre cliché, les convertis ne sont pas plus fragiles que d’autres d’un point de vue psychologique et ne se situent généralement pas à la marge de la société. La majorité des convertis se situe plutôt dans la moyenne, et certains disposent d’un haut niveau de formation. 

[…]

La plupart de nos contemporains sont accessibles à un discours croyant, à condition qu’il se présente sans dogmatisme ni autoritarisme.

Une Église mixte

Il s’est avéré au cours des dernières années qu’une Église faisant porter un accent unilatéral sur la communauté, voire sur la convivialité, se transforme en « club » et renonce à sa mission évangélisatrice. Cette observation représente comme une variante du propos bien connu de Saint-Exupéry : « L’amour ne consiste pas à se regarder l’un l’autre, mais à regarder ensemble dans la même direction. » Il convient donc d’« organiser » des initiatives évangélisatrices et diaconales.

.7. Église locale et spécialisation

Réformer les Églises

Projets de réforme récents

L’enjeu en est notamment l’agenda des pasteurs. Il semble que la tâche essentielle des pasteurs consiste à répondre en priorité aux attentes du « noyau paroissial », relevant des milieux traditionnels. 

Or les milieux qui se sentent attachés aux Églises décroissent alors que ceux qui en sont éloignés s’accroissent. C’est pourquoi tout miser sur l’activité paroissiale classique signifierait planifier une forte décroissance des Églises à l’échéance d’une quinzaine d’années. S’attacher exclusivement à la paroisse représente un suicide ecclésial.

[…]

Des pasteurs libérés du fonctionnement associatif de la paroisse traditionnelle peuvent élaborer des activités pertinentes vis­ à-vis de milieux qui ne partagent pas le style de vie traditionnel. Du temps pastoral est dégagé pour approfondir des activités qui s’orientent selon des milieux qui ne sont pas proches des Églises. 

[…]

Nous avons vu ci-dessus combien les partisans de l’Église locale critiquent les médias, y compris internet, notamment en disant que lë dimension corporelle et interpersonnelle de la foi ne saurait se déployer sur YouTube ou sur Zoom. Il y a cependant des contre-arguments. Er particulier, pendant la pandémie, les observateurs furent frappés par le succès des formules numériques du culte. 

.8. Diriger une Église

Conclusion – Alors que faire ?

 À l’opposé, le libéralisme cherche le dialogue avec la modernité en s’adaptant à elle. La religion en devient l’affaire de l’individu, de son sentiment ou de son éthique. De même, l’éthique collective promue par le Conseil œcuménique des Églises rejoint les valeurs de la modernité. En outre, l’insistance sur le sentiment permet de sortir des ornières du moralisme et du dogmatisme. Le libéralisme dans ses différentes formes a représenté la stratégie majoritaire des Églises luthériennes et réformées en Europe occidentale. Elle permet de sortir des confrontations frontales avec la société moderne et de conclure de fortes alliances avec les régimes démocratiques.

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