avec l’apôtre Paul

Félix Moser
104 pages – 14,50
Recension Gilles Castelnau
Félix Moser a été pasteur en France et dans les Montagnes neuchâteloises. Il a rédigé une thèse de doctorat intitulée Les croyants non-pratiquants. (Genève, Labor et Fides). En tant que professeur, il a enseigné la théologie pratique dans les facultés de théologie et de sciences des religions de Suisse romande.
A partir de ces multiples compétences et centres d’intérêt, il nous propose de réfléchir à nous-mêmes dans notre existence quotidienne : qui sommes-nous et comment nous considérons-nous sur le plan individuel ? quel est notre ego ? comment vivons-nous avec les autres, qui ont aussi un ego et dont le regard qu’ils jettent sur nous est si important. Comment, d’ailleurs, pouvons-nous leur être un exemple si nous sommes chrétiens ?
En tout cela il nous propose l’imitation de saint Paul qui nous libèrera de nos blocages, de notre ego trop envahissant et de nos sentiments de culpabilité.
Tout le monde lira avec intérêt ces pages si justes, si simples, si bien vues. On sera peut-être surpris, surtout si l’on est « croyant non-pratiquant » de la présence très prégnante d’un saint Paul pourtant fréquemment marginalisé.
En voici quelques exemples :
LE MESSAGE DE L’APOTRE PAUL
ACCUEIL INCONDITIONNEL PAR DIEU
Pour vivre de façon pacifiée, toute personne a besoin d’une aide extérieure. Car nous sommes de mauvais juges tant à l’égard de nous mêmes que d’autrui. Nous sommes soit trop sévères, soit trop indulgents. Paul déclare que chacun mérite un infini respect, tout simplement parce qu’il est une créature de Dieu. Qui que nous soyons, nous sommes dignes de considération.
[…]
J’ai trouvé une aide pédagogique importante en lisant que la justice de Dieu permet de nous sentir acceptés tels que nous sommes, « en dépit du fait que l’on est inacceptables ». La formule est belle, car elle transforme notre représentation de Dieu.
[…]
La foi freine le carrousel de la justification humaine. Ce qui change, ce n’est pas le fait de se mesurer ou de se faire évaluer par d’autres. Oye l’on s’en défende ou non, le juge ment existe. Juger et être jugé font partie de notre manière d’être et de vivre ensemble. La question importante devient alors : « Par qui suis-je jugé ? » Ce qui change, c’est l’Auteur, à savoir le Dieu auquel nous croyons, qui opère cette évaluation. Et surtout, ce qui change tout, c’est l’instrument avec lequel le jugement sur notre vie est effectué. La jauge du Dieu chrétien est le sans mesure de l’amour infini et, en cela, il donne une confiance fondamentale qui permet aux humains d’affronter les aléas de la vie. Les sentiments qui nous traversent dans la vie quotidienne sont multiples et surtout changeants.
Le moine Martin Luther devenu réformateur (1483-1546) écrivait à ce propos : « Le cœur d’un homme est comme un navire sur une mer déchaînée que poussent les vents impétueux soufflant des quatre coins du monde. Tantôt l’assaillent la crainte et le souci d’un malheur à venir, tantôt le submergent le chagrin et la tristesse d’un malheur présent. Tantôt souffle le vent de l’espérance qui pressent un bonheur futur, tantôt souffle le vent de la sécurité et de la joie dans les biens présents. »
L’accueil inconditionnel de Dieu apaise, réconcilie, libère de l’angoisse et des remords mais aussi donne une joie profonde.
ACCOMPAGNÉS PAR LE SAINT-ESPRIT
« C’est nous, écrit Paul, qui rendons notre culte par l’Esprit de Dieu, qui plaçons notre gloire en Jésus Christ, qui ne nous confions pas en nous-mêmes » (Ph 3,3). Ces quelques mots de l’apôtre dévoilent les liens très forts entre l’Esprit de Dieu, la relation au Christ et le changement de mentalité qui en découle. Le chrétien est entraîné dans une marche dynamique. Celle-ci est habitée par le souffle de vie donné par Dieu qui suscite de nouvelles attitudes. Il libère des hésitations quand nous tournons en rond autour de nous-mêmes, il nous arrache aux préoccupations de notre moi envahissant. Il allège les soucis, il m’apaise lorsque je me focalise sur mes manques et ma lâcheté ou quand je suis déçu de moi-même et des autres. Nous pouvons avoir confiance en Dieu, parce que Lui-même nous fait confiance. Le croyant vit aimanté par la force que Dieu lui donne dans toutes les situations. Vivre sous le signe de l’Esprit signifie accepter une filiation commune qui permet de se découvrir comme un être accompagné par une présence secrète. L’accueil de l’Esprit rappelle ainsi l’importance du verbe consoler, en particulier dans l’isolement et dans tous les déserts d’indifférence et de découragements qu’il faut quelquefois traverser.
SE LIBÉRER DE SON EGO
SE LIBÉRER DE SON EGO GRÂCE AU DIEU INCONDITIONNÉ
Le fait que Dieu cherche à nous rencontrer sans préalable, dans un amour inconditionné et immérité, nous permet de renoncer à notre amour-propre, cet ego qui se prend pour le centre de tout, ce moi qui n’aime que lui-même, ne considère que lui, se focalise sur lui seul, ne vit que pour lui et ne cherchE que son propre intérêt.
[…]
Mais il possible d’être libéré, partiellement du moins, de ce besoin de reconnaissance. Pour ce faire, Paul propose un chemin inédit. Il exhorte certes à prendre distance face au souci excessif que l’on porte au moi individuel. Et, dans le même temps, il invite à regarder son prochain avec le même regard que Dieu porte sur lui. En nous intéressant vraiment à nos semblables, à leurs histoires, à leurs joies et peines, des rencontres authentiques, d’une grande intensité, deviennent alors possibles.
SE LIBÉRER DE SON EGO POUR PARTICIPER A LA DESTINEE DU CHRIST
Le Christ nous invite à coopérer avec Lui. La compassion à la souffrance d’autrui ne laisse jamais indemne ; elle provoque révolte et blessure, colère et rejet. Or l’acceptation du décentrement et de la démaîtrise, chevillée à la volonté de rester fidèle au Christ, suscite aussi l’engagement. « Je continue de faire cette expérience (écrit Dietrich Bonhoeffer dans une lettre adressée à un ami), que c’est en vivant pleinement dans l’horizon terrestre de la vie qu’on parvient à croire. Quand on a renoncé complètement à faire quelque chose de soi-même – que ce soit un saint ou un pécheur converti ou un homme d’Église, un juste ou un injuste […] alors on se met pleinement entre les mains de Dieu. Un prend au sérieux non ses propres souffrances mais celles de Dieu dans le monde, on veille avec le Christ à Gethsémani, et je pense que c’est cela la foi. »
CROIRE
LA SOURCE DE LA PRIERE
En priant lui-même les Psaumes, le Fils de Dieu indique un chemin possible pour nourrir la foi du croyant. Ce livre de prière accompagne juifs et chrétiens. Depuis des siècles les communautés monastiques le prient et le chantent. Dans la tradition réformée également, ce livre de prière occupe une place à part. Martin Luther, le réformateur, formule les choses comme suit : « Quant à moi je considère qu’il n’y a jamais eu et qu’il ne pourra jamais y avoir sur la terre de livre d‘exempla ou de légendes plus excellentes que le psautier. »
Les Psaumes offrent un changement de direction à notre regard. Ce qui importe, ce n’est plus la qualité de la personne priante mais le Référent, en l’occurrence Dieu. Le Psautier donne une image non conventionnelle des êtres humains cherchant la présence du divin. Le priant est un être ordinaire, qui peut s’adresser à Dieu dans toutes les circonstances de sa vie : louange, plainte, reconnaissance de la faute, expression de l’angoisse et aussi confiance retrouvée. Il est possible de se présenter devant Dieu dans l’entier de sa personne, de lui exprimer notre bonheur et notre tristesse ainsi que les sentiments jugés d’ordinaire peu dignes de figurer dans la prière, tels que la vengeance et la révolte.
AIMER ET AGIR
PAROLE ET ACTION
Le dire et le faire sont solidaires et complémentaires. Premièrement, la parole engage et devient commentaire nécessaire de l’action. Et il est parfois des circonstances où la parole, en particulier la protestation contre les inégalités et les injustices, doit devenir publique, car se taire signifierait alors cautionner. La parole permet aussi de réparer, de s’excuser et de pardonner. Le pardon permet d’assumer le passé. La promesse qui engage véritablement celui ou celle qui la prononce ouvre un avenir et offre de la stabilité à celles et ceux qui en bénéficient. Le pardon humanise. La promesse responsabilise. La parole permet également de clarifier ses intentions et de dire qu’elle est l’impulsion qui motive l’agir. Elle dit qui nous sommes et au nom de qui nous agissons. La parole offre aussi la nuance et peut dire combien notre identité est faillible et nos actions partielles. La parole explicite l’action. Deuxièmement le faire authentifie la parole : l’action donne au dire sa dimension d’incarnation véritable. Les personnes rencontrées doivent pouvoir éprouver dans leur présent ce que signifie l’amour de Dieu et l’espérance dont nous parlons. L’annonce de l’Évangile est appelée à devenir tangible. De petits signes et gestes d’espoir qui permettent d’entrevoir un horizon moins bouché.
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