
La crucifixion du retable d'Issenheim, 1512
Le retable d'Issenheim
de Matthias Grünewald
musée Unterlinden de Colmar
Gilles Castelnau
3 avril 2012
On célèbre à Colmar le 500e anniversaire du début de la réalisation par le peintre Matthias Grünewald du fameux retable d’Issenheim qui se trouve au musée d'Unterlinden. Cette peinture saisissante provient du couvent des Antonins à Issenheim, au sud de Colmar, où l’on soignait les malades atteints de la terrible maladie dite du feu de saint Antoine, provoquée par les carences alimentaires du temps.
Le feu de saint Antoine provoquait notamment la nécrose des pieds et des mains avec des spasmes douloureux, des maux de tête et des hallucinations. Les Antonins les soignaient comme ils pouvaient avec du pain de bonne qualité et un breuvage à base de vin dans lequel macéraient des plantes et auquel on ajoutait une relique de saint Antoine. Il y avait aussi un baume anti-inflammatoire à base de plantes.
Et les malades pouvaient venir partager leur douleur avec la grande et terrible figure du Crucifié, que Matthias Grünewald avait justement peinte pour eux, symbole, certes, de toute la souffrance du monde mais aussi précisément de la leur.
Voyez, par exemple les doigts que Marie-Madeleine, à genoux à gauche de la croix, tend vers le haut et qu'elle semble montrer au Christ : ils sont agités de la même contraction que précisément les siens écartelés par son martyre.
Les malades devaient bien prendre conscience qu’ils pouvaient eux aussi, comme Madeleine, tendre vers le Christ leurs propres doigts pareillement convulsés par la maladie et communiquer ainsi avec lui dans leur malheur.
Les pieds du Christ, énormes, déformés, sanglants et bleuis par le poids du corps pesant sur les clous, répondaient eux aussi au supplice provoqué par le feu de saint Antoine.
D’ailleurs, à droite de la croix, le personnage de Jean Baptiste désigne du doigt Celui qui meurt sous un ciel noir, dont le poids de la douleur fait fléchir les branches de la croix, et qui, seul, peut vraiment attirer tous les regards de souffrance du monde.

La résurrection du retable d'Issenheim, 1512
Grünewald a aussi peint la Résurrection. Le visage du Christ se détache sur un gigantesque cercle lumineux comme un soleil énorme montant dans le ciel noir – qui est maintenant tacheté d’étoiles. Sa chevelure est dorée, ses yeux regardent en face le spectateur impressionné, ses bras aux mains percées sont levés en un geste d’envol, de victoire, de bénédiction peut-être. Son manteau rouge, symbole de vie, de renouveau pour ceux qui regardent, d’espérance pour les malades : Renouveau, délivrance, intérieure en tous cas, courage force d’affronter la vie telle qu’elle est.
Georges Bischoff, historien et professeur à l’Université de Strasbourg a remarqué qu’au 16e siècle déjà, la souffrance exprimée dans ce retable jetait une lumière saisissante sur les malheurs de la Guerre des Paysans qui ensanglantait l’Allemagne dans les années 1525 et faisait lever sur eux l’espérance fantastique de la résurrection qu’il représentait, comme si Grünewald avait été lui-même engagé dans ce drame.
Les nouveaux spectateurs de ce retable que nous sommes aujourd’hui, 500 ans après sa création, pourrons-nous y puiser à nouveau, encore et toujours, le courage d’affronter la souffrance dans l’esprit du Ressuscité.
Bien sur,
Aujourd'hui, 500 ans après Grünewald, le même Évangile de la Résurrection du Crucifié fait surgir en nous aussi, , le dynamisme créateur qui nous permet effectivement d’affronter la vie telle qu’elle se présente à nous.
On comprend vraiment le message de Pâques lorsqu’on en fait personnellement l’expérience. Encore faut-il ouvrir son cœur à cet Esprit créateur. Le salut de Dieu surgit d’une Présence en nous, qui est plus que nous mais qui n'est pas sans nous. Comment l’éprouver si l’on demeure passif, sans projets et sans espérance, si l’on n’a jamais le temps de méditer quelques instants et si l’on croit ne pouvoir compter que sur soi-même. Le témoignage magnifique de Grünewald nous appelle à lutter avec foi et espérance contre le pessimisme afin de participer à l’Esprit de Résurrection qui nous délivre de la dépression du Vendredi-saint.
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