Spiritualité des images
Jésus fessé
par Marie
Tableau de
Max Ernst, 1926
10 novembre 2005
Mes catéchumènes
avaient été interloqués lorsqu'un
mercredi soir, je leur ai fait passer une
reproduction de ce tableau.
Un peu choqués aussi, comme devant une sorte de
sacrilège. Ils attendaient sans doute que le
pasteur propose l'image d'un sage enfant Jésus
sur les genoux d'une Marie vêtue de son
habituelle robe bleu pastel et de son voile
blanc, paisible et bénissant.
En même temps ce
tableau les fascinait car il ose
montrer la profanation de la religion fade et un
peu ennuyeuse qu'ils étaient prêts à respecter
puisqu'on les envoyait pour cela au catéchisme
mais dont ils sentaient bien que ses grandes
affirmations doctrinales, ses dogmes officiels,
ses croyances souvent aberrantes ne répondaient
en rien à leurs désirs, leurs élans, leurs
enthousiasmes juvéniles.
.
Max Ernst n'est pas
récent. Il peignait à Paris cette
provocation il y a 80 ans et les deux
personnages qu'il représente avec lui derrière
la petite fenêtre sont ses amis André Breton et
Paul Éluard. Comme les autres surréalistes
qu'étaient Magritte, Miro ou Dali, il imaginait
un monde plus vivant, plus humain, dont
commençait à rêver une société qui refusait de
se figer dans une pensée unique. Mes
catéchumènes avaient aimé cette peinture.
Marie et Jésus y sont dégagés de l'armure dorée
des dogmes dans laquelle les théologiens
byzantins les ont enfermés et rendus
méconnaissables. Max Ernst les rend plus proches
de nous que les images officielles qui nous
endorment en les peignant dans un monde
surnaturel et irréel.
« Jésus était
donc comme nous », m'a dit un des
jeunes. Il a eu des problèmes, il a sans doute
réussi plein de choses, mais il en a aussi raté
d'autres. Il a été puni, fessé. Il a été
malheureux, anxieux, content aussi bien sûr.
Jésus qui a perdu son auréole, comme nous avons
depuis longtemps perdu la nôtre n'est pas un
dieu venu se promener un moment sur la terre en
faisant semblant d'être comme nous. Il est notre
frère, il partage notre existence et on peut
l'écouter et l'aimer bien mieux que le
personnage surnaturel de la sainte Trinité qui
est tellement supérieur, inhumain, inquiétant
même.
Et Marie ne ressemble
pas du tout aux incroyables
statues douceâtres et asexuées de nos
églises ; elle est une mère vivante et
passionnée. Elle a gardé son auréole, mais elle
est vêtue d'un corsage rouge violent que le vert
de sa jupe fait encore ressortir et assise de
biais sur un cube de pierre et la main qu'elle
lève est puissante et redoutable.
.
Max Ernst les a
représentés dans la chaude lumière
d'un soleil méditerranéen, dans le feu de
couleurs vives : souffrance et difficulté
de l'existence ; enthousiasme aussi.
Inquiétude et insatisfaction. Courage, force,
douleur, lutte de la vie.
Et tant pis si les
théologiens bien pensants, dans
leurs vieux livres poussiéreux, disent qu'il
convient de penser autrement. Jésus va se
relever de sa fessée, il remettra son auréole,
sa mère le consolera et nous nous relèverons
avec lui, nous sourirons en séchant nos larmes
pour vivre avec lui les années que Dieu nous
donne, comme à lui, sous le soleil.
Voir aussi
Gilles Castelnau
Les
protestants et Marie
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