Par
contraste nous le voyons ici dans
la force de l'âge ; de
tout son corps il est en mouvement:
son grand manteau doré, sa barbe et sa
chevelure blanche penchées en avant
vers le Christ : de tout son être
ce roi puissant, riche, glorieux, fait
allégeance. Son regard profond et
perçant n'est pas inquiétant comme à
Anvers : il interroge l'Enfant,
attentif semble-t-il à savoir si son
offrande est agréée.
Le deuxième mage, agenouillé à son
côté a une magnificence égale. Son
grand manteau rouge paré d'hermine
blanche révèle son importance; il est
attentif lui aussi. Le soldat au dur
visage, à l'armure luisante et à la
lance sculptée ajoute une note de
puissance guerrière : lui aussi
se tourne et s'incline devant Jésus.
Le mage noir qui apporte un coffret a
un regard plus méditatif et
doux ; non moins attentif.
La Vierge
Marie est une grande et belle
femme au teint de lys
et de rose, à la bouche petite bien
dessinée, sensuelle ; ses
paupières sont tombantes comme toutes
les femmes des tableaux de Rubens. Le
beau drapé de ses vêtements rouges et
blancs lui donne un air de majesté,
d'importance. Un léger halo autour de
sa tête est son auréole. Sa main qui
présente l'enfant Jésus est élégante,
maniérée.
Tout ceci est somptueux, princier,
puissant ; la paille qui nous
rappelle qu'il s'agit d'une crèche est
naturellement propre et blonde !
Les princes
de l'Église qui commandaient ces
tableaux à Rubens
croyaient que la magnificence était
nécessaire à leur prestige et à leur
renommée. Les grands seigneurs se
lançaient dans une vie de luxe
indifférente à la misère populaire. Et
bien entendu Rubens, peintre à succès,
favori des cours, excellait à ce genre
de peinture révélatrice d'un monde
inquiétant de richesse et de gloire.
Les clairs-obscurs du protestant
Rembrandt qui incitent à la méditation
et à la modestie de l'homme devant
Dieu nous semblent davantage
correspondre au style des évangiles
que ce triomphalisme grandiose de la
Contre-Réforme catholique.
Je suis
pourtant sensible à cette vision
du Christ, roi des
rois, amenant les puissants à
s'agenouiller et à proclamer sans
doute leur obéissance désormais à la
loi d'amour du Royaume.
L'hypocrisie de tant de princes
criminels qui se proclamaient
néanmoins chrétiens, (comme le
sinistre duc d'Albe dont les cruelles
persécutions des protestants flamands
au nom du roi Philippe II
d'Espagne étaient encore dans toutes
les mémoires) ne doit pas occulter
l'idéal biblique du roi représentant
de Dieu consacrant son pouvoir à faire
régner sur terre la justice
protectrice des humbles.
L'élan dynamique (et parfois la
prétention) de nos contemporains du 21e
siècle peuvent trouver un modèle dans
l'humble attitude des mages attentifs
à quêter l'approbation de l'enfant
tout-puissant.
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