
Ferdinand Hodler, Le Bûcheron
Modernités suisses
1890-1914
Musée d’Orsay
jusqu'au 25 juillet 2021
Gilles Castelnau
28 mai 2021
Au tournant du XXe siècle la paisible Suisse connaissait évidemment comme toute l’Europe un développement industriel dont les fumées et les cheminées d’usine faisaient de l’ombre aux vertes prairies de l’Alpe. Des touristes étrangers inconnus venaient sans vergogne faire du ski sur ce qu’ils commençaient à appeler un domaine skiable.
Les artistes peintres se sont tous unis pour représenter la traditionnelle personnalité de la Suisse en une temps plus heureux et que les jeunes générations ne devaient certainement pas oublier.
Ils n’ont pas figuré l’antique Serment du Grütli fondateur de la Confédération qui rassemblait généreusement les hommes libres des vallées d’Uri, de Schwytz et d’Unterwald.
Ils n’ont pas peint Guillaume Tell traversant de son carreau d’arbalète une pomme sur la tête de son jeune fils.
Ils se sont tournés vers la Nature dans sa pureté et l’humanisme qu’elle engendrait.
Les commissaires de l’Exposition ont rassemblée 70 de ces tableaux dont ils ont dit sur le mur d’entrée :
« Les expositions nationales suisses de 1883 à Zürich, de 1896 à Genève et de 1914 à Berne constituent de véritables vitrines du patriotisme helvète. »
Ferdinand Hodler, Le Bûcheron, 1910
Le Bûcheron (ci-dessus en exergue) n’est certes pas élégant dans son habilement aux couleurs ternes, il ne prétend pas avoir une prestance raffinée et son attitude n’impose pas le respect.
Mais son geste tout entier voué à sa tâche si naturelle et si traditionnelle symbolisait tellement bien l’âme héroïque du peuple suisse que la Banque nationale suisse l’utilisa pour illustrer les nouveaux billets de 50 francs.

Giovanni Segantini, Midi dans les Alpes, 1891
Le récit familier de la petite Heidi retrouvant la santé dans l’air limpide de l’Alpe élève les cœurs vers le centre du Pays que les militaires ont appelé le « Réduit national ».

Giovanni Giacometti, Maternité, 1908
Giovanni Giacometti qui ne doit pas être confondu avec Alberto Giacometti sculpteur de l’Homme qui marche, place comme les impressionnistes son chevalet dans la nature et suggère que le paradis n’est à trouver nulle part ailleurs que dans la vie simple d’un jardin suisse fleuri et ensoleillé où les femmes sont charmantes et vouées au rôle millénaire de l’allaitement de leur progéniture, environnée d’enfants mignons et sages.

Cuno Amiet, Le Pommier, 1907
Cuno Amiet a voyagé à l’étranger. Il est allé jusqu’au village breton de Pont-Aven où Paul van Gogh était installés avec ses amis couleurs vives. Il a été évidemment saisi par cette vision fantasmatique du monde et a écrit à son ami Giacometti que ce séjour marquait un « changement complet de son opinion sur la peinture et sur l’art en général. »
Cuno Amiet manifeste désormais un état d’esprit positif et enthousiasmant. Ces pommiers immenses magnifiques dont les minuscules paysans s’activent tous ensemble à cueillir les fruits coupent le souffle. Installé dans son village d’Oschwand dans le canton de Berne, Cuno Amiet exportera cet élan symboliste typique de la nature suisse jusqu’à Munich et Dresde, où il rencontrera les peintres du mouvement die Brücke.

Sigismund Righini, La Famille I, 1904
Ces mouvements nouveaux déstabilisaient tout de même beaucoup de monde, des mécontentements et des angoisses surgissaient.
Dans cette scène, écrit le cartel, Righini
« se représente en retrait de la scène, observant son père Francesco, peintre-décorateur, sa mère Maria, son épouse Constance, peintre également, et leur fille Katharina, surplombés par des reproductions de tableaux anciens. Le contraste entre les couleurs vives et la raideur des modèles ainsi que leur isolement crée un sentiment de malaise présent également dans les portraits de famille de Vallotton. Isolés les uns des autres, femme, enfants, père et mère apparaissent comme sur une scène de théâtre. »

Félix Vallotton, Le Dîner, effet de lampe, 1899
Ici aussi Félix Vallotton montre un dîner à l’ambiance tendue signe de l’angoisse de l’époque.
Il a pourtant peint ce tableau l’année de son mariage. Il se représente de dos au premier plan, en spectateur d’un repas familial dont la tension est suggérée par la lumière crue de la lampe et le regard fixe de la petite Madeleine.

Ernest Biéler, Le Petit Cheval rouge, 1909
Ernest Biéler est installé dans le village de Savièse dans le canton du Valais. Il se plait à représenter les gestes et les coutumes qu’il y observe.

• « accordeon » : Max Buri, Joueur d’accordéon en compagnie, 1905-1906
C’est dans la vallée du Hasli, territoire de haute montagne dans le canton de Berne que Max Buri peint les Suisses dans leurs vêtements et leurs attitudes traditionnelles : la vie de naguère était belle et aurait dû être préservée !
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