
L’Avocat, l’Oncle Dominique, 1866-1867
Portraits de Cézanne
musée d’Orsay
jusqu’au 24 septembre 2017
Gilles Castelnau
13 juin 2017
Le musée d’Orsay nous présente plusieurs dizaines de tableaux de Paul Cézanne, tous des portraits. L’ensemble pourrait être monotone. Il est puissant et magnifique.
Cézanne ne fignole pas les détails. Il ne s’efforce pas de saisir les reflets changeant de la lumière sur l’eau comme le faisaient si bien les impressionnistes dans leur art raffiné. Il ne cherche pas à représenter les messieurs élégants et les belles dames de la société élégante. Il est une force de la nature et il travaille la peinture comme une manière épaisse qu’il étale au couteau.
L ’Avocat, l’oncle Dominique placé ci-dessus en exergue manifeste bien l’autorité puissante que Paul Cézanne reconnaissait à son oncle et sans doute à la société qui l'entourait.
Ses contemporains ont dit qu’il s’exprimait avec un fort accent provençal, qu’il roulait les R de manière rocailleuse et doublait les M de façon terrifiante.
Lorsqu’on circule dans l’exposition entre ces nombreux portraits, on n’est pas saisi par leur psychologie et leurs regards qui pourraient être interrogatifs ou péremptoires : ils ne nous regardent guère et ne sourient jamais. Mais on sent bien leur présence intériorisée et leur forte épaisseur humaine.
Cézanne faisait poser interminablement ses modèles lorsqu’il le pouvait et savait pénétrait leur être en profondeur. C’est l’accumulation de toutes ces puissance vitales inexprimées et bien réelles qui rend l’exposition saisissante.

Louis-Auguste Cézanne, père de l’artiste, lisant L’Événement, 1866
Son père était d’origine modeste et avait réussi par un travail acharné à diriger une banque. Il n’approuvait pas la vie de peintre que menait son fils. Il le soutenait pourtant financièrement. Les commissaires notent que Paul a malicieusement changé le titre du journal paternel :
L’Événement était une éphémère revue d’avant-garde, alors que son père devait lire Le Siècle, journal plus conservateur !

Achille Emperaire, 1867-68
Achille Emperaire était son ami. Peintre lui aussi mais infirme, malade et sans guère de succès. Cézanne lui peint un portrait de deux mètres de haut et ajoute l’inscription de caractère un peu grandiloquent (difficile à déchiffrer sur nos petites reproductions) : « Achille Emperaire peintre »

Autoportrait, 1875
Il ne cherche pas à se rendre sympathique et chaleureux. Mais son port de tête révèle son assurance intérieure et son regard en coin est tranquille.

Madame Cézanne dans un fauteuil rouge, 1877
Matisse peindra ainsi trente ans plus tard.

Portrait de madame Cézanne, 1886-1887
Cézanne peint sa femme dans une ambiance de tranquille assurance intérieure, peut-être légèrement nostalgique. Mais il évite, ici encore de croiser son regard.

Portrait d'Ambroise Vollard, 1899
Ambroise Vollard était son marchand de tableau. Il avait volontiers accepté de poser pour Cézanne, sans se douter peut-être que celui-ci, dans son attention rigoureuse exigerait une immobilité absolue et unepatience presque infinie. A l’issue de cette épreuve, il avait déclaré : « Après cent quinze séances de pose, Cézanne me dit avec satisfaction : “Je ne suis pas mécontent du devant de la chemise”. »
Le portrait resta ensuite inachevé …

La Dame en bleu, vers 1904
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