
Chaïm Soutine, Paysage
: 1922-23
Chaïm
Soutine
Minsk 1893 –
Paris 1943
L’ordre
du chaos
Musée de
l'Orangerie
jusqu’au 21
janvier 2013
Gilles Castelnau
8 octobre 2011
Cette belle
exposition présente, côte à côte et
sans commentaires 64 tableaux de Chaïm Soutine,
portraits et paysages, colorés et très vivants,
déments, maladifs, et hagards. On pense
évidemment aux magnifiques œuvres de la fin de
vie de van Gogh,
aux ciels tourmentés et aux murs d’église
convulsés.
Van Gogh, Église
d’Auvers-sur-Ois, 1890
C’est toute
son existence, semble-t-il, que Soutine a vécue dans
le délire d’une vision hallucinée. Le monde tel
qu’il le peint, plus que sa réalité concrète
décrit les images mentales qui emplissaient sa
vie intérieure.
Soutine, Portrait
d’Émile Lejeune, 1922-23
Il n’a pas
supporté l’ambiance mortifère de son
enfance et de sa jeunesse passées, comme celles
de Chagall, dans
un « shtetl » de 400 habitants en
Biélorussie, dans une grande pauvreté matérielle
mais où surtout toute vie (après tout
« chaïm » signifie en hébreu :
« la vie ») était étouffée par les
traditions d’un judaïsme écrasant.
Mais alors que Chagall transcendait
les images qui remontaient dans sa pensée de son
enfance juive en un petit monde où les
violonistes planaient sur les toits avec des
chevaux ailés, Soutine
ne pouvait qu’exprimer les hurlements de
détresse et d’angoisse qui montaient en lui, par
ces visages déformés et les murs de ces maisons
tourbillonnants que l’exposition aligne
cruellement sur les murs de l’Orangerie.
Soutine, Maison
blanche, vers 1918
Soutine est
arrivé à Paris en 1913, attiré par la
réputation de l'atmosphère incroyablement
dynamique et vivante de jeunes peintres venant
des quatre coins de l’Europe à la recherche
d’une peinture nouvelle et libre, qu’ils
trouvaient effectivement à Montparnasse.
Le Hollandais van Dongen, l’Espagnol
Picasso, le
Roumain Brancusi,
l’Italien Modigliani
et l’Espagnol Juan Gris,
le Russe Chagall,
le Polonais Kisling,
puis le Hollandais Mondrian,
le Japonais Foujita
et donc le Lituanien Soutine
se rejoignent à Montparnasse à la
« Closerie des Lilas » à la
« Coupole » ou au
« Sélect », logent, comme Modigliani, Léger, Chagall et Soutine
à la « Ruche », ancien pavillon de
l’Exposition universelle, devenu pour eux
logement bon marché ; ils s’unissent dans
la fraternité que l’on appellera « l’École de Paris »
et lorsque les organisateurs du Salon des
Indépendants veulent exposer leurs œuvres en les
classant par nationalités, Kisling, Zadkine, Lipschitz,
van Dongen, Picabia, Mondrian
démissionneront.
Aucune exclusive anti-française parmi eux : ils
élisent le Français Paul
Fort, Prince des poètes, à la Closerie
des Lilas. Et lorsque la guerre de 1914 a éclaté
la plupart se sont engagés dans l’armée
française ; Soutine
a été mobilisé comme terrassier et a creusé les
tranchées jusqu’à ce que son état de santé
fragile le fasse réformer.

Soutine, Portrait
de Madeleine Castaing : vers 1929
Ombrageux,
coléreux et sauvage, il vit d’ailleurs
un peu à l’écart de la communauté artistique. En
été 1920, son ami Zborowski
vient le chercher et l’amène à Céret et à
Cagnes-sur-Mer. Finalement un succès énorme
l’atteint. Il vit confortablement, soigne sa
mise, habite près du parc Montsouris où il loue
un atelier spacieux.

Soutine,
Arbre couché : 1923-24
La Seconde
Guerre mondiale le rattrape. Juif, il
est traqué. Il mène une vie clandestine. En
1943, malade, il est hospitalisé et meurt à
Paris. Picasso a
été, dit-on l'un des rares à suivre son
enterrement.
Soutine, Garçon
d’étage, vers 1927
Soutine était
certainement fou ; enfermé dans
ses malheurs passés, peignant un monde halluciné
en une sorte de mort spirituelle. Mais ses
couleurs - le rouge surtout -, le
mouvement de ses tableaux dénotent une vie
intense, celle dont il porte le nom hébreu : Chaïm.
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