L'évêque
J. Spong
Le message de John S.
Spong
Évêque
émérite de Newark (New York)
Gilles
Castelnau
Introduction
18 février 2008
Que peut-on croire
aujourd'hui ? Les confessions
de foi traditionnelles ont été rédigées
en des temps et dans des circonstances qui ne sont plus les
nôtres.
Les dogmes concernant Jésus-Christ,
sa mort sacrificielle, sa résurrection, ses titres de Fils de
Dieu, de deuxième personne de la Trinité etc. sont
souvent jugés trop théoriques et peu
crédibles.
Certains de nos contemporains et même
parfois nos enfants, jettent le bébé avec l'eau du bain
et abandonnent toute foi. D'autres, au contraire, prennent les
formulations d'hier tellement à la lettre que toute tentative
de les actualiser leur semble une atteinte à la foi
elle-même.
« Les violons jouent pendant
que le bâtiment brûle ! »
Spong n'élabore pas une
pensée théologique personnelle ou
nouvelle. Il se contente de
présenter de manière précise et interpellante
les conceptions émises depuis plusieurs décennies par
les théologiens libéraux et il rejoint en
général ce qu'une bonne partie des gens pensent plus ou
moins secrètement.
Il a publié « 12
thèses » à
la manière Luther qui serviront de canevas à cette
présentation. (Traduction G.C.)
1
Théisme
- a-théisme
« La
conception théiste de Dieu est périmée. Le
langage théologique qu'elle induit perd aujourd'hui tout sens.
Il faut élaborer une nouvelle façon de parler de
Dieu. »
Le « théisme » est la conception d'un Dieu demeurant
« au
ciel », en dehors du monde
et intervenant de l'extérieur dans l'histoire des hommes, s'il
le souhaite, de manière inattendue, surnaturelle et
toute-puissante.
L' « athéisme » est tout à fait légitime dans la
mesure où un tel Dieu n'est pas crédible. Si l'on pense
à l'avenir du christianisme, il faut se garder d'enseigner le
théisme aux enfants. Ils ne sont que trop portés
à avaler le surnaturel des contes de fées et lorsqu'ils
parviendront à l'âge de raison ils risqueront de jeter
le bébé avec l'eau du bain et se choisir
l'athéisme.
Quant aux fidèles qui doivent
réciter le credo lors du culte, ils ne le font pas sans
réserves intellectuelles et
arrière-pensées.
« Un Dieu que l'esprit
récuse ne sera jamais un Dieu que le cœur pourra
prier. »
« Je crois en la transcendance
que j'ai rencontrée, en la vie qu'elle me donne, l'amour
qu'elle éveille en moi et le fondement de mon être
qu'elle me révèle. Je la nomme Dieu. Elle est pour moi
la source de la vie, la source de l'amour et le fondement de
l'être. »
Il faut repenser la question de Dieu dans un
esprit de maturité et de responsabilité. Ce sera la
grand tâche de l'Église au 21e siècle et
il est tout à fait regrettable que l'on n'y dépense pas
davantage d'énergie.
Il faut notamment prendre garde aux
conceptions véhiculées à notre insu par les
textes de nos liturgies et les cantiques que nous chantons. John
Spong donne des exemples dont voici des équivalents dans le
protestantisme français.
Que ta main me dispense joie ou
douleur
Paisible en ta présence garde mon coeur.
Ces mots amènent à
remarquer que Jésus n'a jamais laissé penser que Dieu
pouvait nous dispenser des douleurs !
2
La personne de
Jésus-Christ
« La
compréhension de la personne de Jésus comme incarnation
de la divinité théiste doit être également
abandonnée. La christologie traditionnelle n'est plus
crédible. »
Le théisme traditionnel induit une
conception surnaturelle de Jésus aberrante. On le
présente marchant sur la terre (et sur les eaux !)
à la manière des divinité antiques (Zeus
métamorphosé en taureau blanc pour emporter la belle
Europe).
Les textes liturgiques et les cantiques
doivent, là aussi, être sérieusement
revus :
Lui [Jésus] qui vient
d'auprès des anges
Voyez comme il est traité :
On l'enveloppe de langes
Malgré sa divinité.
Il gît en cette indigence
Et n'en sait pas la raison
Quand au paradis immense
Il avait tout à foison.
3
Darwin et la
Chute
Le récit
biblique d'une création parfaite et achevée,
d'où l'humanité est déchue dans le
péché, est un mythe pré-darwinien et un non-sens
post-darwinien.
Darwin a fait comprendre que la
création de la vie est un long processus qui ne se termine
jamais. On sait maintenant que la vie humaine évolue et se
développe en se complexifiant depuis les formes de vie
les plus primitives, qu'une période paradisiaque où la
mort n'existait pas n'a jamais eu lieu et qu'il n'y a jamais eu de
« chute » dans le péché.
L'humanité n'a donc pas être
« sauvée » d'une « chute » qui n'a jamais eu lieu.
On ne peut donc plus dire que Jésus
est le divin visiteur venu sauver une humanité
déchue.
Il faut dire, par contre, qu'il nous appelle
à être plus humains dans l'union avec Dieu qu'il nous a
révélée.
4
Jésus et le
surnaturel
Interpréter
le dogme de la naissance virginale du Christ comme une
vérité biologique, rend incompréhensible
l'affirmation de sa divinité.
La Bonne nouvelle de l'Évangile qui
nous rend enfants de Dieu n'est certainement pas l'adhésion
intellectuelle à de tels prodiges.
Dieu n'est pas un être à part
et Jésus ne peut donc pas en être l'incarnation. Il
n'est pas venu au monde dans le sein d'une vierge parmi les chants
des anges et annoncé par une étoile. Il n'avait aucun
pouvoir surnaturel lui permettant d'apaiser les tempêtes, de
marcher sur l'eau ou de nourrir 5000 personnes avec
5 pains.
Les Évangiles sont à mes yeux
comme des portraits peints par des artistes qui s'efforçaient
de représenter le Dieu auquel ils croyaient et qu'ils avaient
rencontré en Jésus. En les méditant, Dieu
devient réel pour moi. Je vous recommande à vous aussi
ce chemin qui conduit aux merveilles de Dieu.
5
Miracles
Dans notre
mentalité post-newtonienne, on ne peut plus interpréter
les miracles du Nouveau Testament comme des événements
surnaturels accomplis par une divinité
incarnée.
A une époque où on croyait que
les maladies étaient des punitions infligées par Dieu,
on aurait évidemment considéré comme des
miracles les guérisons que nous obtenons aujourd'hui
grâce aux antibiotiques, à la chirurgie ou à la
chimiothérapie.
Dans un monde où l'on croyait que les
accidents climatiques étaient des marques de la colère
divine, on aurait qualifié de miracle le fait qu'un cyclone se
calme au-dessus de l'océan sans ravager la terre
habitée.
Mais à quelqu'un qui croirait
aujourd'hui que Dieu peut intervenir miraculeusement pour
guérir un cancer, arrêter une guerre ou détourner
un ouragan, on lui demanderait pourquoi, à son avis, Dieu ne
le fait pas régulièrement !
6
La croix
L'interprétation sacrificielle de la croix
expiant les péchés du monde est une idée barbare
et primitive provenant d'une compréhension de Dieu qui doit
être abandonnée.
Dans la conception
« théiste », Dieu demeure dans le ciel et
accomplit sa volonté en intervenant de manière
surnaturelle dans la vie des hommes. Il est naturel, dès lors,
de chercher une raison divine derrière chaque
événement.
Les premiers chrétiens
s'étaient manifestement laissé emprisonner dans cette
manière de voir et se sont demandés « pourquoi la
croix ». Ils ont
trouvé une explication dans la conception juive du Yom
Kippour. Ce jour-là un agneau était sacrifié et
son sang répandu devant Dieu : « l'Agneau de Dieu qui ôte le
péché du monde ».
Mais dire que la mort de Jésus a
été un sacrifice exigé par Dieu pour ôter
les péchés du monde induit une idée barbare de
Dieu.
7
La Résurrection
de Jésus
La
Résurrection est un acte de Dieu faisant passer Jésus
dans le monde céleste. Il ne s'agit pas d'une
réanimation physique prenant place dans le monde
humain.
Elle est l'extraordinaire expérience
ouvrant nos pensées et nos yeux et nous permettant de
pénétrer dans le royaume de l'Esprit en communion avec
le Dieu qui transcende toute limite de temps et d'espace.
Présenter la Résurrection de
Jésus comme le simple retour à la vie de son cadavre
laissant son tombeau vide enchante certainement les enfants mais
n'est pas l'Évangile du saisissement éprouvé par
les disciples devant la victoire de la vie sur la mort
caractéristique de la créativité de Dieu.
Le récit du tombeau vide est absent
des textes les plus anciens du Nouveau Testament que sont les
épîtres de Paul et de Pierre.
8
L'Ascension
Le récit de
l'Ascension, qui suppose un univers à trois niveaux, ne peut
pas être transposé dans les concepts spatiaux de
l'ère post-copernicienne.
Il n'est pas crédible depuis que l'on
sait qu'un corps se déplaçant verticalement de bas en
haut ne parvient pas chez Dieu mais se satellise en orbite.
9
Une éthique
« révélée » ?
Il n'existe aucun
principe éthique objectif, extérieur à nous,
révélé par Dieu et formulé dans une
écriture ou sur des tablettes de pierre et qui devrait
régler à jamais notre conduite morale.
Des terroristes du World Trade Center ont
affirmé que Dieu leur en avait révélé
l'obligation l'ordre !!!
Par contre si on conçoit Dieu comme
la Vie, l'Amour et l'Être, toute action qui promeut la vie,
approfondit l'amour et affermit l'être peut être
considérée comme notre réponse à l'appel
de Dieu.
« Il donne à
tous la vie, le souffle et toutes choses. »
Actes 17. 25
« En Dieu nous avons la
vie, le mouvement, et l'être. » Actes 17. 28
« Si le but de l'invasion de
l'Afghanistan était de détruire les centres terroristes
responsables de l'attaque du 11 septembre, je la trouve
justifiée. Cette guerre n'était certes pas dans
l'Esprit du Christ. Mais subir passivement l'attaque du
11 septembre ne l'aurait pas été non plus.
Notre monde n'est pas parfait. L'injustice y
règne. Les forts oppriment quotidiennement les faibles. Il
faut que la parole du Christ éveille constamment les
consciences, notamment sur des questions comme celle-ci.
La race humaine continue à se battre
pour sa survie depuis un long passé de luttes avec bec et
ongles. La seule manière de nous en libérer serait
d'évoluer vers un nouvel état d'esprit où nous
ne sommes pas encore parvenus. C'est précisément ce que
le christianisme nous propose fondamentalement.
Cela signifie qu'un jour il nous faudra
apprendre qu'on ne combat pas le terrorisme en combattant et en tuant
les terroristes, mais en nous attaquant au désespoir qui
nourrit le terrorisme.
Cela signifie pour nous de dépasser
la pensée tribale et ses réflexes de défense et
les systèmes religieux qui en sont responsables.
C'est alors que nous serons dans l'Esprit du
Christ.
La crise éthique actuelle sera
surmontée par la réflexion et le débat et non
par le refuge infantilisant derrière des "autorités"
anciennes. »
10
La
prière
La prière ne peut pas
être une série de requêtes adressées
à une divinité céleste, pour lui demander
d'intervenir de l'extérieur dans notre histoire
humaine.
Dieu qui est la Source de notre vie, de
notre amour et le fondement de notre être, ne peut agir que
dans notre vie, pour notre amour et à travers notre
être.
Notre rôle est, grâce à
lui et par lui, d'intervenir nous-mêmes partout où nous
le pouvons.
Ainsi que notre vie se fera prière.
Car la prière chrétienne ne consiste pas à
dire : « mon Dieu je
te prie d'agir mais moi je dors ».
John Spong s'est mis en colère
lorsque sa femme souffrant d'un cancer ayant
bénéficié d'une rémission, on lui dit
qu'il s'agissait sans d'une de l'exaucement de nombreuses
prières de ses nombreux fidèles et amis. Il s'exclama
qu'il ne pouvait croire en un Dieu qui guérirait
l'épouse d'un évêque pour laquelle beaucoup de
monde aurait prié et qui négligerait par contre une
femme inconnue.
11
paradis -
enfer
La
résurrection ne doit pas être une récompense ou
entraîner une punition. L'Église ne doit plus chercher
à culpabiliser les fidèles.
Il y a longtemps que j'ai abandonné
l'idée que la vie après la mort ait pour but de
récompenser les bons et de punir les méchants.
Dieu est pour moi la Source de la Vie, la
Source de l'Amour, le Fondement de mon Être. Je le sers en
m'efforçant de vivre pleinement et d'aimer de tout mon coeur
et je ne peux pas imaginer que quelqu'un soit totalement privé
de toute vie et de tout amour. Le salut universel est tout
naturellement l'objet de mon espérance et de ma
prière.
12
L'homosexualité
Tous les humains sont à l'image de
Dieu, et chacun doit être respecté pour ce qu'il est.
C'est pourquoi aucune discrimination n'est admissible selon des
critères de race ou d'orientation sexuelle.
John Spong soutient l'ordination des
homosexuels à la prêtrise et leur consécration
à l'épiscopat, ainsi que leur mariage. Voici un de ses
textes les plus importants :
Texte proposé
à l'Assemblée des évêques de la Communion
anglicane
le 25 août 1994 par
l'évêque John S. Spong
Nous croyons que la
sexualité est un don de Dieu.
Nous croyons que certains d'entre nous
ont été créés hétérosexuels
et d'autres homosexuels.
Nous croyons que
l'homosexualité et l'hétérosexualité sont
moralement neutres, peuvent être également vécues
avec beauté, honneur, sainteté et
intégrité et peuvent être également
vécues de manière destructrice de vie et de
personnalité.
Nous croyons que l'Église doit
réprouver cet aspect destructeur partout où il se
manifeste
Nous croyons que le mariage doit
être honoré, qu'il représente l'engagement humain
le plus élevé de l'homme et de la femme. Nous croyons
que dans le mariage le mari et la femme sont pareillement
appelés à la sainteté.
Nous croyons qu'il convient également
d'honorer les homosexuels qui, ne voulant pas vivre seuls, engagent
avec le partenaire de leur choix, une relation monogame,
fidèle, féconde et sainte. Nous entourons ces couples
de notre soutien, de notre souci pastoral, de nos prières et
de la reconnaissance sociale appropriée, car nous croyons que
Dieu est présent dans leur vie commune.
Nous croyons encore que le ministère
ordonné de l'Église doit être ouvert à
tous les chrétiens baptisés et que nous sommes capables
de discerner ceux qui y sont à la fois appelés et qui
en sont capables. Nous sommes conscients de la présence dans
l'Église de prêtres homosexuels, hommes et femmes et
nous témoignons de l'efficacité et de
l'intégrité de leur ministère. Certains d'entre
eux sont célibataires ; bien davantage vivent en
couples ; ils sont évêques, prêtres ou
diacres et dans toutes ces fonctions ils ont mérité
notre respect.
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