Souffrance des
bêtes
John Cobb
6 juin 2004
Question
posée au professeur J. Cobb
L'éthique du
Process approuve le précepte bouddhiste d'éviter tout mal sauf absolue nécessité.
Cela signifie-t-il que Dieu veut que les hommes et les animaux soient tous végétariens ?
Réponse de John Cobb
Le bouddhisme enseigne la
compassion, non seulement à
l'égard des êtres humains mais aussi de tout être
sensible. C'est également le cas de l'hindouisme dans tout le
sud de l'Asie. Il en va un peu différemment en Chine, en
Corée et au Japon où le bouddhisme me semble davantage
centré sur l'homme, à l'image d'ailleurs du
christianisme.
Les penseurs du Process partagent le souci des bouddhistes à
l'égard de la souffrance des êtres sensibles, tout au
moins dans la mesure où ils ne sont pas déformés
par les habitudes de l'Occident. La plupart font une distinction
entre le fait de tuer les bêtes pour se nourrir et d'autre part
causer une souffrance inutile. Mais certains sont sensibles au mal
fait aux animaux par la chaîne de l'industrie alimentaire et
choisissent le végétarisme comme le font la plupart des
bouddhistes.
La grande question
demeure : La volonté de
Dieu est-elle que les carnivores cessent de dévorer les
herbivores ? Si c'est le cas, sa volonté est loin
d'être faite !
Il me semble que Dieu ne souhaite pas tant l'anesthésie que
serait une absence totale de souffrance, mais plutôt une
« intensité » de vie, faite à la fois de souffrance et de
joie.
Le monde
sauvage
Dieu s'implique dans l'existence de tous
les êtres sensibles. Il
souhaite bien sûr que leur joie surpasse leur souffrance. Et on
peut penser qu'en général dans la vie sauvage, c'est le
cas de la plupart des créatures, même si leur vie est
fréquemment prématurément interrompue.
D'ailleurs la cruelle loi selon laquelle le fort dévore le
faible a ceci de positif qu'ils développent
simultanément un dynamisme et une passion que l'on ne constate
pas autant chez les herbivores dont l'existence n'est pas
menacée.
La mort violente de la nature sauvage ne me semble donc pas
représenter le mal absolu.
Le monde des
hommes
Il en est de même dans le monde des
hommes où il faut bien
euthanasier avec le minimum de souffrance les chiens et les chats
lorsque leur nombre devient insupportable, bien qu'il soit
naturellement toujours préférable de réduire le
nombre des naissances plutôt que de laisser venir au monde des
bêtes que l'on doit ensuite mettre à mort.
Élever des volailles, des vaches et des porcs dans le but de
les abattre pour notre nourriture me semble dans la nature des choses
et parfaitement acceptable à condition qu'ils aient
été suffisamment bien traités pour profiter de
l'existence durant leur courte vie.
La combinaison d'élevage et de
culture vivrière maintient un
meilleur équilibre écologique dans une entreprise
agricole que la monoculture.
L'association international d'aide au Tiers-Monde « Heife » promeut
notamment l'élevage de chèvres destinées
à la nourriture humaine. Il clair que l'avantage qu'en
retirent les populations surpasse le dommage de ce sacrifice.
Par ailleurs, le nombre des daims, par exemple, augmenterait de
façon dramatiques dans nos forêts où ne se
trouvent plus de prédateurs, si leur nombre n'était
raisonnablement limité par les associations de chasse, qui les
préservent ainsi de mourir de faim.
Tout cela est vrai. Il n'en demeure pas moins que les choses
étant ce qu'elles sont, l'éthique du Process se doit
aujourd'hui de protester contre l'énorme souffrance
infligée de nos jours aux animaux domestiques.
De plus, notre agriculture n'est pas équilibrée entre
bétail et cultures vivrières. Nous pratiquons la
monoculture d'une part et l'élevage d'autre part avec les
conséquences néfastes que l'on connaît aussi bien
pour la terre que pour les bêtes.
La pensée du
Process qui entend promouvoir une
relation harmonieuse entre l'humanité et les autres
espèces vivantes, ne peut que s'élever contre un tel
dérèglement de la vie de la nature.
Traduction Gilles
Castelnau
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