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Dieu de la Bible
Dieu du Coran

Entretien avec Jean-Louis Schlegel

 

Thomas Römer
professeur au Collège de France
et à la Faculté de théologie de Lausanne
Jacqueline Chabbi
professeur des universités

 

Éd. du Seuil

304 pages – 9,50 €

 

Voir

Thomas Römer

Jacqueline Chabbi

Recension Gilles Castelnau

 

 4 mai 2023

Ces deux auteurs sont d’éminents spécialistes de la lecture historique et critique qui replace les textes dans le contexte de l’époque où ils ont été mis par écrit et analyse leur évolution par rapport avec les récits précédents.

Au lieu de dire comme les fondamentalistes que le texte révèle la vérité historique, ils montrent que c’est la recherche de l’histoire qui explique pourquoi telle texte a vu le jour.

Aussi bien pour l’histoire d’Israël dont la connaissance éclaire la rédaction des textes biblique que pour celle de l’islam qui fait apparaître le Coran sous un jour nouveau, ce livre surprendra et passionnera tous ceux qui sont rebutés par la lecture brute des textes.

Il est clair et facile à suivre pour les non spécialistes qui en seront profondément reconnaissants à ces auteurs.

Il bouscule les certitudes de tous les fanatiques d’une lecture littérale de la Bible et du Coran.

En voici des passages significatifs.

 



En guise de prologue

Jean-Louis Schlegel

 

Nombre de livres de vulgarisation et de manuels scolaires, voire de livres d'histoire sérieux, continuent de présenter des chronologies reprenant imperturbablement les mêmes données depuis des lustres — là où la recherche les a sinon totalement écartées, du moins rendues fortement incertaines. Pas nécessairement parce qu'on en sait plus ou mieux aujourd'hui qu'il y a encore assez peu, mais parce qu'il a fallu admettre le vide de sources documentaires ou de vestiges archéologiques attestant de données apparemment incontestables et laissant place à de nouveaux acquis. Le paradoxe est en effet quasiment le suivant : plus la recherche sur les origines avance, et plus l'incertitude croît. Et ce qu'on croyait établi et certain semble provisoirement ou définitivement perdu.

 

Au cours des entretiens réunis dans ce livre, Thomas Römer et Jacqueline Chabbi donnent de nombreux exemples de certitudes qu'on affirmait et répétait sans sourciller sur les « tout débuts », alors que la recherche ne les partage plus.

[…]


Par ailleurs, on le sait bien et on le voit tous les jours : pour un grand nombre de croyants, juifs, chrétiens et musulmans, les doutes portés par la recherche archéologique, historique, anthropologique, linguistique, etc. sur l'historicité de récits et de personnages des origines sont éprouvants. Jacqueline Chabbi rappelle que dans le monde musulman, cette recherche sur le Coran et les tout débuts de l'islam reste massivement rejetée, souvent avec violence. Du côté chrétien, elle est parfois encore évitée, ou volontairement négligée, y compris par des individus cultivés. Ces croyants devraient toutefois, peut-être, réviser leurs raisons de croire : si celle ou celui qui croit a besoin de données historiques sûres et de preuves scientifiques pour asseoir sa foi, celle-ci sera toujours fragilisée, à la merci de découvertes nouvelles dues à la recherche la plus récente. Sans doute nombre de juifs sont-ils aussi perturbés par les travaux qui mettent en cause l'historicité d'épisodes et de personnages bibliques, mais aujourd'hui les idéologues politiques qui instrumentalisent des textes vieux de quatre mille ans pour en faire un récit national à sens unique et justifier une politique israélienne d'annexion de terres se moquent eux aussi grossièrement de la recherche historique qui révèle la multiplicité des contextes et des contradictions aux origines. De ce point de vue aussi, du reste, l'histoire reste le meilleur remède contre tout usage anachronique, politique ou autre, des textes révélés.

 


I

Dieu de la Bible


• 1 •  Le nom de Dieu

Un combat contre les idoles

Thomas Römer. La manière dont on décrit les fonctions de Yahvé ou sa relation avec Israël, notamment dans le livre du Deutéronome ou les récits de conquête dans le livre de Josué, est très influencée par ce qu'on sait des Assyriens. Le fait que Yahvé devienne le dieu national quasi unique a sans doute partie liée avec l'idéologie assyrienne des traités de vassalité, selon laquelle il faut faire allégeance absolue au souverain unique. Cette conception a été transposée ensuite dans l'histoire de la réforme de Josias : la vassalité d'Israël (c'est-à-dire Juda) serait désormais due à Yahvé. Celui-ci ressemble alors au roi ou au dieu national des Assyriens, Assur. Des Babyloniens en revanche, on ne connaît pas grand-chose, sinon qu'ils étaient largement dans la continuité des Assyriens. Mais avec eux apparaissent à coup sûr une rivalité et des convergences entre le dieu babylonien Marduk et Yahvé, comme il y aura plus tard chez les Perses un débat entre leur dieu Ahura Mazda et Yahvé, débat qui a influencé les rédacteurs de la Bible.

 

 


Un dieu en partie féminin

Jean-Louis Schlegel. Le passage de I Rois 22 qui raconte la réforme de Josias dit que ce dernier expulse la déesse Ashéra du temple, alors qu'on est à la fin du VIIe siècle. Celle-ci, qui a derrière elle une longue histoire, a donc, semble-t-il, bien résisté à l'« avancée monothéiste »

 T.R. Oui, elle est connue en particulier par les livres des Rois, qui critiquent violemment son culte. C'est étrange, mais certains grands savants ne peuvent admettre que Yahvé avait une femme et une statue dans le temple ! Il semble qu'il faudrait pour eux que Yahvé soit célibataire et invisible.

 

• 2 •  Bible et histoire

 

Que sait-on des rois d’Israël ?

JLS. L'histoire de Salomon, le fils de David qui aurait régné durant le second tiers du XXe siècle est racontée au Premier livre des Rois. Il est présenté comme une sorte de « grand roi » prestigieux, un souverain d'une sagesse sans égale, chargé de construire une « maison de Yahvé » fastueuse. Le contraste entre, d'une part, ce faste et, d'autre part, le silence total de l'archéologie sur son règne sont quand même ahurissants.

 

TR. II est indéniable que l'archéologie a complètement remis en question les idées sur les « lumières » salomoniennes, et un empire qui se serait étendu sous son règne de l'Euphrate à l'Égypte. Nous savons aujourd'hui qu'il n'y a jamais eu d'« empire salomonien ». On sait aussi que le récit de la célèbre reine de Saba qui lui aurait rendu visite ne peut avoir été écrit qu'à partir du VIIe siècle, soit deux siècles après l'époque présumée de Salomon, puisque c'est seulement à cette époque qu'existaient des reines sabéennes. On projette donc de façon concentrée sur la figure de Salomon et sa splendeur nombre d'événements et d'époques qui ne le concernent pas.

 

Pour le dire d'un mot : l'archéologie, décisive ici, n'a guère trouvé d'éléments sur Saül, David ou Salomon à l'époque où ils sont présumés avoir régné, soit entre 1030 et 930 : rien, absolument rien.

 

II

Dieu du Coran


• 5 • Naissance d’Allah

Les divinités de La Mecque

JC. La Ka 'ba est élevée sur un petit terre-plein au centre du terrain où se trouve le puits. Elle masque la véritable fonctionnalité du lieu, celle de la préservation du point d'eau permanent situé à son orient. La Ka 'ba, c'est avant tout un mur dont deux des angles portent chacun une pierre sacrée, la Pierre Noire à l'angle est (celui du soleil levant), la Pierre de Bienfaisance à l'angle sud. On est donc incontestablement en présence d'un bétyle ou « demeure de dieu », une pierre sacralisée.

 

• 6 • Un dieu de l’alliance dans le Coran

Un dieu donateur

JC. Le malik divin du Coran ne désigne pas un roi, à la différence du melek biblique mais bien plutôt ce qu'on attend d'un chef de tribu avisé et efficace, capable de répondre à tous les aléas qui peuvent se présenter en permettant à son groupe de s'en tirer à son avantage, c'est-à-dire de survivre.

[...]

Lorsque l'islam deviendra concrètement une religion d'empire, cela posera de nombreuses difficultés d'interprétation du texte coranique. Car l'inscription du religieux dans le cadre d'une alliance restreinte n 'autorisait pratiquement pas de ralliement exogène. Il fallait en rester à l'échelle du modèle démographique tribal. II n'est pas inutile de rappeler que cette situation n'autorisait pas de conversion — ou plus exactement de ralliement — sans intégration tribale préalable, et que cela a perduré pendant un bon siècle, jusqu'à la fin de la période omeyyade, au milieu du VIIIe siècle.

 


• 7 • Milieu du Coran et influences bibliques

Les mots syriaques

JC. Mais aujourd’hui l’approche de ceux que j’appelle « externalistes » a souvent basculé dans une idéologie qui cherche à toute force à christianiser les origines de l'islam. Cette tendance de rupture avec le passé arabique revendiqué par la tradition musulmane, a commencé à s'affirmer au tournant des années 1970, où est remis en cause de manière radicale le constat reçu que les origines de l'islam et la rédaction du Coran remontent au VIIe siècle pour la reporter au-delà du siècle. Selon cette thèse, l'islam premier aurait donc eu peu de choses, sinon rien à voir avec l'Arabie occidentale et les villes de La Mecque et de Médine. Ses origines seraient à rechercher dans les courants judéo-chrétiens du Proche-Orient. Ce nouvel axe de recherche, qualifié de révisionniste, a été largement contesté pendant une trentaine d'années par les spécialistes de l'étude critique des textes de la tradition musulmane classique.

JLS. Si on considère la recherche actuelle, il y a donc eu un nouveau regain de ce type d'hypothèses ?

JC. Oui, depuis quelques années, la tendance que j 'appelle « externaliste » a trouvé une vigueur nouvelle dans un courant très idéologisé. 

[...]

Le monde musulman ne parvient à réagir qu’en brandissant sa vision traditionnelle d’un passé sacralisé.

 

 

 

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