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Le christianisme sans théisme

Christianity Minus Theism


 Sir Lloyd Geering

théologien néo-zélandais
membre du réseau Sea of Faith de Nouvelle Zélande
annobli par la reine Elizabeth II

                                                                                             traduction abrégée Gilles Castelnau

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articles sur le théisme


18 février 2023


Le christianisme est-il obligatoirement théiste ?

 

[...]
Les images mentales,
les conceptions et les doctrines théologiques sont des tentatives humaines d’exprimer des idées considérées comme importantes, mais elles n’y parviennent pas vraiment et ne devraient donc jamais être présentées comme des vérités absolues. La théologie est hautement symbolique. Elle est plus proche de la poésie que des descriptions objectives. Il y a de la bonne théologie et de la mauvaise de même qu’il y a de la bonne poésie et de la mauvaise. Et la théologie qui, à une certaine époque, peut être considéré comme bonne, peut paraître mauvaise plus tard.

[...]

Le théisme

 

Dans la théologie théiste, « Dieu » est un être personnel surnaturel qui a créé le monde et qui continue de veiller sur lui. établit des relations personnelles avec des humains qui sont faits à son image.

La pensée chrétienne affirme aujourd'hui généralement le théisme. Les chrétiens évangéliques l'utilisent comme l'un des tests essentiels d’une attitude orthodoxe en posant la question récurrente : « Croyez-vous en un Dieu personnel ? »

 

Dans le déisme, « Dieu » est le créateur de l’univers, mais il ne s’y engage en rien. Les théologiens en récusent absolument l’idée mais celle-ci demeure néanmoins largement présente dans les croyances populaires.

Dans le panthéisme. Dieu est identifié à tout ce qui existe.  Tout ce qui existe est considéré comme faisant partie d'un Être ultime, qui est tout.

Dans l’athéisme. Dieu est rejeté le plus souvent dans la mesure où il est identifié au théisme. Mais le concept  même de Dieu est souvent considéré comme sans signification.

 

Le Trinitarisme


La doctrine trinitaire n’est pas le théisme

Comme le disent les 39 Articles anglicans :

Art. 1 : « Il n'y a qu'un seul Dieu, vivant et vrai, éternel, sans corps, sans divisions ni passions ; d'une puissance, d'une sagesse et d'une bonté infinies ; le Créateur et le Conservateur de toutes les choses visibles et invisibles. »

C'est une définition incontestablement théiste, plus grecque que juive. Mais le texte continue :

« Et dans l'unité de cette Divinité, il y a trois personnes, d'une seule substance, puissance et éternité, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. »

On note le subtil passage de « Dieu » à « Divinité » qui permet le passage du théisme au trinitarisme.

La conception chrétienne de Dieu n’est donc pas la foi en un créateur divin, un point c’est tout (ce qui serait du théisme), mais l’idée que Père, Fils et Saint-Esprit sont une Divinité.

Ceux qui défendent un théisme strict sélectionnent inconsciemment le Père créateur qu’ils identifient à Dieu, ce qui est une hérésie qui a toujours été condamnée.

Mais la conception du Fils et du Saint-Esprit est aussi fondamentalement importante pour comprendre la Divinité.

Article 2 :

« Le Fils, qui est le Verbe du Père, est engendré de toute éternité du Père, le Dieu véritable et éternel. Il est d'une seule substance avec le Père, il a pris la nature de l'homme dans le sein de la bienheureuse Vierge, dont il est aussi de la substance. Ainsi deux natures entières et parfaites, la Divinité et l’Humanité, ont été réunies en une seule personne, qui ne sera jamais divisée, dont est né le seul Christ, vraiment Dieu et vraiment homme. Il a souffert, a été crucifié, est mort et a été enseveli pour réconcilier son Père avec nous, et pour être un sacrifice, non seulement pour le péché originel, mais aussi pour tous les péchés des hommes. »

Le théisme a été radicalement remis en question par la doctrine de l’Incarnation. La doctrine de la Sainte Trinité qui a conduit à celle de l’Incarnation n’est qu’une formule élaborée par les théologiens dans le but de sauvegarder certains éléments de la spiritualité chrétienne qui Semblaient au-delà de toute compréhension humaine.

Le christianisme avait hérité des juifs le rejet iconoclaste de l’idée selon laquelle les dieux seraient des êtres célestes. Le Dieu unique de la Bible hébraïque était uni au monde et à l'histoire humaine.

Les premiers chrétiens avaient reçu des apôtres le message de l’importance fondamentale de l’homme Jésus de Nazareth.

Ils ont connu une nouvelle vitalité dans la communauté de l’Église qu’ils ont appelée le Saint-Esprit.

La notion de Trinité maintenait l’unité de ces trois « personnes » mais il ne s’agissait plus désormais d’un pur théisme.

 

Lorsque la doctrine de la Trinité a finalement été adoptée par les conciles, elle ne l'a pas été à l'unanimité et l'unité n'a été réalisée qu'en excluant de l'Église ceux qui n'étaient pas d'accord. On ne sait d’ailleurs pas à quel point cette doctrine avait du sens pour les participants. Ce n’était pas son but premier. Son adoption était vraisemblablement avant tout destinée à créer un sentiment d‘unité entre les parties différentes et opposées entre elles de l’Empire.

Elle a effectivement fonctionné ainsi durant mille ans. Elle était devenue le grand mantra du christianisme qui était récité dans les credo et chanté dans les hymnes. J’en étais arrivé à l’apprécier aussi moi-même : un mantra n’a pas besoin d’être compris.

Mais les hommes aiment que ce qu’ils disent ait du sens et dès la Renaissance et surtout lors des Lumières, lorsque la liberté de pensée a été découverte, la doctrine de la Trinité a fait problème et le théisme est apparu ainsi que son contraire l’athéisme.

Ces remarques sur la Trinité visent à montrer que le théisme ne fait pas forcément partie du christianisme : alors que le théisme décrit une séparation radicale entre d’une part Dieu et d’autre part le monde et l’humanité, la doctrine chrétienne de la Trinité conçoit le Divin sous la forme d’une relation - Père, Fils et Saint-Esprit - qui unit Dieu et l’humanité.

 

Parlons maintenant du fait que le théisme ne fait pas forcément partie du christianisme en considérant le christianisme lui-même.

 


Qu'est-ce que le christianisme ?


• Le christianisme est-il réellement
« la foi qui a été transmise aux saints une fois pour toutes » ? (Jude 3)

Le christianisme est-il le système de croyances exprimées dans les credo et les confessions de foi de l’Église (y compris la doctrine de la Trinité) ?

• Le christianisme consiste-t-il à mener une vie sacramentelle soumise à l’autorité de la Mère Église ?

• Le christianisme consiste-t-il à vivre dans l’acceptation de Jésus-Christ comme Seigneur et Sauveur personnel ?

• Le christianisme consiste-t-il à admettre sans discussion d’anciennes Écritures comme l’ultime vérité ?

• Ou le christianisme consiste-t-il simplement à respecter un ensemble de valeurs morales ?

Telle ou telle de ces définitions a pu être utilisée dans certains groupes religieux à certaines époques mais il n’y a jamais eu de consensus unique et universel. La phrase de Jude citée ci-dessus :

« la foi qui a été transmise aux saints une fois pour toutes » semble bien présenter, en effet, un ensemble immuable et permanent de croyances mais cette idée a été contredite dans la suite de l’histoire de l’Église. Aucune pensée unique n’est aujourd’hui admise et certainement pas le théisme.

Le christianisme me semble bien plutôt ressembler à un grand courant de spiritualité traversant le temps. Comme une rivière, il se partage en plusieurs bras. Il reçoit parfois des affluents d’autres rivières. Dans son courant, il transporte avec lui des éléments provenant des rives qu’il a traversées. Il se vitrifie parfois en matériaux rigides, puis les abandonne et d’autres prennent leur place.
C’est ainsi que l’on a pu à l’occasion penser que le sacerdoce, le gouvernement épiscopal, les credo et la Bible elle-même représentaient l’essence même du courant chrétien, alors qu’ils ne sont que des éléments bien moins permanents que le courant lui-même.

 

 

Au cours des siècles, des gens ont tenté de réformer l'Église. Leurs détracteurs les ont prévenu qu'ils jetaient le bébé avec l'eau du bain. Mais ceci est une métaphore trompeuse car il n'y a pas de « bébé » : le christianisme n'a pas de contenu permanent et absolu. Il n'y a que l'eau du bain, il n’y a que le courant spirituel judéo-chrétien continu.

 

La doctrine de l’Incarnation

Elle s’est développée progressivement. On peut même en suivre le movement dans le Nouveau Testament lui-même :

• On a dit que Jésus était le Messie (le Christ) attendu par les juifs

• On a dit que Jésus était le Fils de Dieu (tous les rois d’Israël étaient Fils de Dieu)

• On a dit que Jésus était le Seigneur (ce qui était le titre de Dieu lui-même)

• On a dit que Jésus était le Sauveur (un jeu avec son nom. Jésus signifie sauveur)

• On a dit que Jésus était le seul Fils de Dieu

• On a dit que Jésus était la Parole (Logos) de Dieu

• On a dit que Jésus était Dieu créateur du monde

• On a dit que Jésus était l’incarnation de Dieu.

Ces titres n’étaient pas des révélations divines, elles s’élaboraient dans la pensée des chrétiens qui valorisaient Jésus de titres de plus en plus élevés. La doctrine de l’Incarnation a été, comme celle de la Trinité, une construction humaine.

En élevant Jésus au niveau divin, on a perdu de vue son humanité et celle-ci a été réduite par la doctrine de l’Incarnation à la brève période de sa vie terrestre. Jésus devenait le glorieux Fils de Dieu assis à la droite de Dieu le Père, son incarnation avait disparu, la Trinité était négligée et le théisme resurgissait. C’est   ainsi que le christianisme d’aujourd’hui oubli ses dogmes les plus centraux et se croit théiste :

• Les doctrines de la Trinité et de l’Incarnation n’ont pas été gravées dans le marbre et elles peuvent bien disparaître.

• Elles ne sont pas les seules doctrines que l’on peut élaborer à partir du fleuve spirituel provenant des origines chrétiennes.

• En nous tournant vers les traces de pas et les échos de la voix du Jésus historique, nous constatons bien qu’il était un homme de son temps.

 

Un christianisme sans théisme

 

L’idée de la gloire finale du Christ dans le ciel est une négation de la doctrine de son Incarnation dans la mesure où, adoré comme Dieu il perd son humanité.
Je propose maintenant d’essayer de conserver complètement l’idée d’Incarnation unissant Divinité et humanité et de ne pas la réserver uniquement à la personne de Jésus de Nazareth mais de l’étendre à l’incarnation de Dieu dans toute l’humanité.

C’est bien ce que dit le Nouveau Testament lorsque Paul présente Jésus comme le Nouvel Adam : « Comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ » (I Corinthiens 15.22)

Il dit bien que les chrétiens sont tous « en Christ » : « …les apôtres qui ont été en Christ avant moi » (I Corinthiens 16.7). Tous participent ainsi à l’Incarnation.

Le premier théologien qui a conduit cette doctrine jusqu’à sa conclusion logique est

Ludwig Feuerbach dans son livre « L’Essence du christianisme ». Il dit que l’interprétation symbolique de la venue de Jésus en tant qu’incarnation de Dieu conduit à considérer celle-ci comme un nouveau départ dans l’histoire : l’humanité doit désormais manifester elle-même les vertus de l’amour, de la justice et de la compassion qui étaient jusqu’alors l’attribut exclusif du Dieu d’amour.

Cette compréhension de la doctrine de l’Incarnation implique que le trône divin mythique du ciel est désormais vacant. Le Dieu que l’on disait assis sur ce trône est descendu dans le monde de l’humanité. Le ciel lui-même est vide. (Note de G.C. : L’Évangile de Luc dit bien que l’armée céleste en masse est descendue chanter dans le champ des berger). Le pape Jean-Paul II a déclaré en 1999 que le ciel n’était pas un lieu mais un état d’esprit.

Voici les implications des doctrines de la Trinité et de l’Incarnation comprises comme affirmant l’unité de l’humain et du divin :

• Nous devons apprendre à vivre sans les accessoires célestes divins hérités du passé.

• Nous devons être parfaits comme Dieu est parfait (Mat 5.48)

• Nous devons désormais jouer le rôle traditionnellement attribué à Dieu.

 

La formule de Chalcédoine

 

Les anciens théologiens ont voulu préserver la distinction entre le divin et l’humain. Ainsi, le concile de Chalcédoine, en 451, a déclaré :
« La nature divine et la nature humaine ne doivent pas être confondues.  La propriété de chaque nature doit être conservée. »

Les hommes ne peuvent donc pas dire : « Nous sommes divins ». Et pourtant nous avons le potentiel de déployer tous les attributs divins et de jouer le rôle divin. Mais nous le ferons en vivant une relation heureuse les uns aux autres et en développant une société humaine véritablement fraternelle.

Qu’est-ce qui a empêché la prise de conscience de la signification de cette doctrine ?

1 • La venue en gloire du Royaume de Dieu ne se produisant pas comme annoncé, les premiers chrétiens l’ont remplacé par un monde surnaturel, « l’autre monde ».

2 • L’élévation de Jésus sur un trône surnaturel dans les cieux a virtuellement pris la place de l’incarnation.

3 • Ce n'est que lorsque ce monde surnaturel imaginaire a commencé à perdre sa crédibilité dans le monde moderne, que la réflexion sur l'Incarnation a pu renaître.

4 • Réduire l'Incarnation à la seule personne de Jésus-Christ est ne pas comprendre sa signification. Curieusement, c’est un penseur juif moderne, Martin Buber, qui l’a compris le premier dans son important ouvrage « Je et Tu ». Il y reprend l'idée de Feuerbach selon laquelle le divin est une présence rencontrée dans une relation.

Feuerbach disait :

« Le secret de la Trinité réside dans la vie communautaire et sociale ; c'est de comprendre la nécessité pour un « je » de rencontrer quelqu’un à qui dire « tu ». C'est la vérité qu'aucun être - qu'il soit homme, Dieu, mental ou ego - ne peut avoir à lui seul une existence vraie, parfaite et absolue. »

Ceci a amené Buber à penser Dieu de manière relationnelle, à dire que lorsqu’il y a vraie communauté il y a divine présence.

Jésus disait bien : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. » (Mat 18.20)

C’est ainsi que les doctrines de la Trinité et de l'Incarnation trouvent une nouvelle signification dans le monde d’aujourd’hui qui est englobant, séculier et écologique. L’humanité, évidemment plus que les autres espèces vivantes, doit jouer le rôle de Dieu dans le développement de la vie sur la planète. Nous comprenons que nous sommes responsables de son avenir et que c’est en nous que se trouve la conscience du monde.

 

Le Père, le Fils et le Saint-Esprit étant « trois en un » à cause de l’Incarnation,  la Trinité nous apparaît de façon nouvelle et séculière dans l’unité de

• la créativité qui se trouve à l’intérieur même du cosmos

• l’humanité créée par la créativité cosmique

• la conscience collective et la sagesse qu’elle suscite en nous.

C’est en suscitant nous-mêmes une société globale aux relations harmonieuses et respectant la création que nous manifestons la réalité des doctrines de l'Incarnation et de la Sainte Trinité.

C’est du moins ma conviction personnelle que je n’impose évidemment à personne.

 

Le but de cet article était de montrer que le christianisme - que je comprends comme un vaste courant de spiritualité ) peut se propager sans s’enfoncer dans le théisme.

 

 

 

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