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Paumes interdits

Du silence à la violence de Dieu



Thomas Römer

 

 

Les Éditions du Cerf 

126 pages – 6 €


Recension : Gilles Castelnau

 

20 octobre 2022


Voir sur ce site :
Thomas Römer


Thomas Römer est professeur d’Ancien Testament à l’Université de Lausanne et occupe la chaire « Milieux bibliques » au Collège de France. A ses multiples publications de remarquable vulgarisation scientifique de la Bible, il vient d’ajouter ce petit livre consacré aux Psaumes de la Bible que nous trouvons problématiques. En effet les passages haineux et violents n’y manquent pas et nous semblent absolument discordants avec le message de paix et d’amour dont nous aimons nous nourrir dans la Bible.

Dans « les Psaumes de détresse », Thomas Römer commente « Des complaintes universelles », « Comment dire sa souffrance », « Les lamentations collectives », « Abandon et confiance », « Détresse et espérance ».

Dans « les Psaumes de vengeance » : « La violence, une part de la condition humaine », « Des appels à l’anéantissement des peuples », « Jusqu’à l’inacceptable », « Peut-on justifier des images si cruelles ? », « Essayer de comprendre les Psaumes dérangeants ».

En voici des passages :

 


 

Abandon et confiance (Psaume 22)

 

Le Psaume 22 et la Passion de Jésus

Ce n’est pas un hasard si le psalmiste se définit comme un pauvre. II s'agit là d'un terme technique utilisé dans les Psaumes pour désigner le vrai croyant, celui dont le dieu d'Israël est le seul recours. À l'époque perse, on voit ainsi apparaître comme une sorte de piété des pauvres de Yhwh, au point que l'éventualité d'un parti religieux portant ce nom n'est pas totalement à exclure. Dans le psaume 22, cette insistance sur les pauvres pourrait montrer le déplacement qui est en train de se produire dans l'espérance messianique : la figure du roi de la lignée de David prendrait alors les traits d'un fidèle dans l'épreuve et rejeté par ses pairs, à l'image du Serviteur souffrant (Es 53).

Est-ce alors ce rapprochement entre David (22,1) et le pauvre (22,25) qui a favorisé l'usage que les premiers chrétiens ont fait de ce psaume ? II est tout à fait possible que ce psaume ait servi de canevas au récit de la Passion de Jésus ; on ne peut nier que les allusions évidentes y sont nombreuses — bien que des emprunts à d'autres psaumes s'y retrouvent également (cf. PS 69,22, cité par Mc 15,36 et parallèles).

D'ailleurs les liens entre le psaume 22 et le récit de la Passion sont plus clairs dans la version grecque que dans la version « massorétique », la version qui se trouve dans des Bibles juives. II est possible que le Massorètes (les « gardiens ») qui ont vocalisé les textes bibliques et leur ont donné leur forme définitive aient été gênés par l'utilisation du Psaume 22 dans le christianisme naissant et aient altéré quelque peu ce texte en le rendant, en certains endroits, quasiment incompréhensible.

[…]

Même si le psaume 22 passe de la souffrance à l'exaucement, les évangiles ont sans doute pris très au sérieux son début tragique. L'abandon est bien réel, lors même que celui qui prie ne cesse de dire : mon Dieu. Jésus meurt sur la croix comme le pauvre qui souffre le pire tout en continuant à attendre le secours divin. Luc renoncera à citer ce cri du psaume 22 car, pour lui, la confiance avait surmonté l'horreur : Père, entre tes mains je remets mon esprit (LC 23,46 = PS 31,6).

On le voit, cet usage des psaumes bibliques était tout naturel non seulement pour les juifs, mais aussi pour les premiers chrétiens. Individuelles ou collectives, complainte ou louange, ces prières, même les plus sombres, ont toujours été destinées à permettre à des générations successives de dire leurs souffrances et leur espérance.

 

 

 

Détresse et espérance

 

Complainte et espoir

Or, les psaumes de détresse traduisent un cheminement dont les issues ne sont pas toutes semblables. Les psalmistes opposent en effet souvent deux expériences de Dieu : un Dieu qui, dans le passé, a donné mille fois des preuves de sa puissance de salut, et un Dieu qui semble s'être éloigné en devenant totalement incompréhensible.


Des dénouements incertains

Cette contradiction mène à des attitudes très différentes. Le psalmiste peut affirmer que Dieu l'a exaucé (cf. Ps 6,9-10 ; 22,22), ou bien sa prière peut déboucher sur un appel pressant pour qu'il intervienne (cf. Ps 25,20-22 ; 60,13 ; 74,22). Dans des cas extrêmes, aucune issue n'est à espérer. Ainsi le psaume 88 se termine par : Tu as éloigné de moi compagnons et amis ; pour intimes, j'ai les ténèbres (v. 19). Il n'y a donc jamais de dénouement immédiat ni assuré. Comme le fait également le livre de Job, les Psaumes n'occultent jamais la douloureuse expérience de la nuit la plus noire.

Pourtant, l'espérance n'est jamais totalement absente. C'est notamment le cas si l'on prend au sérieux le fait que les Psaumes forment un ensemble, et qu'aucun d'entre eux ne devrait être lu isolément.

Par exemple, le constat amer du psaume 88 (v. 19) est aussitôt relayé par l'affirmation du suivant que la vie peut malgré tout être la plus forte : Je chanterai toujours les bontés du Seigneur... Quand les vagues de la mer se soulèvent, c'est toi, Dieu des puissances, qui les apaises (Ps 89, 2 et 10).

 

La force des psaumes de complainte, c'est qu'ils permettent de maintenir une relation avec un dieu qui semble souvent lointain, voire incompréhensible. Le « je » qui parle dans les Psaumes prend la liberté de lui exposer ses souffrances et ses attentes. Sa prière dans la détresse peut même se faire combat pour renouer le lien avec son Dieu. Aussi longtemps qu'il supplie, c'est qu'il n'est pas perdu. La complainte est ainsi capable de s'opposer à la mort.

 



 

Des appels à l’anéantissement des peuples

 

Un Dieu guerrier

La seconde partie du psaume 83 appelle bel et bien à une intervention guerrière.

[...]

L’appel à une intervention divine décisive rebondit cette fois non pas à travers le souvenir de l'histoire, mais par des images empruntées aux religions du Levant et de la Mésopotamie, voire à la description de l'intervention d'un dieu de l'orage (Ps 83,14-16) qui était également une fonction du dieu Yhwh. Dans ce psaume, il est demandé à Yhwh de se manifester comme le faisaient les dieux assyriens et d'autres qui combattaient avec les armes de l'ouragan, de l'éclair et de la foudre.

 

 De la violence à la conversion

La finale est assez curieuse (PS 83,17-19). D'une part, elle en appelle à l'anéantissement total des ennemis, comme s'il fallait rendre aux autres ce que ceux-ci comptaient faire à Israël : Couvre de confusion leur visage... Frappés pour toujours d'épouvante et de honte, qu'ils périssent, déshonorés. Mais d'autre part, elle demande en même temps presque le contraire : Qu'ils cherchent ton nom, Seigneur... qu'ils sachent que tu portes le nom de Seigneur, toi seul, le Très-Haut sur toute la terre.

 

Faut-il voir dans ces lignes un ajout ultérieur destiné à recadrer la cruauté exprimée ? Ce n'est pas impossible. Le rédacteur qui a ajouté ces versets ne voulait pas laisser la violence déferler sans mesure.

 

Le désir primitif de voir disparaître les ennemis est ainsi modifié : on exprime plutôt le souhait que les ennemis se mettent à croire au Dieu d'Israël. Dans ce travail de relecture constante de la Bible, les différents auteurs ont eu besoin de canaliser et d'interpréter la violence. On relèvera qu'ils n'ont pas effacé les propos les plus virulents, mais qu'ils ont pris soin de proposer aussi d'autres attitudes. La vengeance a pu faire place à la reconnaissance du Dieu d'Israël.

 

 

 


 

Essayer de comprendre les Psaumes dérangeants 

 


Une résistance contre les agresseurs 

Premièrement, il est bien vrai que nous aimerions tous exclure la violence de notre vie. Mais la Bible nous rappelle qu'elle fait partie de notre nature humaine. Dès lors, il convient d'apprendre à la canaliser.

 

De plus, toute violence est-elle vraiment à rejeter ?  Souvenons-nous du psaume 136 :

 

Célébrez le Seigneur, car il est bon,
oui, sa fidélité est pour toujours...
1011 a frappé l'Égypte dans ses aînés,
oui, sa fidélité est pour toujours.
1711 a frappé de grands rois,
oui, sa fidélité est pour toujours,
1811 a massacré des rois puissants.
oui, sa fidélité est pour toujours.


Et si quelqu'un, en France ou ailleurs, avait chanté après l'effondrement du Ille Reich en 1945 : « Célébrez le Seigneur, car il est bon - oui, sa fidélité est pour toujours. Il a stoppé définitivement les chars d'Hitler, il a voué l'Allemagne nazie à la destruction - oui, sa fidélité est pour toujours », une telle actualisation aurait-elle été forcément condamnable ?

Dans la guerre actuelle que le président russe a décidé de mener contre l'Ukraine et les valeurs démocratiques de l'Ouest, peut-on vraiment se contenter d'appeler à la non-violence, ou ne faut-il pas soutenir un pays qu'un agresseur veut soumettre ?

 

On peut aussi penser, dans un autre registre, aux Psaumes politiques écrits par le prêtre argentin Ernesto Cardenal, qui appellent Dieu à libérer de leurs despotes les peuples d'Amérique latine.

 

 


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