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American Picnic de Juliette Roche, 1918

 L'American Picnic de Juliette Roche représente des gens qui dansent dans la joie qui est peut-être la joie de Dieu. On ne voit pas si ce sont des hommes ou des femmes, des noirs ou des blancs, des gens riches ou des gens pauvres, des gens bons ou des gens mauvais : ce sont des humains qui dansent dans la joie de Dieu, libérés, créateurs et fraternels les uns avec les autres.

Jésus, l'homme du désert

 Gilles Castelnau



Vidéo  (20 mars)

 

 

24 mars 2022


 

Marc 1.4-13     

Jean parut, baptisant dans le désert, et prêchant le baptême de repentance, pour la rémission des péchés. Tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui et, confessant leurs péchés, ils se faisaient baptiser par lui dans la rivière du Jourdain.

Jean avait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.

En ce temps-là, Jésus vint de Nazareth en Galilée, et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain.

Au moment où il sortait de l'eau, il vit les cieux s'ouvrir, et l'Esprit descendre sur lui comme une colombe. Et une voix fit entendre des cieux ces paroles : « Tu es mon Fils bien-aimé, en toi j'ai mis toute mon affection. » Aussitôt, l'Esprit poussa Jésus dans le désert, où il passa quarante jours, tenté par Satan.
Il était avec les bêtes sauvages, et les anges le servaient.





Jésus l’homme du désert


Il était avec les bêtes sauvages, et les anges le servaient




Lorsque l’Évangile de Marc est écrit, les biblistes nous disent que nous sommes vraisemblablement aux environs de l’année 70 à Rome. Dans la grande ville de Rome. Le professeur Vouga vient d’écrire un livre qui se nomme « l’Évangile d’une femme » ; Il dit que ce n’est pas à Rome mais dans la Syracuse de Sicile. Mais restons-en à ce qui se dit traditionnellement : les environs de l’année 70 à Rome.

Rome, un million d’habitants. Une animation extraordinaire dans les petites rues : les commerçants vendant de tout sur les trottoirs, les esclaves qui se bousculent, les étrangers, les fonctionnaires… Les temples : beaucoup de temples. Les Romains n’étaient pas très religieux mais ils avaient des temples. Marc (On ne sait pas très bien qui était ce pasteur de Rome qui a écrit cet évangile. Appelons-le Marc, selon la tradition). Il avait sans doute remarqué qu’on n’avait jamais vu un Dieu sortir de son temple pour venir se promener dans la ville. Il écrit que Jésus ne sortait pas d’un temple mais qu’il sortait du désert. Jean-Baptiste était aussi au désert : il mangeait des sauterelles et était vêtu de poil de chameau. Jésus y était, avec les bêtes sauvages et les anges. Des bêtes sauvages, on en avait vu à Rome, dans les jeux des cirques : des lions, des éléphants. Peut-on être avec les bêtes sauvages ? Il avait quitté le désert, dit Marc et était venu dans la ville. Voilà comment le pasteur de Rome choisit de commencer son évangile.

Jusque-là, dans l’église de Rome comme ailleurs, on n’avait pas d’évangile. On avait les épitres de Paul. Peut-être la Première épitre de Pierre. Les épitres de Paul sont bien. Elles sont dynamiques, créatrices. Elles sont enthousiasmantes. Mais elles sont évidemment très abstraites. Quand l’épitre aux Éphésiens dit : « par la puissance qui agit en nous, Dieu peut faire infiniment au-delà de ce que nous demandons ou pensons », c’est une parole puissante mais très abstraite. Le pasteur de Rome a pensé, selon la coutume juive, mais les païens le faisaient aussi, concrétiser ce message en récits.

Les autres évangélistes l’on aussi fait. Ils se sont aussi demandés comment commencer, quelle ambiance créer au début de leur évangile.

Marc avait donc choisi la venue de Jésus du désert.

Matthieu qui connaissait Marc, a fait néanmoins les choses autrement. Il commence avec une grande généalogie de Jésus depuis David, Abraham et tous les rois, en une sorte de légitimité, d’autorité. Jésus y est présenté dès le début comme un roi qui terminera en disant : « enseignez tout ce que je vous ai prescrit ».

Luc était un peu mystique. Il introduit au début l’ange Gabriel qui annonce à Zacharie la naissance de Jean-Baptiste et à Marie celle de Jésus. Luc nous met ainsi dès le début dans une ambance religieuse où le ciel touche à la terre.

Jean, plus tard commencera en disant : « au commencement était la Parole, tout a été fait par elle, rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle. Et elle s’est incarnée en Jésus. » et c’est toute la dynamique de la vie du cosmos qui s’incarne en Jésus.

En remarquant la liberté dont font preuve les évangélistes dans la rédaction de leur récit, je suis frappé du choix opéré par Marc. Imaginez un homme qui arrive du désert où il était avec les bêtes sauvages et les anges et qui vient parler et agir dans la ville de Capernaüm. Les Romains ont tout de suite pensé : il vient à Rome aussi, dans notre bousculade, avec tout ce qui se passe, tout ce qui se dit, tout ce qui se vit, tous les problèmes que l’on a dans nos vies. Les vieilles dames avec leurs rhumatismes, les adolescents avec leurs chagrins, les agriculteurs avec le climat qui n’est jamais favorable, les esclaves avec leur situation souvent cruelle.

Et puis il y avait la guerre. A Jérusalem, les zélotes s’étaient révoltés deux ans auparavant contre la domination romaine et l’armée romaine était intervenue avec toute sa puissance. La ville de Jérusalem été entièrement bombardée et détruite et le Temple lui-même a été rasé et n’a d’ailleurs jamais été reconstruit. Il y a eu le dernier massacre à Massada où les derniers combattants juifs étaient réfugiés. Les légions romaines ont donné l’assaut. Quand ils sont arrivés dans Massada, tous les défenseurs et leurs familles s’étaient suicidés. Il y avait 900 cadavres d’hommes, de femmes et d’enfants qui s’étaient suicidés pour ne pas tomber aux mains de l’armée romaine.

On savait tout cela à Rome. Dans l’Église il y avait des paroissiens d’origine juive qui avaient leur famille là-bas. Peut-être à Massada. Il y avait des soldats en permission, qui avaient peut-être dû participer à l’attaque de Massada. Cette angoisse de la guerre était pesante, si loin mais horrible et dramatique.

Mais enfin ils entendaient le Christ vivre ce drame parmi eux. Marc montre que c’est dans cette ambiance-là que Jésus vient à Capernaüm – et naturellement les auditeurs de Marc comprennent : à Rome ! - faire entendre la parole de Bonne Nouvelle. Jésus, l’esprit plein du silence, du surnaturel, de l’étrangeté du désert vient parler et agir.

Nous, à Paris, avons aussi une idée du désert. Nous nous souvenons de Théodore Monod, l’« homme du désert » qui en évoquait le silence brûlant et glacé la nuit, le grand vide des sables où l’on a l’impression d’être en relation directe avec l’ensemble du cosmos (dont on trouve d’ailleurs sur le sol des fragments d’aérolithes).  Mais pour nous, c’est plutôt les pentes de neige où l’on va skier ou les plages sous les cocotiers où on va passer quelques jours de vacances au soleil. Certains aussi fuient la ville et ses angoisses, ses menaces, ses drames. Le Père de Foucauld est allé vivre au Sahara, le peintre Paul Gauguin est parti vivre à Tahiti. D’autre vont dans le silence des monastères ou de la nature. Il n’y a pas si longtemps, les hippies partaient à Katmandou y chercher une libération de tous les problèmes.

Mais Jésus, lui, était au désert avec les bêtes sauvages et les anges et il vient à Capernaüm, à Rome aussi, sans doute. Et avec son Esprit d’homme du désert, il parle et agit et les gens sont saisis de ce nouveau regard qu’il révèle, de cette Bonne Nouvelle qu’il apporte ainsi. On y saisit la transcendance de l’humanité qu’il discerne en chacun. Car au désert, lorsqu’on rencontre quelqu’un, la première question n’est pas de s’interroger sur sa profession, sa réussite personelle, son fameux « niveau de vie ». C’est « est-ce qu’il a de l’eau dans sa gourde ? Est-ce qu’il a une couverture pour la nuit glacée ? Est-ce que cet homme, cette femme peut vivre ? Lorsque Jésus est arrivé à Capernaüm, à Rome, à ces citadins dont je viens de dire ce qu’ils vivaient et que nous aussi nous vivons dans toutes nos villes, ce qu’il disait et faisait était saisissant. Marc, dans son récit, concrétise ce que Paul avcait écrit ans ses épitres : « Par la puissance qui agit en nous, il peut faire infiniment au-delà de ce que nous demandons ou pensons » (Ephésiens 3.20). C’est comme un paralysé, écrit Marc, que Jésus pardonnait et faisait marcher. Lui dire : « le poids de ta culpabilité ne pèse plus sur toit ; tu es pardonné ! Les pharisiens répliquaient : mais ce n’est pas le Yom Kippour et il ne s’est pas repenti ! Tu n’es pas dans la coutume et le rite traditionnels. En effet : c’était l’esprit du désert qui animait Jésus : quand on voit quelqu’un on ne se demande pas si la culpabilité pèse ou ne pèse pas sur lui, on se demande s’il a de l’eau dans sa gourde, s’il peut vivre, s’il peut marcher. Un paralysé, d’ailleurs, ne peut pas marcher. Mais « par la puissance qui agit en nous, Jésus fait infiniment au-delà de ce que nous demandons ou pensons. » Nous pouvons être, nous aussi, des gens qui se sentent pardonnés, débarrassés, dépréoccupés de leur culpabilité, qui se lèvent et marchent.

Et que l’on soit esclave, commerçant, soldat, cousin d’un juif révolté de Jérusalem, cela nous permet à nous aussi de nous sentir renouvelés et de sentir en nous ce dynamisme créateur qui permet de sourire comme des gens qui ont véritablement de l’eau dans leur gourde et une couverture pour la nuit.

Lorsque Marc nous raconte que Jésus a déjeuné avec Lévy, ce collecteur d’impôts voleur comme l’étaient les collecteurs d’impôts, collaborateur des Romains. Et les pharisiens sont choqués : comment mange-t-on avec un homme impur, inacceptable ? C’est possible quand on a le regard du désert ! On partage alors le repas de celui qui veut tout simplement vivre.

Marc écrit encore qu’un jour les disciples de Jésus froissaient dans leurs mains des épis de blé pour les manger. (C’est une image un peu bizarre que Marc a trouvée). Et les pharisiens qui étaient là dans les champs (attitude également un peu bizarre), disaient qu’il s’agissait d’une sorte de moisson interdite le jour du chabbat. Et Jésus répliquait de ne pas considérer si les règles de pureté sont respectées ou non mais de laisser manger les hommes qui ont faim.

Les problèmes de la ville qui nous inquiètent, qui nous menacent, qui nous angoissent disparaissent lorsqu’on les regarde avec le regard humain du désert. Bonne nouvelle que Jésus révèle et qu nous libère de nos certitudes, de nos idées reçues ou de nos idéaux. Un esprit qui nous permet de comprendre que nous sommes des fils de Dieu, titre que Marc donne à Jésus dès la première ligne de son évangile.

Le regard que Jésus nous apprend à jeter sur notre prochain, même si on le désapprouve, même si ses actes sont vraiment ce que nous réprouvons, même si son idéologie est aux antipodes de ce qu’elle devrait être, est de dire : avant tout je prends conscience que cet homme-là est un enfant de Dieu qui veut vivre, qui recherche sa vie à sa manière. Et je suis là pour l’aimer, l’aider, le réorienter si c’est possible, malgré tout.

Ce n’est pas seulement le prochain. Quand on pense à soi, et que l’on n’est pas ce que l’on devrait être, que l’on n’a pas réussi ce que l’on aurait dû, qu’on n’a pas su, qu’on n’a pas pu, Quand nous nous regardons nous-même avec le regard du désert, nous comprenons que nous sommes tout simplement quelqu’un qui veut vivre, qui besoin d’eau dans sa gourde et d’une couverture pour la nuit, quelqu’un en qui Dieu met sa joie.

Paul disait aussi : « n’étouffez pas l’esprit ». (I Thessaloniciens 5.19). Le mal, le péché n’est pas avant tout de négliger les règles et les devoirs. C’est avant tout d’étouffer l’esprit et sa créativité de renouvellement que Dieu entend faire agir en nous.

Le Christ du désert nous libère, nous dépréoccupe, nous dynamise pour une attitude positive à l’égard de tout le monde, de l’humanité. Pour faire de nous des hommes véritablement enfants de Dieu. Nous ne nous laisserons pas obséder, enchaîner, museler par les forces mauvaises destructrices d’humanité, que nous continuons pourtant toujours à faire renaitre.

Je voudrais finir avec une citation d’un maitre japonais que j’ai trouvée saisissantre. Eido Tai Shimano écrit :

« L'autre jour, je marchais le long du fleuve. [...] J'ai soudain pris conscience du soleil qui brillait à travers les arbres, de sa chaleur, de sa lumière et du caractère entièrement libre et complètement gratuit de tout cela. J'ai réalisé que tout ce qui comptait : m'incliner, m'incliner profondément. »


 


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