Un petit catéchisme
Gilles
Castelnau
Le Dieu qui rend
humain
3e
partie
.
Le
Saint-Esprit
28 juin 2002
Ce terme de
« Saint-Esprit » traduit très mal l'original hébreu ou
grec de la Bible. Le mot « esprit »
évoque, en français, un être immatériel,
fantôme ou revenant, alors que le mot biblique désigne
de façon très concrète le souffle de Dieu qui
peut gonfler notre poitrine, renouveler notre vie, notre élan,
nous épanouir dans une ambiance de fraternité et
d'amour, se transformer en notre bouche en paroles qui seraient
celles mêmes que Dieu prononce.
Quand le souffle de Dieu nous est communiqué, on ne peut
être dégonflé comme une baudruche
flasque !
On ne peut pourtant pas le ressentir
physiquement ou moralement :
car de même qu'on ne peut voir Dieu de nos yeux, on ne peut le
sentir avec nos sens. Il n'est pas non plus une sorte d'enthousiasme
passager.
On reconnaît l'action du Saint-Esprit quand les récits
bibliques prennent vie et entrent en résonance avec
nous ; quand nous avons envie d'entrer dans le récit ou
que les personnages bibliques deviennent nos contemporains :
c'est alors que l'Esprit de Dieu agit en nos coeurs et crée en
nous l'Etre nouveau. C'est la présence divine qui nous rend
plus humains.
L'Ancien Testament attribue aux rois
d'Israël le rôle de
maintenir autant que possible le Règne de Dieu dans ce coin
privilégié du monde en étant spécialement
investis de la sagesse et de la justice que donne l'Esprit divin.
C'est ce que désigne leur titre d'« oint »
de l'huile sacrée, qui se dit « Messie »
en hébreu et « Christ » dans la version
grecque de l'Ancien Testament, titre que le Nouveau Testament a
repris pleinement pour rendre compte du ministère de
Jésus-« Christ »
Voici une prière prononcée
lors du couronnement des rois d'Israël
O Dieu, donne tes jugements au
roi
ta justice à ce fils du roi !
Il jugera ton peuple avec justice
tes malheureux avec équité.
Les montagnes porteront la paix au le peuple
les collines aussi, par l'effet de ta justice.
Il fera droit aux malheureux du peuple
il sauvera les enfants du pauvre
il écrasera les oppresseurs...
Il sera comme une pluie bienfaisante sur un terrain fauché
comme des ondées qui arrosent la campagne...
Car il délivrera le pauvre qui crie
le malheureux qui n'a point d'aide.
Il aura pitié du misérable et de l'indigent
il sauvera la vie des pauvres
Il les affranchira de l'oppression et de la violence
leur sang aura du prix à ses yeux.
Psaume 72
Prière de Salomon
L'Éternel apparut en
songe à Salomon pendant la nuit, et lui dit :
« Demande ce que tu veux ».
Salomon répondit : Tu as traité avec une grande
bienveillance mon père, David, ton serviteur, parce qu'il
marchait en ta présence dans la fidélité, dans
la justice, et dans la droiture de coeur envers toi.
Tu lui as conservé une grande bienveillance, et tu lui as
donné un fils qui est assis sur son trône, comme on le
voit aujourd'hui.
Maintenant, Éternel mon Dieu, tu as fait régner ton
serviteur à la place de mon père David et je ne suis
qu'un jeune homme sans expérience.
Ton serviteur est au milieu du peuple que tu as choisi, peuple
immense, qui ne peut être ni compté ni nombré,
à cause de sa multitude.
Accorde moi donc un coeur attentif pour faire droit à ton
peuple, pour discerner le bien du mal ! 1 Rois 3. 5-9
Jésus devient pour nous le
Christ, le « Fils de
Dieu », le révélateur de la présence
de l'Esprit de Dieu.
Alors, parmi toutes nos préoccupations quotidiennes, cet
Être Nouveau qui grandit en nous, ce renouveau dont nous
sentons bien qu'il répond à notre humanité la
plus authentique devient pour nous aussi préoccupation
fondamentale, à laquelle toutes les autres deviennent
subordonnées.
Alors nous nous rendons compte que Dieu est notre plus proche ami,
notre créateur ; son Souffle tend à devenir notre
souffle, ses Paroles les nôtres : nous sommes
détournés de notre pente naturelle, de tous les mauvais
esprits qui nous entraînent si naturellement ; nous nous
laissons, au contraire, entraîner dans le grand mouvement
créateur de Dieu, nous sommes un peu citoyens du Royaume de
Dieu.
C'est cela l'action du Saint-Esprit en nous.
Tout le monde respire et vit de l'Esprit
de Dieu. Mais de même que le
soleil brille pour tout le monde et que pourtant sur les places
certains s'offrent davantage à ses rayons, de même Dieu
rayonne sur tous les hommes du monde, mais certains s'ouvrent
davantage à lui.
La Trinité
Il ne faut pas dissocier le Saint-Esprit
de Dieu et de Jésus, car on
risquerait de le considérer comme une force autonome
intervenant dans la vie d'une personne ou d'un groupe,
indépendamment du ministère de Jésus et du
fondement que représente Dieu.
Le Saint-Esprit agit dans les hommes depuis Pentecôte comme il
agit en Jésus depuis Noël pour fait grandir en nous
l'Être Nouveau dont le Père est le fondement.
Jésus était tellement imprégné du
Saint-Esprit, de cette royauté divine, que sous ses mains les
fleurs jaillissaient, la nouvelle création était
là, de telle sorte qu'en le voyant, c'est Dieu lui-même
que l'on voit agir.
Le rôle de Dieu est d'être le Fondement du cosmos entier,
symbolisé par le ciel qui entoure la terre ; c'est
pourquoi on dit « notre
Père qui es aux cieux ». C'est lui qui donne sa dimension infinie à
cette espérance du Royaume que Jésus introduisait en
Galilée.
On peut aussi dire : c'est le Père qui est « au
ciel », c'est le Fils qui se révèle sur les
chemins de Galilée, c'est le Saint-Esprit qui renouvelle les
coeurs. Un Dieu unique qui se fait connaître de trois
manières distinctes.
Si l'on confesse que Jésus est le
Christ, le Fils unique de Dieu,
c'est parce qu'il a laissé agir en lui l'Esprit divin si
parfaitement qu'il a renoncé à tout ce qui en lui
n'était que Jésus, ses idées personnelles, ses
amours et ses haines, ses ambitions et ses craintes ; il a si
bien répondu non aux tentations habituelles de hommes, qu'il
est pour nous non pas un homme de plus à côté de
tous les autres, mais le représentant de la présence de
Dieu, le « Christ de Dieu ».
Nous pouvons être, nous aussi, de petits christs. Et nous le
sommes en réalité, lorsque nous laissons le Souffle de
Dieu nous envahir.
Nos yeux s'ouvrent davantage, comme ceux
de Jésus, aux forces de
destruction, de désunion, d'égocentrisme, contre
lesquelles Dieu lutte et contre lesquelles le Christ s'élevait
toujours.
Nos diverses préoccupations se subordonnent à la grande
préoccupation centrale qui se renforce en nous de
réussir notre vie de la manière dont
Jésus-Christ nous l'a montré. Nous sentons bien que
c'est là que se trouve notre véritable vocation
d'hommes, notre épanouissement le plus profond, la
réponse à nos besoins les plus fondamentaux.
Nous progressons dans cette voie car il y a toujours des
progrès à faire en vie chrétienne.
L'apôtre Paul chante le
célèbre hymne à l'amour :
Je pourrais être capable
de parler les langues des hommes et celle des anges, mais si je n'ai
pas l'amour, ma parole n'est rien de plus qu'un tambour bruyant ou
une cloche qui résonne.
Je pourrais avoir le don de transmettre des messages reçus de
Dieu, je pourrais posséder toute la connaissance, et
comprendre tous les secrets, je pourrais avoir toute la foi
jusqu'à déplacer les montagnes, mais si je n'ai pas
l'amour, je ne suis rien.
Je pourrais distribuer tous mes biens pour la nourriture des pauvres,
et même livrer mon corps pour être brûlé,
mais si je n'ai pas l'amour, cela ne me sert de rien...
Ces trois choses demeurent : la foi, l'espérance et
l'amour ; mais la plus grande des trois, c'est l'amour.
1 Corinthiens 13
La question importante n'est pas celle de
l'existence de Dieu, mais de savoir
si nous laissons la puissance créatrice de Dieu
réorienter et dynamiser notre vie pour que nous participions,
comme cela a été le cas de Jésus-Christ,
à la création du Monde Nouveau.
Nous ne faisons que fuir cette question fondamentale si nous nous
centrons sur la question de l'existence de Dieu et du
développement de notre piété personnelle.
Les évangiles ne nous montrent pas Jésus cherchant
à développer le sentiment religieux de son entourage
mais à le mobiliser dans l'Esprit d'amour de Dieu.
L'esprit magique. C'est celui qui
cherche à s'assujettir la force surnaturelle à son seul
profit. Le Saint-Esprit venant en nous demeure notre seigneur, comme
Dieu et comme le Christ. L'élève chrétien peine
autant que l'incroyant sur son problème de
mathématiques ; la souffrance du deuil est aussi vive
pour le croyant que pour l'incroyant.
Le Saint-Esprit ne nous élève pas au-dessus de notre
humanité ! Le Christ nous y accompagne, le Père
lui donne sa transcendance, le Saint-Esprit nous renouvelle le
courage d'affronter cette existence et lui donne sa dimension
d'amour. Mais les difficultés ne disparaissent pas pour
autant. Rappelons-nous la crucifixion de Jésus...
La guérilla
quotidienne. Nous la menons contre
les forces du mal que nous avons appris à reconnaître,
en suivant le ministère de Jésus dans les
évangiles, en participant à son combat, à sa
croix, à sa victoire.
Les forces obscures vaincues par le Christ dans la lumière de
Pâques nous assaillent encore et toujours. Il nous faut mener
contre elles une guérilla quotidienne : la
détresse de ce monde nous englobe et l'angoisse de la
défaite, mais non le désespoir : le Saint-Esprit
maintient vivante en nous la petite flamme obstinée de
l'espérance. Ce n'est pas le succès ou l'échec
qui motive notre attitude, c'est la boussole intérieure que
nous avons choisie.
Citons la devise si juste du protestant qu'était Guillaume
d'Orange, le grand libérateur des Pays-Bas :
Il n'est pas nécessaire
d'espérer pour entreprendre
ni de réussir pour persévérer
Ouverture au
Saint-Esprit. Le Saint-Esprit
demeure en chaque homme de ce monde, quelles que soient sa religion,
ses options personnelles, son style de vie, car Dieu est le
créateur de tout ce qui vit et respire et il n'a pas
d'ennemis
Il renouvelle en chacun élan vital, paix et amour ; mais
son action créatrice est facilement étouffée au
fond de nos coeurs. Cette foi est étrangères à
notre nature humaine, aux couloirs de nos bureaux de nos ateliers,
aux cours d'écoles et il faut beaucoup lire la Bible et
accepter d'entrer dans le Grand Jeu de Dieu pour
bénéficier pleinement de sa présence divine,
apaisante et tonique.
Lorsqu'enfin, séduit et apprivoisé, on se tourne vers
lui, seul véritable fondement de notre vie, pour lui
dire :
- « J'ai soif de ta
présence », « mon Dieu, plus près
de toi », il
répond :
- « Avant que tu m'aies
appelé, j'étais déjà là !
dès le sein de ta mère, je te
connaissais » Jérémie 1.5.
La présence de
Dieu, pour sortir de son incognito,
exige cette ouverture du coeur, ce changement de mentalité
dont l'évangéliste Luc disait : « Écouter la Parole avec un coeur
ouvert et bon » Luc 8.15.
On se tromperait en s'imaginant
que cette rencontre de Dieu serait
transmise tout naturellement, automatiquement, dans des rites, des
sacrements qui seraient efficaces par eux-mêmes. Ceux-ci ne
font que nous redire toujours : Dieu est celui qui vient encore
et à nouveau vers nous ; mais la clé de sa venue
se trouve en nos mains et c'est bien à nous
d'ouvrir !
L'Esprit créateur. Le prophète Ezéchiel parle du
Saint-Esprit créateur au VIe siècle
avant Jésus-Christ, lorsqu'il voulait ranimer
l'espérance fléchissante de ses contemporains
déportés par l'ennemi babylonien. Il évoque
(Ezéchiel
37) une vallée pleine d'ossements
desséchés qui reprennent vie lorsque l'Esprit de Dieu
souffle sur eux. L'Esprit de Dieu est, en effet, essentiellement
créateur ; on se trompe lorsqu'on l'imagine cause
d'interdictions systématiques et frustrantes.
De même que les ossements de la vision d'Ezéchiel
reprennent vie lorsqu'ils sont réanimés par le souffle
de Dieu, de même de multiples moments de renouveau, mille
mini-résurrections nous rendront quotidiennement un peu
semblables à la grande Résurrection dont le Christ fut
le modèle le matin de Pâques.
On rencontre des malades qui, redécouvrant la Bible sur leur lit
d'hôpital et réapprenant à se tourner vers Dieu
comme vers la Source de leur vie, acquièrent malgré
leur maladie, à travers leur maladie même, le courage
d'affronter leur existence souffrante. Ils rencontrent la mort
elle-même, non comme le spectre effrayant qu'elle est si
souvent, mais comme l'amie qui passe dans la communion avec le Christ
mort et ressuscité...
L'Esprit de Dieu se reconnaît dans le regard de ces vieillards
que leurs rhumatismes ne rendent pas amers, ni leur grand âge
sentencieux, mais qui savent trouver le chemin du coeur des
jeunes.
Il se voit aussi dans la réflexion éthique de nos
contemporains qui recherchent l'épanouissement de chaque
créature humaine en ce monde de façon optimiste,
fraternelle et souple, conservant le respect le plus scrupuleux de la
personne concernée et découvrant dans chaque cas, avec
recueillement la conduite que Dieu suggère : contrôle
des naissances, interruption volontaire de grossesse, refus
d'acharnement thérapeutique, fécondation in vitro,
etc.
Le Christ pour qui la main paralysée de l'homme était
plus importante que la loi du sabbat elle-même (Marc 3.1-6) nous a appris, en effet, à n'avoir aucun
blocage d'aucune sorte dans notre recherche libre du mieux pour notre
prochain.
Prière
Seigneur Jésus
sauveur qui nous
révèle
le Dieu miséricordieux et compatissant
lumière venue dans nos ténèbres
Samaritain penché sur nos blessures
toi qui dis à la veuve de Naïn :
« Ne pleure plus »
Toi qui, plein de bonté
attends le fils prodigue
coeur sans rancune
qui accueille
Pierre le renégat
et Paul
persécuteur inconscient.
Ami des hommes
toi dont la colère
s'élève
lorsque tu vois opprimer les petits
toi qui pries le Père pour tes bourreaux
et promets le paradis au larron pénitent
toi qui rends la vue à l'aveugle Bartimée
dont on voulait couvrir l'appel éploré
coeur pitoyable à toute misère
toi qui n'écartes personne
et qui touches les plaies des lépreux
la langue des muets
et l'oreille des sourds
Bonté infinie qui exclut
toute méchanceté
toi qui pleures sur Lazare le
bien-aimé
et sur Jérusalem qui se sent délaissée
envoie sur moi le Saint-Esprit de Dieu
ton amour, ta bonté, ta douceur
fais-moi partager tes joies et tes désirs...
Sois en mon coeur, sur mes lèvres et dans mon regard
fais-moi tel que tu aimes que je sois
je remets mon esprit entre tes mains.
.
Notre
résurrection individuelle
Parmi les actes créateurs que
Jésus-Christ a accomplis, les
évangiles nous rapportent qu'il a ramené à la
vie trois morts : le jeune homme sur la route de Naïn
Luc 7. 11, la fille de Jaïrus Luc 8.40 et son ami
Lazare
Jean 7.11. Et bien entendu, les
quatre évangiles rapportent la Résurrection de
Jésus lui-même. Ces gestes sont symboliques, comme tous
les autres gestes de Jésus, d'ailleurs : ils sont des
signes visibles de la grande réalité invisible qu'est
la Présence de Dieu en ce monde.
Plus que d'autres, ces récits de morts rendus à la vie
nous mènent, il est vrai, aux limites de notre foi ! Dieu
pourrait donc faire jaillir la vie de toute maladie et de toute
détresse, et de la mort elle-même !
Après avoir été
accompagnés toute notre vie par la Présence du Christ, c'est encore lui qui nous accueille
dans l'au-delà, à notre entrée dans
l'émerveillement du face-à-Face. La même Vie que
le Souffle de Dieu nous avait renouvelée quotidiennement, nous
relève de façon décisive en cette ultime
apothéose !
La métaphore hindoue de la goutte d'eau peut nous aider :
image de la vie humaine, tombée à terre avec la pluie,
elle mène sa vie de goutte d'eau jusqu'à ce qu'elle
rejoigne finalement toutes les autres dans la grande euphorie
maternelle du Gange.
Pour convenir parfaitement à la
pensée biblique, il faut
préciser que chaque goutte est accueillie avec sa propre
personnalité par Dieu : le Berger appelle ses brebis
chacune par son nom Jean 10.3. Il
faudrait préciser aussi que cela ne se fait pas
« naturellement » en quelque sorte, mais
grâce au Souffle créateur agissant continuellement en
chacun. Voilà d'ailleurs pourquoi nous traitons de la
Résurrection dans le chapitre consacré au Saint-Esprit
et non au Père.
Nous ne prions pas pour les
morts : nous avons confiance en
Dieu pour qu'il les garde en sa maison paternelle.
Nous ne prions pas les
morts : nous n'attendons pas
d'eux conseils, soutien ou révélations, non plus que de
la vierge Marie ou des saints. Nous ne les croyons pas source de
pouvoir ou d'amour ; ils ne servent pas d'intermédiaires.
C'est directement que le Souffle créateur agit dans les
hommes.
L'Éternel est mon
berger
je ne manquerai de rien
Il me fait reposer dans de verts pâturages
il me dirige près des eaux paisibles
Il restaure mon âme
Il me conduit dans les sentiers de la justice
à cause de son nom
Quand je marche dans la vallée de l'ombre de la mort
je ne crains aucun mal
car tu es avec moi.
Ta houlette et ton bâton me rassurent.
Psaume 23
Isolement et peur. Ces deux fléaux des grandes villes font
certainement partie des souffrances dont l'Esprit de Dieu oeuvre
à nous délivrer.
Le bon Samaritain de la parabole Luc 10.25 traverse
le chemin pour secourir le blessé, se faire son prochain.
L'Esprit saint ouvre nos coeurs afin que nous « fassions de
même » comme le
recommande Jésus en concluant cette parabole. Il n'approuve
certainement pas que nous laissions la peur et l'isolement monter en
nous en n'inscrivant pas notre nom sur notre porte ou en mettant nos
numéros de téléphone sur liste rouge, ce qui ne
fait évidemment que nous couper davantage de ceux dont il nous
appelle à devenir le prochain !
Combien il serait souhaitable qu'au lieu de chercher à
développer notre esprit de méfiance et de peur, les
journaux télévisés et la publicité nous
incitent au contraire à ouvrir davantage nos coeurs et notre
porte, comme Jésus-Christ l'enseignait, à celui qui
frappe et a peut-être besoin d'un frère. C'est
l'ambiance de fraternité que recherche l'Esprit de
Dieu.
Le Seigneur Dieu me remplit de
son Esprit
il m'a consacré et m'a
donné cette mission
apporter aux pauvres une bonne nouvelle
prendre soin des désespérés
proclamer aux déportés qu'ils seront libres
désormais
dire aux prisonnier que leurs chaînes vont tomber
annoncer l'année de la faveur du seigneur
Esaïe 61.1
L'Esprit de Dieu oeuvre sans
relâche en tous ceux qui
s'offrent à lui et bien sûr aussi en tous ceux qui, sans
peut-être en être conscients, lui ouvrent leur coeur,
pour l'édification d'un monde plus fraternel et plus heureux,
plus détendu et souriant.
L'essentiel serait de dire comme Paul :
« Ce n'est plus moi
qui vis, c'est Christ qui vit en moi » Galates 2.20
Prière
Notre monde, ô Dieu,
devrait être un jardin,
mais il est un désert
pour tant et tant de gens.
Aide-nous à ménager en ce monde
que tu as tant aimé
des oasis de verdure
pour tous nos compagnons
et sois toi-même l'eau qui désaltère.
Ton Esprit nous tourne
vers les enfants abandonnés,
les femmes délaissées,
les hommes désoeuvrés
les parents sans amour
les mourants solitaires.
Et tu vois nos coeurs
si secs et peu préparés.
Nous t'en prions
renouvelle en nous ton Esprit de
création et d'espérance.
Car sans lui, en nos vies aussi
le désert s'étendrait.
.
L'être nouveau
parmi nous tous
Le Souffle divin donne aussi son
impulsion à notre action
collective pour la réalisation progressive de cet impossible
monde heureux. Et bien sûr, cette action est toujours à
recommencer, dans des conditions toujours nouvelles.
Ce n'est pas notre succès qui nous encourage ni notre
insuccès qui nous arrête. Ce ne sont pas nos
résultats qui nous motivent et nous orientent (bien que notre
sens critique nous fasse constamment repenser le style de notre
comportement !) mais c'est l'Être Nouveau qui grandit en
nous qui demeure notre seule boussole.
Dieu disait bien à
Ezéchiel :
« Ce n'est pas à
cause de vous que j'agis
mais c'est à cause de mon propre Esprit
que vous avez pourtant profané »
Ezéchiel 36.22
La volonté de renouveau de Dieu se manifestant pour tous les hommes,
quels qu'ils soient, dans un commun amour, l'Esprit saint nous engage
ainsi dans une collaboration sans réticence et joyeuse avec
tous les hommes de bonne volonté préoccupés de
sauver des vies humaines profanées.
Jamais Dieu n'a tenu compte de nos distinctions et n'a
réservé sa puissance créatrice aux croyants
d'une certaine sorte : N'était-ce pas son Esprit de
respect de homme et de liberté qui inspirait (certes à
son insu !) le Romain
Spartacus dans sa lutte pour la
libération des esclaves de l'Empire jusqu'à ce qu'il
soit vaincu et crucifié un siècle avant
Jésus-Christ ?
Lui qui faisait triompher la non-violence de Gandhi ? Lui
encore qui inspirait à Jules
Ferry d'envoyer même les
enfants pauvres à l'école de la
République.
Dans tous ces cas on peut
reconnaître l'élan créateur voulu par
Dieu pour le mieux être du
monde. Car l'Esprit de Dieu est créateur partout, en tout
temps, par tous les hommes de bonne volonté, sans tenir compte
de nos distinctions, et sans pensée de
récupération.
C'est le même Esprit qui nous anime lorsque nous prenons
conscience des forces destructrices d'humanité, de la course
aux armements, de la pollution de l'environnement, de la violation
des droits de l'homme, de toutes les injustices et discriminations,
de la paupérisation du Tiers et du Quart-Monde.
Et parce que nous sommes orientés chaque jour à nouveau
et tous ensemble par cette boussole d'amour fraternel et de
dynamisme, c'est bien sûr elle qui nous incite à
organiser la Croix-Bleue pour
relever les alcooliques, l'ACAT pour lutter
contre la torture, la Cimade pour se
préoccuper du Tiers-Monde et des demandeurs d'asile. Lui
encore qui inspirait Coluche dans la création des
étonnants Restaurants du
Coeur. Le critère de notre
action demeure notre sentiment profond d'être poussés
par l'Esprit créateur de Dieu.
Luther disait : « Ma
conscience est captive de la Parole de Dieu ».
Bien entendu, ces actions, ces
« oeuvres » comme on les nomme, pour significatives qu'elles soient de la
présence créatrice de Dieu en notre monde, symboliques
de ce « Royaume de Dieu » instauré dans
nos coeurs et dont nous espérons la venue glorieuse,
n'épuisent pas la mission de l'Église. Elles ne
suffisent en rien à résoudre les problèmes de la
souffrance du monde.
Comme les « oeuvres » des prophètes de
l'ancien temps, comme celles de Jésus-Christ lui-même,
elles ne sont justement que symboliques : même
réussies, même significatives et créatrices,
elles n'ont pas leur importance fondamentale en elles-mêmes :
elles ne font véritablement que désigner ce qui seul
importe vraiment : Un monde nouveau surgit !
Espérance
Seigneur, le monde n'est pas
très joli
notre monde
ce monde que tu nous a donné à faire.
Les hommes ont faim,
de pain sûrement,
mais aussi de tendresse,
d'estime et d'amour.
Les hommes meurent,
parce qu'ils manquent de raison de vivre,
les hommes manquent d'espérance.
Ce n'est pas de l'or et de l'agent
qu'ils attendent de nous.
Il nous faut leur dire qui il sont,
d'où ils viennent,
pour quoi ils vivent,
où ils vont.
Et qu'il sont plus importants qu'ils ne pensent
Ils ont besoin d'entendre
que leur vie est utile,
que toute vie vaut la peine d'être vécue.
Seigneur
je voudrais dire à tout homme,
au paralysé,
à l'humilié, au boiteux, au meurtri :
« au nom de Jésus-Christ
recommence à vivre,
à croire, à espérer.
Marche, gambade,
tu peux danser de joie. »
Je voudrais, Seigneur,
redonner leur force aux mains
fatiguées
et leur fermeté aux genoux qui chancellent.
Je voudrais dire
aux coeurs bouleversés
de reprendre courage.
Je voudrais le faire,
en ton Nom.
J'aurais envie de partager cette
espérance
qui est la nôtre.
Je voudrais lutter avec tous mes frères les hommes
pour que le désert de ce monde
redevienne un verger
et que sur la terre des hommes
on puisse voir la tendresse
de Dieu.
Je le voudrais...
Le culte et les sacrements
1
Le culte
Certes, l'important de la vie
chrétienne n'est pas le culte du dimanche mais l'amour du prochain, notre participation
créatrice au grand dessein de Dieu en ce monde. Mais tous ceux
qui accordent justement une importance fondamentale à ce monde
de Dieu et s'efforcent d'être ouverts à l'action de
l'Esprit saint, sont invités à se rassembler le
dimanche au temple pour chanter et pour prier, ouvrir la Bible et
méditer la prédication, participer à la
sainte-cène lorsqu'elle est célébrée et
à l'occasion baptiser un enfant ou un adulte.
Le culte est la station-service où l'on vient faire le plein
et recharger ses batteries. La vie quotidienne use notre
énergie et notre foi à tel point que pour survivre et
persévérer il faut se ressourcer dans l'Esprit de Dieu.
Le culte tonifie et apaise, il réoriente nos coeurs vers
l'essentiel.
Certes, nous n'aurions pas besoin de l'Église, si nous
étions de vrais enfants de Dieu ; ni de culte ni de la
sainte-cène. Mais il serait prétentieux de le
penser !
De plus, le culte est aussi la rencontre
et le partage avec des frères
et de soeurs dans l'Esprit de Dieu.
Il nous permet de nous laisser imprégner de l'Esprit divin et
d'être ainsi plus humains, moins détournés de
notre véritable vocation humaine par les idées qui
courent les rues et les lieux de travail, la télévision
et la presse. Car elles sont davantage suscitées par des
réflexes d'égoïsme et de peur, d'esprit de clan et
de paresse que par la fraternité dynamique que Dieu envisage
pour nous. Les publicistes cherchent leur propre intérêt
plutôt que le bien du plus grand nombre !
La louange de Dieu est une autre
dimension du culte. il est heureux,
en effet, de profiter de Sa présence, de Son esprit avec
d'autres hommes et femmes si divers ; de chanter ensemble le
Monde Nouveau auquel nous nous attachons les uns comme les autres,
chacun à sa manière, et pour lequel nous sommes
reconnaissants.
Les moments de malaise, de
difficulté de vivre sont
aussi ceux qui nous poussent davantage au culte. Moments où le
couple marche mal, moments d'un deuil cruel, d'un problème
professionnel ou familial. Lors d'une telle déstabilisation on
a besoin de la paix et de l'encouragement du culte pour retrouver sa
liberté intérieure, le pardon aussi : être
accepté, aimé dans la situation où l'on
est.
La prière de confession des
péchés et les paroles de pardon prennent, à certaines occasions, un relief
tout particulier. Il est parfois bien apaisant d'entendre le pasteur
parler de paix et de pardon ; certains sont spécialement
heureux de serrer la main d'autres personnes amicales et
discrètes qui rayonnent de chaleur sans poser de questions
embarrassantes.
Le noyau dur du Protestantisme
reçoit, enfin, du culte
l'occasion de se constituer de manière visible. Ce sont
effectivement les quelques dizaines de fidèles qui se
rassemblent régulièrement sur tel secteur
géographique qui incarnent, aux yeux de tous, l'Église
protestante et la maintiennent en vie, grâce à leur
argent, au temps qu'ils donnent, à l'énergie et
à la bonne volonté qu'il y dépensent, le pasteur
qu'il y entretiennent.
C'est grâce à eux, que ceux qui viennent à en
avoir besoin, pour les raisons énumérées, pour
un baptême, un mariage ou un enterrement, pour l'instruction
religieuse d'un enfant, peuvent y être accueillis dans un
temple ouvert, chauffé, propre et en ordre, dans des salles de
réunions agréables et bien adaptées, par un
pasteur instruit et volontiers disponible pour eux.
Prière
Notre Père qui es aux
cieux
envoie sur nous ton Saint-Esprit
afin que nous nous sentions tous frères
que nous sachions sanctifier ton nom
et agir avec miséricorde.
Que ton Règne vienne
à nous,
Règne de justice, d'amour et de paix.
Que nous apprenions à
faire ta volonté
et à nous aimer ici sur
terre,
comme tes fils s'aiment au ciel.
Donne à tous les hommes le
pain de la foi,
de l'espérance et de l'amour.
Fais, Seigneur, que nous
oubliions haine et rancoeur.
Ne permets pas que nous nous habituions aux divisions.
Pardonne les séparations
dues à notre orgueil et à notre
incrédulité,
à notre manque de compréhension et de
charité.
Garde notre conscience en
éveil :
c'est le péché qui divise ce que tu as uni.
Ne nous soumets pas à la tentation
d'être durs de coeur ;
délivre-nous de trouver normal
ce qui est un scandale pour le monde
et une offense à ton amour.
Notre Père
fais que nous vivions comme tes
fils.
.
2
baptême et sainte cène
La confirmation, la pénitence, le
mariage, l'ordination des prêtres, le sacrement des malades, n'étant pas
mentionnés dans les évangiles comme institués
par Jésus-Christ lui-même, nous ne les
considérons pas comme sacrements, c'est-à-dire comme
indispensables véhicules de l'invisible activité de
Dieu.
Le baptême et la sainte-cène étant normalement
célébrés dans le cadre du culte du dimanche,
nous en parlons dans le même chapitre.
Ces gestes manifestent la participation directe de l'assemblée
à la vie divine que le seigneur renouvelle en venant sans
cesse à nous. Ils ne procurent rien de spécial en
eux-mêmes. Cette rencontre avec le Seigneur est annoncée
et expliquée dans la prédication ; dans les
sacrements elle est vécue en image de façon visuelle et
sensible ; en gestes, d'une manière qui n'est pas
cérébrale mais qui parle aux sens.
Le baptême est un geste par lequel le baptisé était jadis
tout entier plongé dans l'eau ; c'est d'ailleurs toujours
le cas dans les Églises de type
« baptiste ». Le baptisé vivait pour ainsi
dire en direct le passage de Jésus-Christ de la mort à
la vie : noyé au fond de l'eau comme le Christ
était mort dans son tombeau, il se levait alors pour une vie
nouvelle, comme ressuscité avec le christ le matin de
Pâques, dans la première aspiration qu'il prenait en
sortant la tête de l'eau.
Dans la sainte
cène, quand on partage le
pain, quand on se passe de l'un à l'autre la coupe de vin
comme Jésus l'a fait la veille de sa mort, on revit en quelque
sorte ce repas qu'il a partagé avec ses disciples en relation
avec sa mort et sa résurrection : participation
recueillie à sa mort évoquée au premier chapitre
de cette brochure ; relation à sa résurrection
victorieuse.
Signe très parlant aussi du pain multiplié pour chacun
des assistants comme le Christ l'a fait dans la campagne de
Galilée ; vie renouvelée dont personne ne fut
exclu.
Geste de
fraternité les uns avec les
autres enfin, comme les repas organisés avec les
infréquentables collecteurs d'impôts et autres
« pécheurs ».
Rien de plus donc, dans les deux
« sacrements »,
rien d'autre non plus, que l'enseignement que nous lisons dans les
évangiles. Gestes très expressifs à partir des
éléments tout simples que sont l'eau, le pain et le
vin.
Aucune magie dans ces rites, aucun acte sacré ayant une
puissance propre : ce n'est certes pas en revenant quelques
gouttes d'eau sur la tête ou en mangeant un morceau de pain, en
buvant une gorgée de vin que la transformation de notre vie et
de notre pensée, de notre relation aux autres peut s'accomplir
vraiment. Seule notre ouverture à l'action du Saint-Esprit
peut faire surgir en nous l'Être Nouveau ; c'est en lui
seul que nous mettons notre confiance, jamais en un rite
matériel qui ne peut entraîner lui-même la venue
de Dieu !
Ce n'est pas par le
baptême
que l'on devient enfants de Dieu
c'est par la foi.
Ce n'est pas par le pain et le
vin de la cène
que le Seigneur vient en nous
c'est par le Saint-Esprit.
La
« présentation ». C'est pourquoi, à côté de la
coutume du baptême des petits enfants, il existe aussi celle de
leur « présentation ». Les parents,
parrain et marraine amènent l'enfant au temple, le
présentent à Dieu et à la communauté
rassemblée et prennent les mêmes engagements que pour un
baptême. L'enfant, devenu adolescent, demandera lui-même
le baptême s'il le souhaite à l'âge de quinze ans
après son instruction religieuse.
Dans la
sainte-cène, toute
l'assemblée présente est invités à se
tenir en cercle et à se transmettre de l'un à l'autre
le plateau de pain et la coupe de vin en un geste recueilli et
souriant. Personne ne doit se sentir exclu, quelque que soit son
Église d'origine, la qualité de sa foi ou ses
problèmes de morale : Dieu s'implique toujours sans
condition, dans la vie de chacun avec un amour complet. Il est juste
que tous se lèvent sans scrupule et sans crainte pour le repas
du Seigneur.
L'Église catholique croit devoir
réserver la communion à tous pour le jour où l'unité
institutionnelle des Églises sera réalisée. La
tradition protestante est plutôt de manifester la grande
fraternité qui existe déjà entre tous les hommes
également visités par le même Père. Les
protestants invitent donc tout le monde à communier dans leurs
temples et se sentent libres de communier avec la même foi dans
les autres églises chrétiennes.
Geste fraternel et émouvant, réponse spontanée
de la foi qui préfigure le grand partage du pain dans un monde
d'où personne ne sera plus exclu, où aucune faim
matérielle ou morale ne frustrera plus aucun des enfants de
Dieu.
Présidence de la
sainte-cène. Si c'est
normalement le pasteur qui préside le culte et les sacrements
prévus pour ce jour-là, rien n'empêche d'autres
membres de la communauté de le remplacer à l'occasion.
Aucun « pouvoir » spécial n'existe en
effet, qui ne serait conféré qu'au seul pasteur et qui
permettrait au sacrement de fonctionner valablement. Tous et chacun
peuvent présider le culte, la sainte-cène et les
baptêmes, sans problème particulier, à condition,
bien sûr, que cela ait lieu dans l'accord
général.
Quant à la
prédication, elle peut aussi
être assurée par des laïcs : elle est alors
spécialement appréciée par son côté
souvent plus simple et prenant, exprimant la place qu'a prise Dieu
dans leur vie professionnelle et familiale. La prédication des
pasteurs peut être plus compétente en connaissance de la
Bible et de la théologie, mais c'est parois que contraire qui
se produit !
Prière
Le Christ en nous
le Christ derrière nous
le Christ devant nous
le Christ à côté de nous
le Christ nous a gagnés
le Christ nous réconforte et nous renouvelle
le Christ dans le calme
le Christ dans le danger
le Christ dans les coeurs de ceux qui nous aiment
le Christ dans la bouche de nos amis
et... des autres.
Saint Patrick
.
La Bible
Lue au culte ou dans la méditation
personnelle, devenue
familière dans une fréquentation
régulière, la Bible transmet au lecteur qui l'approche
« avec un coeur ouvert et
bon » Luc 8.15, un
rayonnement tonique et apaisant.
On sent bien par le témoignage de Dieu lui-même au plus
profond de nos coeurs que cette Présence qui surgit entre ces
anciennes lignes est véritablement l'objet de notre
préoccupation fondamentale.
Sans se poser la question oiseuse de la véracité
historique ou géographique de tel ou tel passage, en demeurant
attentifs à la grande diversité des genres
littéraires (poèmes, récits épiques,
textes de loi ou d'enseignement, etc.) on se sent concerné par
ce qu'on lit, impliqué dans les récits ou les
poèmes ; la présence de Dieu crée en nous
l'Être Nouveau et fait vibrer le fond de notre
être.
Merveille de ces antiques
récits, écrits dans le
langage et les structures mentales d'une époque bien
lointaine : ils semblent toujours plus proches de nous que le
journal quotidien acheté le matin même ! Aucune
doctrine, aucune explication théologique, aucune
autorité d'Église, ne pourra jamais prévaloir
sur la puissance de ces vieux textes dont « notre conscience se sent
captive », comme le disait
Martin Luther.
Nous ne chercherons pas à les utiliser à notre profit
pour argumenter ou illustrer tel ou tel de nos propos, ni pour
défendre la justesse de notre cause ; au contraire, nous
accepterons comme le disait le réformateur Zwingli,
de « nous casser le nez
dessus », de nous laisser
remettre en cause, décaper, tant il est vrai que la nouvelle
vie dans laquelle Dieu nous lance implique toujours la
réorientation de nos pensées les plus
habituelles.
La Bible, « Parole de
Dieu ». C'est pourtant
très humainement que ces textes furent écrits. La Bible
n'a pas été directement dictée par Dieu. La
Parole de Dieu n'a pas été faite texte mais histoire
sainte et, singulièrement en Jésus-Christ, homme
vivant.
La Bible est plutôt la manière dont certains
témoins ont rendu compte de leur rencontre avec la
Présence divine ; ils se sont exprimés
évidemment à leur manière, selon leur
environnement religieuse, moral, politique... Selon le langage de
leur époque.
Mais la Présence en eux était si forte, leurs textes en
sont tellement imprégnés, que le lecteur
lui-même, lorsqu'il Lui ouvre son coeur, se sent
rencontré à son tour par le Dieu dont il sent bien
qu'Il est la source de la vie et que dans un monde constamment
changeant, Il est toujours « Celui qui était, qui est et qui
vient ».
On ne lit donc pas directement la « Parole de
Dieu » dans la Bible : on écoute cette Parole
telle qu'elle peut nous parvenir lors de la lecture du texte saint,
dans le miracle constamment attendu à nouveau de la
Présence divine.
L'Ancien Testament. C'est par ce que Jésus-Christ nous a
séduits que nous lisons, comme il l'a fait lui-même, les
Écritures juives auxquelles il se réfère
constamment comme témoignages de la Présence de Dieu
toute particulière au sein du peuple d'Israël.
Et en effet, nous qui sommes d'origine
« païenne », de formation
gréco-romaine plutôt qu'hébraïque, nous
reconnaissons dans la Bible juive le même dynamisme
créateur le même Esprit de fraternité et de
liberté que dans le ministère de Jésus-Christ ;
de manière variée suivant les époques et les
circonstances, bien évidemment.
C'est ainsi que nous vibrons à la lecture des récits
des anciens rois d'Israël, de David, de Moïse, d'Abraham,
de Noé, comme s'il s'agissait de nos ancêtres.
Nous entrons dans leurs espoirs, leurs fautes, leurs enthousiasmes,
de telle sorte que, comme le disait une ancêtre du Christ,
étrangère, comme nous au peuple d'Israël :
« Ton peuple sera mon peuple,
ton Dieu sera mon Dieu » Ruth 1.16.
Nous adoptons donc Abraham comme notre
père dans la foi, nous le choisissons comme ancêtre,
nous nous considérons comme faisant partie de sa descendance
« nombreuse comme les grains
de poussière du sol »
Genèse 13.16.
Nous nous sentons d'autant plus
facilement familiarisés avec
la terre d'Israël, « chez nous » pour ainsi
dire en Canaan comme l'étaient Abraham et David, que depuis
Jésus-Christ nous pensons que les frontières devraient
en être ouvertes à tous en un État pluraliste
: Les mages Matthieu 2 sont venus à
Jérusalem adorer celui qu'ils nommaient « le roi des Juifs », eux qui n'étaient pas juifs. Le centurion
romain s'est vu reconnaître une foi plus grande qu'on ne trouve
en Israël Matthieu 8.10 : Nous comprenons que, désormais, l'histoire
biblique s'ouvre sur l'ensemble des nations du monde, à
commencer, bien entendu par le peuple palestinien, comme d'ailleurs
des psaumes d'Israël le chantaient déjà et comme
le prophète Esaïe l'annonce explicitement :
« je t'ai formé pour
faire de toi le garant de mon engagement, dit le Seigneur, envers
l'humanité, la lumière des
nations » Esaïe 42.6.
La loi juive. Nous n'entrons pas dans les règles et
coutumes religieuses du peuple juif (circoncision, respect du sabbat,
alimentation cacher) puisque nous comprenons l'attitude de
Jésus-Christ qui nous en libérait en faisant par
exemple systématiquement des guérisons le jour du
sabbat : C'est bien en tant que païens que nous entrons
dans le Mouvement de Dieu.
.
Le principe
protestant
Au XVIe siècle,
le mot de « protester » signifiait « affirmer sa foi »,
« déclarer officiellement ». Les princes
protestants allemands ont « protesté »
solennellement de ce qu'ils croyaient devant la diète de
l'Empire.
Le professeur André Gounelle souligne que le côté
« protestataire » du mot correspond bien à
notre religion : les protestants
« protestent » toujours contre les abus de
pouvoir, les abus doctrinaux, au nom de la souveraine liberté
des enfants de Dieu : « la grâce
seule ! », « la foi
seule ! », « l'Écriture
seule ».
Ce n'est pas à cause de notre fidélité que Dieu
vient à nous, ni à cause de notre participation
à telle ou telle structure d'Église ou à tel
sacrement ! C'est « par la grâce »,
par sa bienveillance seule.
La « grâce »
est l'attitude du médecin qui
ne demande jamais la couleur de la peau du malade qu'il va soigner,
ni sa religion, sa manière de penser, ni même s'il a de
l'argent ; mais seulement de quoi il souffre.
Jésus-Christ ne s'est pas comparé à un juge mais
à un médecin Luc 5.31.
Les protestants ne s'intéressent fondamentalement ni à
l'Église, ni à ses dirigeants :
« à Dieu seul soit la
gloire ! ».
.
Caractéristiques de
l'Église
Malgré nos
diversités, nos
compréhensions diverses, les situations différentes
dans lesquelles nous nous trouvons, notre commune transparence
à l'Esprit divin nous rendra toujours d'accord sur les trois
principes fondamentaux que voici :
1
Principe de liberté à l'égard de toute
loi
Si la
« protestation » protestante
s'élève, au nom de la
souveraine liberté du Saint-Esprit oeuvrant en nous, contre
toute tentative des autorités de parler seules en son nom,
cela n'entraîne pas l'anarchie pour autant. Les multiples
comités, commissions, élus ou cooptés à
différents niveaux se veulent une protection contre tout
esprit de domination, toute volonté de pouvoir.
Au début du culte, après l'annonce de « la grâce et la paix vous sont
données » on lit un
énoncé de la « loi de Dieu ». Il ne s'agit en rien de conditions que Dieu
poserait pour que nous entrions dans son amour. Ce sont plutôt
de précieux moyens de réflexion sur la présence
de Dieu, son amour créateur; Ces « lois »
sont libératrices ; elles nous poussent vers nos
prochain, nous évitent tout enfermement dans
l'égoïsme, la dépression, la
sclérose.
Ceux qui disent qu'ils n'ont
« ni Dieu ni maître » devraient se demander s'ils sont réellement
libres de tout faux dieu, de tout maître pervers. En effet,
c'est bien la toute-puissance du Dieu de Jésus-Christ qui
émancipe des sourdes oppressions auxquelles les hommes se
soumettent souvent à leur insu, et pour leur malheur.
La « Loi de Dieu » est donc une garantie de
liberté et d'humanité. Aucun commandement n'est
sacré en lui-même. Jésus a résumé
lui-même toute prescription, un jour qu'il lavait les pieds de
ses disciples en un humble geste de rafraîchissement, en
disant : « aimez-vous les
uns les autres comme je vous ai aimés » Jean 13.34.
Si l'on considère les autres
multiples sentences à l'impératif de Jésus qui émaillent les
évangiles, on constate qu'elles convergent toutes vers le but
unique de rendre à l'homme sa dignité et son
épanouissement d'enfant de Dieu ; présence
créatrice de Dieu rendant possible l'impossible,
libérant les hommes de leurs divers blocages.
C'est ainsi qu'il disait au paralysé : « lève-toi et
marche » Luc 5.23 ; à la femme en larmes : « va en
paix » Luc 7.50 ;
lors de la multiplication des pains : « donnez-leur vous-mêmes à
manger » alors que les
disciples croyaient n'avoir justement rien à donner.
Plutôt que d'une règle de morale intangible, absolue,
immuable et éternelle, il s'agit chaque fois d'un appel
à entrer dans le dynamisme créateur de Dieu,
libéré des forces mauvaises et inhumaines.
Quant aux occasions
d'oppression que sont certains
règlements, elles doivent être abandonnées au nom
du respect de la personne et de la créativité du
Christ.
C'est ainsi que le commandement le plus sacré était
alors celui du sabbat. Jésus semble l'avoir
systématiquement transgressé en accomplissant des
guérisons précisément ce jour-là. Il
montrait ainsi que l'intégrité physique et morale d'un
homme est plus importante aux yeux de Dieu que le respect d'une loi
devenue un obstacle à l'épanouissement de l'homme
Luc 6.1-11.
L'homme est plus important que le sabbat, que le communisme, que le
capitalisme sauvage. Plus important que tout.
Tous les absolus sont
inhumains et doivent être
subordonnés au seul commandement d'amour du prochain.
La religion rend
méchant
lorsqu'elle devient intégriste
Ce n'est pas pour donner des lois
strictes que Jésus-Christ est venu et ce n'est pas pour les défendre qu'il s'est
laissé crucifier.
Lorsque la Parole de Dieu s'est incarnée, ce ne fut pas en une
loi écrite, en un livre saint, mais en l'homme vivant
qu'était Jésus-Christ. Notre morale n'est pas de
prescription mais une morale de situation. Nous avons à
discerner dans chaque situation la porte que le Seigneur ouvre devant
nous, le « possible » qu'il nous suggère
parmi tous nos « impossibles ».
Nous ne pourrons donc pas
affirmer qu'aucune femme ne devra en
aucun cas se faire avorter ; qu'aucun couple ne pourra jamais
divorcer et se remarier ; qu'aucun préservatif ne devra
jamais être utilisé, qu'aucune IVG ne sera jamais
tolérable... Les pages peuvent toujours être
tournées, le poids du passé ne doit jamais devenir
écrasant, le vent de liberté et du renouveau doit
toujours souffler.
Dieu ne vient pas comme un empereur qui donne ses ordres. Il vient
parmi les siens dans sa tendresse et sa puissance créatrice
pour renouveler en eux l'Être Nouveau comme un médecin
qui soigne, comme un sauveur qui renvoie libre.
C'est la première caractéristique de l'Église.
Prière
L'Éternel m'a dit :
« je t'ai appelé pour le salut »
Esaïe 42.6
Et ce salut, je le veux, je
l'accepte, j'y crois.
Et avec moi, tous sont appelés
à s'engager dans ce mouvement du salut.
Tu fais le premier pas avec nous,
le second, les autres
tous les autres.
A côté de
moi
pour être sûr que je suivrai,
Tu m'as dit :
« je te prendrai par la main ».
Comme un bien-aimé tient sa bien-aimée,
comme un frère sa soeur,
comme un père son fils.
Mais plus que tout cela,
tu me demandes à mon tour
de prendre la main de mon prochain
de tous mes prochains,
ceux que j'aime et ceux que j'aime moins
et même ceux que je n'aime pas !
Tu veux que je vive une vie
d'espérance
et d'amour
sur la route libre et heureuse
de ceux qui te connaissent.
Tu ne prends pas seulement maintenant cette route avec moi,
mais tu l'as déjà suivie avec d'autres,
tu continueras après moi.
Ton histoire de salut ne
s'arrête pas.
Tant qu'il y a des hommes,
tu proposes d'être leur inspirateur,
leur force et leur élan :
leur Dieu.
Tu tends la main pour qu'ils entrent
dans cette fantastique histoire,
et jusque dans la Vie éternelle.
Tu veux que je dise qui tu
es.
Tu veux que je dise à mon tour
que tu donnes la lumière aux aveugles,
que dans l'obscurité de leur vie,
tu leur donnes la lumière.
Tu veux que je crie aux captifs
que tu es la liberté,
que dans les liens de colère,
d'amertume, de haine,
d'indifférence,
tu es celui qui délivre.
Que tu délivres les hommes
de leur prison,
que tu abats les murs d'égoïsme,
d'incompréhension.
Tu es celui qui libère.
Claudine Castelnau
2
Principe de l'ouverture au prochain
Jésus-Christ n'était pas un
penseur travaillant dans la solitude
de son bureau. Il était un homme de terrain engagé dans
la lutte passionnée contre les barrières
séparant les hommes, car Dieu est le Père de tous les
hommes. L'infidélité la plus grande au Saint-Esprit de
fraternité est donc bien l'introversion, l'hostilité,
les préjugés, l'isolement égocentrique. Il nous
faut trouver la place de chacun dans la fraternité
humaine.
L'Église est la ligue de ceux qui entendent cette parole de
renouveau et lui répondent positivement.
Chanson
C'est Noël chaque
fois
qu'on essuie une larme
dans les yeux d'un enfant.
C'est Noël chaque fois
qu'on dépose les armes,
chaque fois qu'on s'entend.
C'est Noël chaque fois
qu'on force la misère
à reculer plus loin.
C'est Noël sur la terre
chaque jour.
Car Noël,
ô mon frère,
c'est l'amour.
Ce principe de l'ouverture au
prochain vaut en particulier pour
ceux qui pensent autrement que nous.
L'unité fraternelle des enfants de Dieu survient dans
l'acceptation simple et cordiale des autres. L'unité ne se
construit pas malgré nos différences disait le
professeur Oscar Cullmann, mais grâce à l'acceptation de
notre diversité, grâce au pluralisme
(« L'Unité par la diversité »,
Cerf).
L'oecuménisme qui prend justement
sa source dans la fidélité à cette parole de recherche du prochain ne
doit pas être plus ou moins poursuivi selon qu'il
réussit ou piétine. Nous serons toujours
résolument missionnaires et infatigablement
oecuméniques à cause de notre boussole
intérieure.
La liberté de parole et de réflexion revendiquée
pour les autres comme pour soi-même est une composante
indispensable de cette grande fraternité ; faute de cette
communication, les relations ne sont qu'illusoires.
Ainsi, multiplions-nous les conférences, les échanges
de chaires entre pasteurs et prêtres.
Ainsi la presse et la radio, les publications et l'enseignement des
Églises doivent-ils absolument être libres et ouverts,
sans censure aucune.
Accepter les
inacceptables. La
« grâce » de Dieu est d'accepter les
inacceptables (et nous en sommes d'ailleurs fréquemment aux
yeux des autres). Jésus « acceptait » les
collecteurs d'impôts, pourtant collaborateurs
méprisés des occupants romains, les prostituées
aussi. Mais ce n'était pas pour les approuver !
Ce n'est pas pour avoir lutté contre des hommes que
Jésus a scandalisé puis a été
rejeté et crucifié mais pour avoir combattu avec une
détermination totale toutes les forces du Mal.
Il faut accepter et aimer les hommes inacceptables comme Dieu qui
« fait lever son soleil sur
les bons et sur les méchants » Matthieu 5.45.
Cet amour est pétri d'espérance. Mais on ne confondra
pas celui qui fait le mal et détruit avec celui qui fait le
bien, construit et aime.
C'est Noël dans les yeux de
l'ami
qu'on visite sur son lit
d'hôpital.
C'est Noël dans le coeur de
tous ceux qu'on invite
pour un bonheur normal.
C'est Noël dans les mains de
celui qui partage
aujourd'hui notre pain.
C'est Noël quand le pauvre
oublie tous les outrages
et ne sent plus sa faim.
C'est Noël sur la terre
chaque jour,
Car Noël,
oh ! mon frère,
c'est l'amour.
3
Principe de l'analyse lucide
Toute recherche d'un monde
meilleur, plus humain et plus
fraternel, implique une parole claire contre tout ce qui tend
à le détruire.
L'attitude la plus suicidaire que puisse prendre l'Église
serait de ne pas oser proclamer son idéal par crainte de
choque, par crainte de réactions hostiles. Ne pas
dénoncer les manques d'amour, ne pas analyser leurs causes
fait plus de tort à notre vocation que toutes les attaques
contre les principes de Dieu.
Nous devons dévoiler les forces destructrices
d'humanité, qu'elles soient psychologiques,
économiques, politiques. L'Église est libre à
l'égard de toute idéologie de droite ou de gauche.
La présence rafraîchissante
de l'Esprit divin nous empêche
d'être jamais lassés. Les difficultés et les
oppositions ne manquent naturellement pas mais la flamme
d'espérance ne s'éteint jamais dans les coeurs, car
elle est née à Noël et s'épanouit dans
l'apothéose de Pâques.
Ainsi, quelles que soient les circonstances, la vision du Royaume de
Dieu demeure toujours mobilisante pour notre marche en avant.
C'est bien là notre commune préoccupation
fondamentale.
Poème
Ce qui se passera de l'autre
côté
quand tout pour moi aura
basculé
dans l'éternité
je ne le sais pas.
Je crois, je crois seulement
qu'un amour m'attend.
Je sais pourtant qu'alors
il me faudra faire
pauvre et sans poids
le bilan de moi
Mais ne pensez pas que je
désespère.
Je crois, je crois tellement
qu'un amour m'attend.
Ne me parlez pas des gloires
et des louanges des bienheureux
et ne me dites rien non plus des anges.
Tout ce que je peux
c'est croire, croire obstinément
qu'un amour m'attend.
Maintenant mon heure est si
proche
et que dire ?
Oh ! mais sourire...
Ce que j'ai cru
je le croirai plus fort
au pas de la mort
C'est vers un amour
que je marche en m'en allant
C'est dans un amour
que je descends doucement.
Si je meurs, ne pleurez pas
C'est un amour qui me prend
Il va m'ouvrir tout entier (e)
à sa joie, à sa lumière.
Si j'ai peur
et pourquoi pas ?
rappelez-moi simplement
qu'un amour, un amour m'attend.
Sœur Marie du
Saint-Esprit
Carmel du Christ Roi
Nogent sur Marne
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