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Théologie de
la mort de Dieu
Il est temps d’abandonner le dogme
d’un Dieu mort
Time to
Dump the Dogma of a Dead God
Mark Sandlin
pasteur de l’Église presbytérienne des
États-Unis
président de ProgressiveChristianity.org
13
juillet 2021
traduction
Gilles Castelnau
C’était en 1966
: pour la première fois le magazine Time
publiait une couverture composée
uniquement d’un texte : « Dieu est-il mort ? » et
sans photo. Cette présentation soulignait la force
de la question.
L’Amérique était sous le coup. Outragée.
Consternée. Inquiète.
En réalité, la question n’était pas vraiment
nouvelle. En 1882, Friedrich Nietzsche, le
philosophe allemand, avait déjà dit « Dieu est
mort » de manière très brillante (ou obscure). Et
avant lui un autre philosophe allemand, Friedrich
Hegel, en avait avancé l’idée dans son livre «
Phénoménologie de l’esprit ».
Il est vrai que la question de « Dieu » est aussi
ancienne que l’humanité. Comme Nietzsche le
faisait remarquer, avant la période des Lumières,
le concept de « Dieu » était indispensable pour
fonder la morale, les valeurs, rendre compte de
l’ordre de l’univers et finalement donner leur
légitimité aux gouvernements.
Mais avec la montée de la science et de la
philosophie, ce rôle de Dieu s’est avéré moins
nécessaire. Et même pour Nietzsche, Dieu n’était
pas seulement mort mais l’humanité était sa
meurtrière. C’était notre désir de comprendre le
monde qui l’avait tué. Nietzsche qui était
lui-même athée, ne s’intéressait pas tant à la
mort de Dieu elle-même qu’au « Dieu » que l’on
imaginait avant le temps des Lumières.
Pour moi, l’affirmation « Dieu est mort » ou plus
précisément : « la conception ancienne de Dieu est
morte » devrait avoir poussé les croyants dans une
plus profonde compréhension de la réalité, de la
vérité de Dieu.
Mais en réalité les croyants se sont regroupés
comme faisaient nos ancêtres lors des attaques des
Indiens en cercle de chariots avec Dieu au milieu
en une défense désespérée des opinions
traditionnelles pourtant indéfendables.
Nous avons élaboré des déclarations jugées «
essentielles » fondées sur d’anciennes idées et
exigeant une fidélité inébranlable. A une certaine
époque, la menace de ceux qui discutaient
l’institution ecclésiastique et ses sombres dogmes
était considérée comme si dangereuse que ces «
hérétique » étaient même brûlés vifs.
Comme l’a dit l’évêque Spong : « les chrétiens
doivent maintenant comprendre que Dieu ne demeure
pas dans les credo ou dans les doctrines
théologiques constitués d’expressions humaines. »
C’est le sommet de l’orgueil humain que de croire
que nous pouvons comprendre pleinement Dieu en
l’emprisonnant dans des credo et des doctrines.
D’ailleurs lorsque nous enfermons Dieu dans des
images humaines, nous nous empêchons nous-mêmes de
percevoir sa plénitude.
Alors oui, à mes yeux, Dieu est mort ou du
moins... devrait l’être. En fait, le Dieu de la
plupart des Églises protestantes, le Dieu de
l’Église catholique, le Dieu des Églises
évangéliques est mort. Il est mort depuis les
années 1800 et pourtant actuellement, nous
continuons à affirmer qu’il convient de continuer
à adorer son ombre projettée sur les murs de nos
vies.
Cet attachement à un Dieu du passé contribue à la
perte de valeur du message chrétien aux yeux du
public et particulièrement des jeunes. Ce message
impliquant la croyance en des dogmes incompatibles
avec les connaissances modernes est aujourd’hui
considéré comme hypocrite et franchement absurde.
L’Église ne devrait certainement pas abandonner
systématiquement toutes ses croyances historiques
simplement dans le but d'apaiser les critiques et
de gagner de nouveaux membres. Mais d’un autre
côté, elle doit cesser d’éviter ces problèmes en
les déclarant sans réalité ou infondés. Ce n’est
pas sans raison que la tendance « spirituel mais
non religieux » s’accroît si rapidement aux
États-Unis et malheureusement c’est l’Église
elle-même qui en est en grande partie responsble.
Il va falloir abandonner le vieux principe d’être
« correct », d’avoir « les bons dogmes » et
commencer à réfléchir sérieusement à ce qui est
réel et vrai, à ce qu’on ne sait pas d’avance et
qui nous permettra de découvrir de nouvelles
réalités de Dieu que les avancées scientifiques,
historiques, philosophiques, littéraires nous
offrent quotidiennement.
Il est désormais passionnant d’avoir à chercher à
comprendre Dieu.
Il est désormais passionnant de réfléchir à la
relation que nous avons avec lui.
Nous vivons en un temps où les informations
théologiques sont publiées et immédiatement
disponibles ce qui nous permet de connaître toutes
les idées religieuses et les connaissances
scientifiques répandues dans le monde entier. Nous
découvrons de mieux en mieux notre connexion les
uns aux autres et à l’ensemble de la Création
ainsi que la fragilité et la surprenante
résilience de la vie dans le monde.
Les progrès technologiques et les découvertes
archéologiques nous apportent une nouvelle
compréhension de nos traditions religieuses et du
sens qu’elles avaient pour nos ancêtres religieux.
Cette liste de nouveautés est sans fin. Il en
ressort finalement qui, oui, Dieu est mort. Ou du
moins notre Dieu traditionnel est mort. Il est
mort depuis longtemps mais la période où nous
vivons permet de reconstruire nos conceptions
spirituelles.
La question qui se pose est celle-ci : nos Églises
auront-elle le courage de se risquer avec nous
dans cette réflexion ? Accepteront-elles
d’abandonner tous leurs dogmes et leurs idées
reçues pour rechercher avec nous une compréhension
plus moderne du Dieu éternel ?
Jusqu’à présent, la majorité des Églises n’en ont
rien fait, obligeant ainsi les chercheurs
spirituels à travailler individuellement. C’est
peut-être la chose la plus destructrice qu’a fait
l’Église dans sa poursuite de Dieu. La recherche
de Dieu est certainement importante pour chacun
mais je suis convaincu que c’est collectivement
que l’on peut en atteindre toutes les réalités.
Il est temps – il est largement temps pour
l’Église de laisser mourir le Dieu d’hier de peur
qu'il ne meure aussi en essayant de ranimer les
morts.
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