Un petit catéchisme
Gilles
Castelnau
Le Dieu qui rend
humain
2e
partie
.
Dieu
28 juin 2002
On aurait bien tort de se
représenter Dieu comme un majestueux Jupiter faisant régner
dans le monde un ordre équitable et heureux. Cette image,
née dans le cadre du paganisme gréco-romain à
l'image de l'empereur absolu de cette époque, ne correspond
guère à la pensée biblique.
On a critiqué plus haut cette conception en raison de
l'espérance de renouveau que Jésus-Christ apporte
à chacun et qui s'oppose donc à l'idée que
l'ordre de notre monde, si écrasant et injuste pour tant de
nos contemporains, serait bon et divin !
Critiquons-la maintenant en refusant de ne voir en Dieu qu'un simple
être personnel, face au monde comme un Général
devant son armée ou un Jardinier devant son jardin.
Dieu n'est pas une
personne. Certes, la
théologie traditionnelle utilise ce vocabulaire
dérivé du latin, pour désigner les trois
« personnes » de la Trinité, le
Père, le Fils, le Saint-Esprit, comme on les appelle. Mais ce
mot désignait à l'époque où il fut
utilisé, le masque que portait un acteur pour
caractériser le rôle qu'il jouait. Par exemple, le
personnage du « père outragé » ou
de « la jeune fille à marier ».
- Le rôle du « Fils »
est celui d'incarner la Présence divine reçue et
agissante en un homme : Abraham, Moïse, David, Marie,
Pierre, Paul, Jean, François d'Assise, Gandhi... Jésus
était Fils unique.
- Le rôle du
« Saint-Esprit » est d'insuffler cette puissance
créatrice au coeur de tout ce qui respire, humains, animaux,
plantes. Enthousiasme de la création sans cesse
renouvelée.
- Le rôle du
« Père » est d'être le Fondement
dans lequel toute vie est enracinée. Il est « aux
cieux », donc englobe toute la surface du globe, Dieu
unique pour tous et chacun, sans tenir compte de nos distinctions et
sans favoritisme.
Dieu n'est pas non plus comme un
Jardinier qui se tiendrait en face
de son jardin. Il est plutôt comme la terre nourricière
faisant monter dans les plantes la sève vitale.
Ce n'est pas « ailleurs », dans un ciel
extérieur au monde qu'il faut se représenter Dieu. Mais
plutôt dans les profondeurs de notre être, centre
fécondant qui renouvelle en nous élan vital, force,
joie et apaisement. Toute analogie est évidemment insuffisante
et irrespectueuse. Mais, au contraire des Romains le
représentant sous les traits d'un noble vieillard tenant les
insignes du pouvoir, il conviendrait de le comparer au moteur qui
donne sa puissance au camion dont nous sommes les conducteurs.
Youri Gagarine, le premier cosmonaute, n'a pas rencontré Dieu
dans le ciel : Dieu n'est pas à l'extérieur du
monde, comme le continent australien est au-delà des
mers.
On ne peut naturellement pas
représenter Dieu. On ne peut
parler de lui qu'avec des mots humains, c'est-à-dire de
façon analogique, symbolique : il est comme un
père, comme un roi, un médecin. Mais il n'est pas un
père à côté et en plus des autres
pères ; il n'est pas un médecin qui guérit
à côté et mieux que les médecins ; il est
le Fondement, il est le terreau, dans lequel s'enracine le pouvoir de
guérison des médecins, la sagesse des rois (et des
autres gouvernants), la capacité éducatrice des
pères (et des mères !).
Toute vie humaine, animale, végétale (j'aurais peine
à écrire « minérale » et
pourtant, les minéraux aussi n'existent et ne subsistent que
par Lui !) est enracinée en lui et reçoit de lui
son identité, son orientation et son élan d'amour. Il
est bien plus qu'un jardinier qui contemple les roses et
déplore ou arrache les ronces !
Depuis le big bang originel et dans tous les développements
successifs de l'univers, dans les mouvements des galaxies inconnues
comme dans les aléas des atomes, il est la Présence
invisible et organisatrice. Cela ne se dessine pas mais on peut bien
le concevoir. Cette conception du monde est finalement assez simple
à admettre.
La conception jupitérienne de
Dieu, ce que l'on appelle parfois la
foi « du charbonnier », a fait beaucoup de mal en
détournant les gens de ce « Dieu » qui
leur apparaissait, à juste titre, absurde et
incrédible. Les athées qui refusent de croire en lui
ont bien raison !
Notre conception de Dieu plutôt intérieure au monde
qu'extérieure, plutôt moteur de la vie qu'ordonnateur
général, permet de comprendre facilement le grand
mouvement cosmique que chacun constate autour de soi et en soi :
hommes, animaux, plantes, planètes, soleil... Dieu est
présent en notre être le plus intime ; nous lui
sommes redevables et pourtant nous pensons trop peu à Lui.
Dieu notre vie, Dieu notre joie, Dieu créateur en nous de
l'Être Nouveau, Dieu que nous pouvons à juste titre
aimer de tout notre coeur.
Le sourire qui renaît à
travers les larmes, ces élans
de courage sur les lits d'hôpitaux, la force qui renaît
et donne aux malades et aux mourants un regard de guéris et
déjà même de ressuscités... ces
alcooliques, ces drogués qui arrêtent de boire, de se
piquer et entrent dès lors dans une vie nouvelle ;
l'égoïste qui s'ouvre, le timide qui devient fraternel et
sympathique : tous ces renouveaux, ces mini-résurrections
plongent leurs racines dans la Source d'Eau vive.
.
Le Deus ex machina
On nommait ainsi dans le
théâtre italien une
divinité faisant brusquement apparition à la fin d'une
pièce pour régler une situation devenue inextricable et
rétablir un ordre équitable et satisfaisant. Elle
sortit « de la machine », descendant des cintres
du théâtre, accrochée à des cordes.
C'est l'image d'un dieu que l'on fait intervenir lorsqu'on ne sait
plus expliquer un mystère ou dénouer un drame. Ainsi,
lorsque dans la tempête le capitaine ordonnait de commencer
à prier, ses passager anxieux demandaient :
« la situation est-elle grave à ce
point ? » ; cette histoire révèle
bien la conception d'un dieu intervenant de l'extérieur (ou
n'intervenant pas !) pour modifier artificiellement le cours des
événements.
En réalité, Dieu vient plutôt animer les esprits
défaillants, renouveler leur espérance et leur
permettre d'affronter courageusement la réalité.
.
L'harmonie
universelle
Cette idée du grand gardien de
l'harmonie universelle du monde ne
peut plus être facilement admise de nos jours, après les
deux guerres mondiales et les cortèges d'atrocités et
de bouleversement moral que nous avons connus et que nous
connaissons. La logique de guerre, l'appauvrissement dramatiques du
tiers monde, la résurgence ici et là
d'idéologies inhumaines et violentes, rendent
incompréhensible la foi au Dieu gestionnaire du
« meilleur des mondes possibles ».
Le quart monde, la généralisation de la torture,
l'égoïsme des puissances industrielles dominantes, la
férocité et l'absence de scrupules des dictateurs
locaux, montrent bien que ce n'est pas notre Dieu d'amour qui est le
maître du monde.
Il est créateur de l'élan qui persiste universellement
et s'exprime à travers le mal, la méchanceté et
la souffrance ; il est celui qui met justement en nos coeurs
l'idéal de fraternité.
Il faut traquer la conception jupitérienne jusque dans les
expression quotidiennes et banales :
- « Qu'ai-je fait au bon Dieu pour que tel
malheur m'arrive ? »
- « Prions pour que Dieu visite et nourrisse
lui-même les affamés » !
Un malade angoissé à
l'hôpital se perdra dans des
labyrinthes d'incompréhension en cherchant un sens à
l'action de ce Dieu dont on lui laisse croire qu'il le laisse
lentement mourir sans intervenir ! Il reprendra courage et
retrouvera la paix en puisant au fond de son âme, la force et
l'harmonie qui y sont déposés par Celui qui renouvelle
toutes choses.
Dieu donne la sécurité intérieure, la paix, la
confiance comme un père humain le fait pour ses enfants. Il
n'intervient pas de l'extérieur pour nous éviter
« miraculeusement », de façon
« surnaturelle » d'être renversé par
une voiture lorsqu'on traverse sans regarder. Sinon, que dire de ceux
que « Dieu » aurait laissé se faire
écraser sans intervenir ? Serait-ce pour les punir ou
éprouver leur famille ? Serait-ce parce qu'ils n'ont pas
su prier avec assez de ferveur ? Ou pour les
« purifier » par la souffrance ?
Dieu serait-il capable de truquer un
match de tennis pour favoriser un de
ses enfants privilégiés, comme Chang qui
prétendait que Dieu l'avait fait gagner ? Et dans ce cas
qu'en pense son partenaire ? Et si on le bénit de l'avoir
fait, faut-il le maudire s'il ne le fait pas ? Et d'ailleurs
lorsque Chang a perdu à Wimbeldon, est-ce parce que Dieu est
moins à l'aise sur l'herbe que sur la terre battue ?
En réalité, le rôle de Dieu est bien plutôt
de nous faire découvrir en nous toute sa joie, son
énergie vitale, tout ce dont nous avons besoin pour
préparer nos examens, assumer notre vie dans la
réussite comme dans l'échec.
Il est notre ami, notre soutien le plus proche, le Père le
plus aimant. Il est notre vie, le garant de notre
intégrité. Il n'est pas un magicien que l'on se
rendrait favorable avec des cierges et des
prières !
.
Le Dieu
tout-puissant
On dit parfois :
L'homme propose mais Dieu
dispose
pour affirmer que le Dieu qui dirige toutes
choses ne les fait pas toujours aller dans le sens que nous aurions
souhaité. C'est bien le contraire qu'il faut
entendre :
Dieu propose mais l'homme
dispose
C'est Dieu qui est en nous, qui veut que
tout le monde soit sauvé des puissances du mal qui nous
dominent et nous empêchent de nous épanouir. C'est bien
Dieu qui veut que les plantes poussent, que les anormaux soient
heureux, que les hommes soient fraternels, joyeux et bons. C'est Dieu
qui nous propose toujours à nouveau une amélioration,
une autre voie pour vivre un monde plus divin, plus humain. C'est
Dieu qui nous propose la solution que nous n'envisageons pas.
C'est Dieu qui propose ! Et c'est
souvent l'homme qui en dispose autrement ! Comme Adam et
Ève mangeant le fruit interdit, on veut toujours être
« comme Dieu, connaissant le
bien et le mal » Genèse 3.5.
Jésus disait que nous ressemblons
aux enfants mal élevés qu'on n'arrive pas à faire jouer. Qu'on leur
propose de jouer au mariage
« sur un air de flûte » ou à l'enterrement « en chantant des
complaintes », ils ne veulent
ni d'un jeu gai ni d'un jeu triste Luc 7.31ss
Dieu propose et l'homme fait... ce que
nous voyons trop souvent autour de nous et en nous...
La toute-puissance de Dieu ne signifie pas que Dieu veuille et puisse
changer dans le monde n'importe quoi, de sa propre initiative et de
son propre pouvoir. Sa toute-puissance est qu'il peut toujours et
quelles que soient les circonstances nous renouveler une
possibilité de vie et nous ouvrir des fenêtres.
Ainsi Dieu renouvelle-t-il les forces anéanties du
prophète Élie sans pour autant le délivrer de
ses ennemis 1 Rois 19. 1-8.
Prière
Seigneur, tu m'as toujours
donné le pain du lendemain
et bien que pauvre aujourd'hui
je crois.
Seigneur, tu m'as toujours
donné la force du lendemain
et bien que faible aujourd'hui
je crois.
Seigneur, tu m'as toujours
donné la paix du lendemain
et bien qu'angoissé aujourd'hui
je crois.
Seigneur tu m'as toujours
gardé dans l'épreuve
et bien que dans l'épreuve aujourd'hui
je crois.
Seigneur tu m'as toujours
tracé la route du lendemain
et bien qu'elle soit cachée aujourd'hui
je crois.
Seigneur tu as toujours
éclairé mes ténèbres
et bien que sans lumière aujourd'hui
je crois.
Seigneur tu m'as toujours
parlé quand l'heure était propice
et malgré ton silence aujourd'hui
je crois.
.
Dieu se trouve, donc, au coeur du
monde comme « le levain qu'une femme a enfoui dans la
pâte pour la faire lever » Matthieu 13.33
Il ouvre sans cesse l'avenir,
introduisant des possibilités nouvelles dans nos
pensées et dans le monde : mais il ne détermine
pas de manière autoritaire celles qui seront acceptées
ou refusées par les hommes. Il propose, appelle influence,
enthousiasme ; il tient compte des résultats qui en
adviennent pour modifier son action : c'est la joie qu'il veut
pour ce monde « qu'il aime
tant » Jean 3.16.
Il est créateur, non seulement au-dedans de nous les hommes,
mais aussi des animaux, des plantes et peut-être aussi des
minéraux ; Il est indispensable à la vie du
monde ; il participe à tout ce qui se passe, à
toutes les réalités auxquelles nous avons affaire et
d'abord à nous-mêmes. Il agit en tout ce qui
bouge ; rien n'échappe à son action de même
que rien n'échappe aux rayons du soleil et à l'air qui
nous baigne.
Il ne faut donc pas chercher Dieu dans
des « miracles », dans des interventions extraordinaires,
surnaturelles, modifiant de l'extérieur le cours des
événements ; on le trouve dans le quotidien,
l'habituel, le normal, le naturel.
Tout vient de lui, « tout est
par lui et pour lui » Colossiens 1.16.
Rien n'est plus normal et plus simple que de croire en lui et de
l'aimer, alors même que nous sommes conscients de ne pas
profiter de lui autant que nous le pourrions, de ne pas suivre ses
impulsions mais au contraire de nous en détourner trop souvent
pour faire le mal.
Mais alors même que tous et chacun le suivent peu et que le Mal
triomphe fréquemment, Dieu ne s'en décourage pas pour
autant et nous conserve sa présence aimante et dynamique.
Comment pourrait-il en être autrement ? Il est le
Créateur !
Dieu agit en
douceur : il est plus
« féminin » que
« masculin » ! La femme, dit-on est plus
souple que l'homme : elle accepte, discute, tolère,
sourit, pousse doucement, attire par séduction. Dieu a de la
tendresse.
Quand Israël était
enfant, je l'ai aimé...
C'est moi qui lui ai appris à marcher
en le soutenant par les bras...
Je le tenais comme on tient un nourrisson contre sa joue
et je lui donnais sa nourriture...
Osée 11.4
Dieu a fait alliance avec le peuple
hébreu, mais lorsque ce
peuple ne saisit pas cet élan d'amour et d'espérance,
Dieu fait subsister « un reste » Esaïe 10.21. Et lorsque le Reste lui même est
décevant, Dieu trouve à Nazareth une jeune fille pour
un nouveau commencement de son histoire divine.
Si la jeune Marie, au lieu de son « oui »
fondamental avait répondu « je ne suis pas la servante du
Seigneur, qu'il ne me soit pas fait selon ta
parole » Luc 1.38,
Dieu n'aurait cependant pas abandonné son dessein et aurait
trouvé quelqu'un d'autre, ailleurs. Sa volonté
créatrice ne cesse jamais.
.
L'omniscience de
Dieu
Affirmer que Dieu
« connaît » toutes choses ne signifie pas qu'il en soit un observateur
objectif et détaché ; encore moins un
programmateur méticuleux de chaque événement.
les hommes (et les animaux !) disposant librement des impulsions
de Dieu, personne ne peut savoir d'avance ce qu'ils en feront. Nous
sommes bien libres d'organiser nos vies avec son Esprit, sa puissance
et son amour universel, ou au contraire de nous en
détourner.
Mais aucune situation n'est tellement obscure, aucun avenir tellement
sombre et bouché, aucune nuit tellement opaque que le regard
de Dieu ne puisse les pénétrer. Dieu voit toujours ce
que nos regards humains ne peuvent eux-mêmes percer.
Dans le passé, sa lumière a bien souvent chassé
l'angoisse de nos ténèbres, de l'inconnu. C'est en nous
en rendant compte que nous disons dans la foi : « Dieu
est lumière, Dieu est omniscient »
Prière
Nous te remercions, ô
Père
pour ta Présence tendre et
forte
qui renouvelle en nos coeurs la paix,
le courage d'affronter la vie
la fraternité pour vivre avec nos contemporains.
Nous te remercions, ô
Père
pour ce que Jésus-Christ a fait jadis, en Galilée
et qui gonfle nos coeurs d'espérance et de foi :
les aveugles voyaient
les boiteux marchaient
les infréquentables étaient invités...
Viens en nos vies, y faire aussi du
nouveau :
réconfortés et rajeunis, apaisés,
tonifiés,
nous entrerons toujours à nouveau
dans la danse que tu enseignes aux hommes.
Que ton Saint-Esprit, baignant notre
esprit
nous rende semblables à Jésus-Christ
et qu'à son image nous soyons des rayons de lumière
dans un monde qui en a tant besoin.
.
La
prière
Qu'elle soit collective au culte du
dimanche ou individuelle dans le
secret du coeur, qu'elle s'exprime par des mots ou se vive dans une
méditation silencieuse, la prière nous tourne vers
Dieu, fondement de notre être ; la prière est de
puiser en Lui dynamisme créateur et harmonie,
fraternité et joie. Elle caractérise notre situation
d'enfants de Dieu.
L'homme s'arrête un instant d'agir, de créer, et
« se repose » (ce qui est le mot hébreu
« sabbat »).
Dieu s'est « arrêté » le
septième jour : « Le septième jour toute l'oeuvre
que Dieu avait faite était achevée et il se reposa au
septième jour de toute l'oeuvre qu'il avait faite. Dieu
bénit le septième jour et le sanctifia, car en ce jour
il se reposa de toute l'oeuvre qu'il avait
créée. »
Genèse 2.2.
L'homme s'arrête aussi : c'est le moment de la
méditation.
Ce serait se conduire avec
prétention, ce serait cause
d'épuisement et de dépression que de se croire capable
de renouveler soi-même son élan vital, de retrouver
soi-même sa stabilité. C'est sans doute de cette absence
de prière et de méditation, de cette
accélération de la vie solitaire que proviennent chez
tant de nos contemporains les sentiments d'échec,
d'impuissance, de frustration, d'insécurité dont on
souffre tant de nos jours. Comment un homme (qui n'est pas
Dieu !) pourrait-il en effet subsister par ses propres
forces ?
En même temps que l'énergie vitale, Dieu renouvelle en
nos coeurs l'élan d'amour qui nous pousse vers les autres et
que nous oublions si souvent en la période d'individualisme
égocentrique que nous connaissons trop actuellement.
Jamais la prière ne fera abstraction des autres, car Dieu les
fait également participer à la vie qu'Il donne :
Louez l'Éternel
animaux sauvages et domestiques,
reptiles, oiseaux,
rois de la terre et tous les peuples,
princes, juges de la terre,
garçons et filles,
vieillards et enfants !
Psaume 148
L'amour du prochain. Le Père universel qui aime tous les hommes (et
aussi les animaux, les plantes, toute sa création), ne peut se
contenter de renouveler la vie de l'un si l'autre doit en mourir. Cet
élan d'amour que Dieu nous inspire n'est autre que son propre
Esprit créateur de la vie universelle : il n'a rien
d'égocentrique (on dirait aujourd'hui : pas de
corporatisme !)
Nous ne pouvons, avec son aide, créer un monde inhumain
où régneraient la désunion et l'angoisse, un
monde peuplé seulement d'individus. En cela aussi la
prière nous change, nous réoriente, nous restitue
à notre place d'enfants de Dieu trop souvent
oubliée.
La prière n'est donc pas un petit plus, un petit
supplément d'âme que l'on insérerait le soir
à la fin d'une journée, par ailleurs bien remplie, en
ajoutant quelques demandes supplémentaires, et d'ailleurs
facultatives !
La prière se résume
à dire :
Sans ton élan je ne puis
vivre,
renouvelle au plus profond de moi courage de vivre,
paix et amour pour mes prochain :
par Toi mon impossible devient possible.
Elle devrait toujours commencer
ainsi :
Envoie en moi ton Saint-Esprit,
afin que, devenant davantage semblable à Jésus-Christ,
je...
Nous chez Dieu ou Dieu chez
nous ? Jésus-Christ nous
a bien montré que la préoccupation de Dieu est de nous
communiquer sa divinité afin de nous rendre pleinement
humains. En aucun cas cela ne signifie que nous devons nous
détourner de la réalité du monde, de nos
préoccupations, pour nous tourner vers un monde sacré,
un au-delà spirituel. La vie chrétienne ne consiste pas
à pénétrer dans l'au-delà par des
litanies et des exercices spirituels.
C'est Dieu qui a quitté le ciel à Noël pour
être « Emmanuel,
Dieu-parmi-nous » Matthieu 1.23.
De même, à Pentecôte, il s'implique en tous les
hommes de notre monde. Dieu-parmi-nous et
non pas nous-dans-le-ciel.
Les protestants n'ont jamais vraiment
compris les litanies, les chapelets,
les cierges, les prières toutes faites qui ont comme
résultat de créer une atmosphère sacrée,
de donner le sentiment d'une relation avec le monde de
l'au-delà où l'on rencontre (en plus de Dieu) la Vierge
Marie, les saints, les martyrs, les anciens responsables de
l'Église, dans une sorte de contact direct.
Il n'y a pas deux mondes, celui de l'au-delà et celui
d'ici-bas. Il n'y a que le monde, dans lequel l'Esprit de Dieu est
continuellement présent. Nous ne sommes pas destinés
à être des anges appartenant à un au-delà,
mais à être des hommes appartenant à notre
monde.
La prière
chrétienne. La prière
n'est pas caractéristique du christianisme, et l'islam,
l'hindouisme, le bouddhisme la pratiquent aussi. Il arrive aussi que
des athées se recueillent et prient à leur
manière.
L'acte de prier n'est pas non plus une garantie d'être dans le
droit chemin : les pharisiens qui ont accusé
Jésus, et Pilate qui l'a fait crucifier étaient des
hommes de prière et de méditation.
Il faut parler ici de la
méditation de la Bible qui
oriente la prière.
On peut choisir un bref passage de la Bible ou dévorer
plusieurs chapitres d'un seul mouvement ; on peut ouvrir sa
Bible au hasard, lire un livre entier à la suite ; on
peut choisir l'évangile de Luc ou un psaume. On peut encore
suivre une liste de lectures bibliques. On est alors dans
l'atmosphère qui convient pour prier : la prière ne
sera ni égoïste ni superstitieuse.
La prière
païenne. Les
gréco-romains, ces « païens » du
temps du Christ, priaient Jupiter tout-puissant. Ils se prosternaient
humblement devant lui comme ils faisaient devant l'empereur, tentant
dérisoirement de le fléchir pour modifier à leur
profit le cours des événements.
Mais Jésus disait : « ne priez pas comme les
païens » Matthieu 6.7. C'est « comme des païens »
que les touristes et les footballeurs prient pour le beau temps et
les agriculteurs pour la pluie...
Le Seigneur se voit ainsi sollicité pour mille petits
services, à l'instar d'un député qui, pour
satisfaire ses électeurs, fait sauter les contraventions ou
intervient pour un passe-droit.
Cette attitude spirituelle tourne le dos au ministère du
Christ dont chaque geste et chaque parole concrétisait la
venue du Règne de Dieu parmi les hommes.
Elle néglige le ministère du Saint-Esprit dont le
rôle est de développer en nous l'humanité que
Dieu désire chez ses enfants.
La prière païenne n'a pas de
vision d'ensemble pour le monde ; elle ne nous fait pas
ressembler au Christ ; elle ne profite par de la présence
du Saint-Esprit en nous.
La prière chrétienne amène l'homme à
faire ce que Dieu veut. La prière païenne voudrait amener
Dieu à faire ce que l'homme veut !
La prière chrétienne encourage l'homme à
disposer droitement de ce que Dieu propose. La prière
païenne voudrait amener Dieu à disposer positivement de
ce que l'homme propose !
La « pitié »
de Dieu. De plus, oubliant la
tendresse et l'amour de Dieu révélés dans le
ministère de Jésus-Christ, on se laisse entraîner
à considérer Dieu à notre image :
« Seigneur, aie pitié ! » dit-on
alors. Effectivement, à la place de Dieu, nous manquerions
probablement de cette qualité. Mais, comme le remarque Louis
Évely (« La prière d'un homme
moderne ») : Est-ce l'homme ou Dieu qui manque le plus
de pitié ?
Louis Évely remarque aussi avec raison qu'il est choquant de
demander à Dieu d'avoir pitié des affamés, alors
qu'il nous a poussés, par la multiplication des pains, par
exemple à les nourrir nous-mêmes. Luc 9.10
La loi juive, déjà, ne
disait pas autre chose :
Quand vous ferez la moisson, tu
laisseras un coin de ton champ sans le moissonner,
et tu ne ramasseras pas ce qui reste à glaner.
Tu ne cueilleras pas non plus les grappes restées dans ta
vigne,
et tu ne ramasseras pas les grains qui en seront tombés.
Tu abandonneras cela au pauvre et à l'étranger.
Je suis l'Éternel, votre Dieu.
Lévitique 19.9
Choquant aussi de supplier Dieu pour la
paix, comme si c'était lui le
coupable de la politique internationale !
Prière païenne encore, quand nous prions pour le
Tiers-monde en laissant la Bourse de Paris, de Tokyo ou de New-York
manipuler les prix des matières premières à
notre avantage, comptant sur Dieu pour compenser notre attitude
égoïste sans cependant léser nos
intérêts !
La prière pour les
morts. Prolongeons cette
réflexion en remarquant que la prière pour les morts
nous met doublement en situation fausse devant Dieu :
D'une part, comme la prière pour les affamés, elle
semble considérer que nous sommes plus attentifs que Dieu aux
divers besoins de l'humanité, que sans notre intervention,
Dieu ne s'occuperait peut-être pas des défunts avec
toute l'attention souhaitable. Alors que tout au long de la vie de
chacun, c'est bien Dieu qui faisait monter la vie en lui et qui nous
répétait inlassablement de l'aimer et de nous occuper
de lui comme d'un frère à aimer.
D'autre part la prière pour les morts semble nous situer de
leur côté, et ensemble face à Dieu. Or, c'est en
réalité Dieu qui est de leur côté et face
à nous : c'est Dieu qui a toujours été
beaucoup plus proche d'eux, durant toute leur vie, comme il est
proche de nous, d'ailleurs. Dieu a toujours été le
fondement de leur être, leur soutien le plus, intime, qu'ils
l'aient su ou l'aient ignoré. Il n'y a pas de
solidarité d'hommes entre eux face à Dieu. Dieu est
solidaire des hommes face à leurs prochains qui ne les
soutiennent pas toujours.
La prière à la vierge Marie
et aux saints. Nous ne la comprenons
pas. D'une part en raison de la remarque précédente
qu'aucune solidarité ne peut exister entre hommes qui soit
plus étroite que la solidarité que le Dieu d'amour a
établie entre lui-même et nous les hommes.
Nous ne la comprenons pas non plus car elle suggère
l'existence de deux mondes distincts, comme nous l'avons dit plus
haut : le monde d'en-bas se situant face au monde de
l'au-delà auquel appartiennent, avec Dieu, le Christ, la
vierge Marie, les saints, les anges etc.
Répétons inlassablement qu'il n'y a en fait qu'un seul
monde, le nôtre, pénétré, animé,
régénéré par la présence du Dieu
créateur, à qui est la gloire, vers qui seul vont
légitimement nos prières.
Le Notre Père. Le Notre -Père, qui résume toutes les
prières, commence par nous situer dans l'état d'esprit
qui convient, en tutoyeurs de Dieu, comme des fils s'adressant
paisiblement et avec confiance à leur père, dans une
atmosphère familiale et non pas, nous l'avons dit, comme les
esclaves antiques.
Le « nous » de cette prière éloigne
l'individualisme égocentrique (du style : « mon
dieu, je te demande d'aider mon clan contre les
autres » !) L'esprit fraternel introduit par le
« nous » aide à entrer dans le grand
fleuve d'amour qui est celui du Père de tous les hommes :
le « Notre
Père » n'est pas une
succession de demandes de quémandeur. Il a plutôt le
style d'une confession de foi :
- « Que ton Règne
vienne » signifie : ce
Règne est celui que nous préférons à tout
autre, dont nous avons besoin ; nous y collaborons.
- « Que ta volonté
soit faite » signifie que nous
n'aimerions pas la volonté d'un autre qui serait plus
autoritaire, plus égoïste ; ni non plus notre propre
volonté si souvent pervertie. C'est celle de Dieu qui
correspond à notre préoccupation fondamentale.
Il s'agit là d'une prière joyeuse, souriante et
dynamique qu'il faudrait dire chaque jour avec enthousiasme.
Prière
Que ton nom retentisse si fort
sur notre terre
que nous reconnaissions ta
présence parmi nous.
Que ton règne d'amour et de joie
vienne réchauffer tes enfants.
Donne-nous aujourd'hui notre
pain,
pour déloger l'angoisse, la souffrance, le
péché.
Que ta volontéqui s'est manifestée dans le
Christ
se fasse aussi à travers nos efforts de justice, de partage,
de paix.
Donne-nous aujourd'hui notre
pain, notre part d'affection
notre part de force pour vivre et en répandre la Bonne
Nouvelle.
Pardonne-nous nos
offenses,
comme nous essayons aussi de pardonner les offenses
de ceux qui nous blessent, nous ignorent, ne savent pas nous
aimer.
Ne nous soumets pas à la
tentation du refus,
de la passivité, de la facilité, de
l'évasion.
Mais délivre-nous du
mal
qui s'incruste dans le monde et en nous-mêmes.
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