Noël
« Il vous est né un sauveur »
Gilles Castelnau
23 décembre 2020
Les bergers auxquels l’ange annonçait un « sauveur », n’ont évidemment pas compris en quoi un petit enfant dans une crèche allait changer leur vie. Le « salut » n'est pas de se complaire dans la pauvreté d'une crèche, ni dans la douce chaleur d'un bœuf et d'un âne !
Quand on tourne les pages de l’Évangile, on voit bien que c’est 30 ans plus tard que commence le ministère de salut de Jésus-Christ.
« Lève-toi et marche », crie-t-il alors au paralysé et celui-ci bondit dans le « salut » d’une vie régénérée.
« Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre », dit-il devant la femme adultère menacée de lapidation par les fous intégristes. Et c’est tout le peuple dont les mains laissent tomber les pierres de la mort, et qui entre, ainsi, dans une nouvelle ère de tolérance et de vie.
« Ce qui entre dans la bouche ne souille jamais un homme mais ce qui sort de sa bouche », dit-il à propos de l’obligation de manger cacher, libérant l’homme de toute contrainte alimentaire tout en l’orientant vers une parole qui ne « souille » pas l’humanité.
« Donnez-leur vous-mêmes à manger », dit-il à ses apôtres qui se découvrent alors capables de nourrir la foule fatiguée.
Des paroles que l’on n’avait pas l’habitude d’entendre, Esprit oublié des anciens prophètes.
La parole de Jésus nous « sauve » des contraintes rituelles de la Tora comme de la soumission au Destin aveugle des Dieux gréco-romains, en nous enracinant, malgré toutes les forces mauvaises du monde qui nous détruisent, dans le dynamisme créateur du Dieu de la Vie.
Au 16e siècle Luther proclamait le salut par la grâce de Dieu de l’angoisse du péché et de la damnation éternelle que propageait la papauté.
Aujourd'hui c’est plutôt de nos sentiments d'angoisse et d'exclusion que nous avons besoin d’être sauvés.
Force et harmonie intérieure, amour fraternel, bienveillance sans exclusive. Souffle de Résurrection.
Les anciens prophètes d’Israël avaient déjà prêché le salut de Dieu. Esaïe chantait au 8e siècle av. J.-C. :
S'ouvrent les yeux des aveugles,
S'ouvrent les oreilles des sourds ;
Le boiteux saute comme un cerf,
La langue du muet éclate de joie.
Car des eaux jaillissent dans le désert,
Et des ruisseaux dans la solitude. (35,5-6)
Il disait aussi :
Le loup se couche avec l’agneau… (11.6)
Et Paul résumait pour les Athéniens l’évangile de Jésus-Christ en disant :
Dieu donne à tous la vie, la respiration, et toutes choses. (Ac 17.25)
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Note
Nous comprenons bien que les premiers chrétiens aient comparé l'exécution de Jésus avec les sacrifices d'animaux innocents que l'on célébrait dans le Temple de Jérusalem et dans tous les temples païens de l'Empire romain. Mais c'est surtout au Moyen Age que saint Anselme, alors archevêque de Cantorbéry, a compris cette mort, dans l’esprit féodal de son temps, comme un sacrifice substitutif destiné à apaiser l'honneur froissé de Dieu et à racheter sa « Justice ».
Mais nous ne lisons pas dans les Évangiles que la mort de Jésus soit exigée par un Dieu outré par les « péchés » des hommes et se satisfaisant de voir couler le sang innocent.
Nous faisons plutôt confiance à Jésus lorsqu’il parle d’un Dieu qui n’a rien d’un Souverain menaçant et omnipotent mais qui, dans son amour et sa compassion, renouvelle par son Esprit l’élan vital des hommes.
Nous n'aimons donc pas voir vitrifier Jésus-Christ sous des titres glaçants et figés, lui qui se présentait toujours comme animé du dynamisme créateur de la Vie.