Je ne crois
plus comme avant
Jean-Paul
Morley
pasteur de l'Eglise protestante unie
1er août 2020
Je ne crois pas que la
Bible soit la Parole de Dieu, comme si
la Parole de Dieu pouvait être réduite à un
livre écrit et imprimé une fois pour toutes dans
des langues humaines !
Mais je crois que la Parole de Dieu s'y trouve
et s'y entend, pour quiconque l'écoute,
l'interprète, et lui fait confiance.
Elle n'est pas la Vérité, mais une vérité
essentielle s'y rencontre pour qui l'écoute.
La Bible est le récit d'une histoire
authentique transformée en prodigieuse parabole.
Et cette parabole est composite, conflictuelle,
où des diamants venus du Ciel côtoient des
errements et des contre-modèles.
Des diamants comme le double commandement
d'amour : aimer Dieu de tout son cœur,
toutes ses pensées et toute sa force, et son
prochain parce qu'il est nous-mêmes. Ou bien
comme la clef de la vie : sauver sa vie en
la donnant.
Entre ces diamants et ces nombreuses paroles
trop humaines, violentes, fermées ou moralistes,
chacun de nous est invité à trouver, dans la
prière, son curseur personnel.
Je ne crois pas que Dieu
soit tout-puissant, comme s'Il était
capable, par exemple, de faire disparaître de
l'histoire Jésus-Christ et sa croix, ou de se
renier Lui-même. Mais je crois, selon les
Ecritures – c'est-à-dire en me fondant sur
la Bible – qu'Il est puissant Créateur, et
puissant Amour. Je crois qu'Il est cette force
qui a créé l'univers, et qu'Il est cet amour qui
nous a voulus libres, non pour nous juger, mais
pour que l'amour puisse vivre, avec Lui et entre
humains.
Et je ne crois pas non plus que Dieu soit
immuable ni impassible, mais, selon les
Ecritures, qu'Il est vivant, et qu'Il souffre et
aime en nous et avec nous. Et qu'Il change avec
nous, en se grandissant sans cesse de chacune de
nos vies.
Je ne crois pas que Jésus
soit Dieu, mais je crois, selon les
Ecritures, que Dieu s'est incarné dans cet
homme, né d'une femme et sans doute d'un homme,
quel que soit ce dernier. Je crois que la Parole
de Dieu, ce Verbe éternel et consubstantiel à
Dieu dont parle Jean, est entré et a habité en
permanence – comme il le fait par instant
en nous – en Jésus de Nazareth, ce Messie
qui n'a cessé de prier, d'obéir, de supplier, de
se référer à, de supplier et de remercier Celui
qui seul est Dieu, et que Jésus appelait son
Père. Et c'est ce Dieu qui l'a ressuscité.
Pas Jésus Dieu, mais Dieu en Jésus.
Je ne crois pas que Dieu ait besoin que je
souffre ou que je paye pour qu’Il me pardonne,
ni qu'Il ait besoin de sang, celui de la croix,
pour laver mes péchés.
Cela signifierait que ce Dieu d'amour est moins
indulgent ou généreux que ne l'étaient mon père
et ma mère, ou les vôtres.
Mais je crois, selon les Ecritures, que la
terrible Croix du Christ nous montre jusqu'où va
l'amour de Dieu, combien Il tient à moi, à vous,
et jusqu'où aussi va l'amour qu'Il nous invite,
nous aussi, à vivre.
Et en détournant ainsi sur le Christ tout le mal
et la haine du monde, Dieu nous a dit son
pardon, dit qu'Il souffre avec nous, et promis
la victoire finale de l'amour sur le mal et la
mort.
Je ne crois pas que Jésus
ait été ressuscité physiquement,
corporellement. Mais je crois, selon les
Ecritures, que le tombeau était vide et vaincu,
et que Jésus était et est à nouveau vivant, à
l'intérieur de chaque apôtre puis de chaque
croyant, et de l’Église quand elle est croyante.
Je crois que Jésus ressuscite chaque fois que
nous, nous ressuscitons à travers lui,
personnellement ou collectivement. Et chaque
fois que nous partageons le pain et le vin en
mémoire de Lui.
Je crois qu'il est vivant dans chacun de ceux et
celles qui lui donnent leur confiance, et donc
qu'Il est vivant grâce à eux, et à la Bible.
Je ne crois pas que
nous-même ressuscitions corporellement,
bien sûr. Mais je crois, selon les Ecritures et
avec Paul, que nous ressusciterons tous,
incorruptibles et tous pardonnés, et que l'enfer
continuera très longtemps de rester vide.
Comment penser que Dieu ne recueille pas le
meilleur de chacune de nos vies et de nos
personnalités, ce que nous avons eu d'unique, ce
que nous avons aimé, voulu, essayé, réussi,
espéré, donné, vécu et reçu de beau, tandis que
tout le négatif de notre vie sera recouvert par
un pardon infini et sera jeté aux oubliettes de
la Création ?
Le meilleur de nous-même, avec notre
personnalité et nos affections, continuera de
vivre en Lui, et nous participerons, avec Lui, à
inviter et conduire l'humanité vers sa Cité. Je
le crois.
Je ne crois pas que le
Saint-Esprit soit une entité divine en
elle-même, mais je crois, selon les
Ecritures, que l'Esprit de Dieu est actif sur la
terre entière, et sans doute ailleurs, et que
c'est par Lui, et par Lui seul, que Dieu agit.
C'est par Lui, par son Esprit et l'Esprit seul,
que Dieu séduit, murmure, incite, éclaire,
guide, console, convainc, rassure, encourage…
Mais, comme devant Elie, Il ne force jamais,
n'agit jamais par force ni contrainte. Et quand
Il intervient ou guérit, c'est par l'Esprit
seul, non par magie.
Dieu est Esprit.
Je ne crois donc pas à la Trinité comme
description de Dieu, comme nature ou essence de
Dieu ; ni non plus comme un terme – d'ailleurs
absent de la Bible – qui serait indispensable
dans toute Déclaration de Foi. Mais je crois,
selon les Ecritures, que la notion de Trinité
est un concept formidable, une trouvaille de nos
Pères de l’Église, parce qu'elle nous dit que
Dieu est vivant, circulant en Lui-même,
relationnel à l'intérieur de Lui-même et avec sa
Création, et, par conséquent, qu'il est vraiment
amour…
Je ne crois donc pas non
plus que l'amour de Dieu s'arrête aux
frontières invisibles de l’Église, et que le
christianisme soit le seul accès à Dieu et à son
salut, ni que Jésus-Christ soit le seul sauveur
et médiateur. Mais je crois, selon une Ecriture,
que le Verbe a d'autres brebis dans d'autres
bergeries, dans d'autres peuples, dans d'autres
cultures, dans d'autres religions, dans d'autres
familles spirituelles, et qu'Il sait parler
toutes les langues créées après Babel…
Et je crois sereinement, avec tranquillité,
qu'Il a d'autres bergeries, dans d'autres
planètes où la vie est probable, et qu'Il ne se
prive pas, là-bas aussi, de les aimer et de leur
parler.
Ainsi, je ne crois pas non
plus à l'œcuménisme qui vise à l'unité
formelle des Chrétiens, à une Eglise unique que
Dieu n'appelle peut-être pas tant que cela. Mais
je crois à la diversité des humains et des
Eglises, voulues et données par Dieu.
Et je crois avec ferveur au respect, au
dialogue, à l'action commune et fraternelle
entre Eglises et entre religions ; mais aussi à
une parole franche entre elles.
Je ne crois pas, hélas pour
nous, que Dieu sauvera notre planète et
l'humanité malgré nous, de tous les maux que
nous leur infligeons et qui les menacent
aujourd'hui.
Je crois que l'espèce humaine peut disparaître,
capable de se suicider collectivement, et que
cela ne dépend que de nous et de notre
responsabilité. Mais je crois que Dieu est prêt
à nous y aider, à nous donner la volonté, le
discernement, le courage et l'intelligence
collective pour nous sauver, non pas seuls, mais
avec Lui.
Et je crois que de toute façon, le Créateur
dispose d'autres cartes, d'autres humanités à
aimer, ailleurs dans l'univers. Notre fin ne
serait pas celle de son amour.
Enfin...
Je ne crois pas que ce que nous croyons ou
ne croyons pas soit important, à commencer par
ce que moi-même je crois ou ne crois pas. Mais
je crois que seule est importante la prière, ce
dialogue que nous pouvons entretenir avec Dieu,
l'écoute intérieure de ce qui est infiniment
plus grand que nous, la relation personnelle et
intime avec notre Dieu, quelle que soit la façon
dont nous le nommons, le concevons, ou nous le
figurons, et quelles que soient les affirmations
dogmatiques que nous pouvons tous élaborer, moi
le premier.
Je fais plus que le croire,
je le sais pour le vivre : l'essentiel,
c'est cette relation, ce dialogue quasi
permanent avec Dieu, avec l'Esprit, cette
intimité et cette confiance que nous voudrions
permanentes. L'essentiel, c'est de prier,
infiniment plus que de définir des dogmes...
Prier, pour aimer. Car pour aimer, définir ne
sert pas à grand'chose.
« Seigneur, à qui irions-nous ? Tu
as les paroles de la vie éternelle. »
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