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Le style des textes bibliques

permet-il de les dater ?

 

 

L'histoire du canon tripartite et du texte biblique
extrait du cours au collège de France
du 21 mars 2019



Thomas Römer


le style oral a été conservé

 

14 avril 2019

Peut-on dater précisément les textes bibliques en considérant le style de l’hébreu dans lequel ils ont été rédigés ? Y a-t-il une « évidence linguistique » ?
Il convient de faire la distinction entre l’ « hébreu biblique classique » et l’ « hébreu biblique tardif ». Comme toutes les langues l’hébreu a connu une évolution. Les livres des Chroniques, par exemple, sont écrits dans un hébreu différent de celui des livres des Rois. Cela pourrait montrer que les Chroniques sont plus récentes que les Rois.
Cette méthode est très suivie, surtout aux États-Unis, en partie en Israël, plus à Jérusalem qu’à Tel Aviv. En Europe on est hésitant.

Mais la première question qui se pose est de savoir si l’hébreu biblique était une langue parlée. Car seule une langue parlée peut évoluer.
L’hébreu biblique qui est en partie l'invention d'un groupe appelé les Massorètes était parlé de cette manière aux 7e et 8e siècle ? Ce n’est pas sûr.

De plus, peut-on postuler une langue d’hébreu biblique unifié ? Dans le Nord, à Samarie, parlait-on exactement de la même manière qu’à Jérusalem ou à Béershéba ? Il y avait certainement des variantes dialectales.

Tout le monde est d’accord que le livre de Qohêlêt, l’Ecclésiaste, est un des derniers livres de la Bible hébraïque. C’est un hébreu tardif que l’on va retrouver plus tard dans l’hébreu de la Michna, dans l’hébreu rabbinique. En même temps, l’histoire de Jonas que l’on date de l’époque hellénistique ou la première partie de Zacharie qui est déjà datée de l’époque perse sont écrits dans un hébreu tout à fait classique.
Il est difficile de se contenter de prendre l’état linguistique d’un texte. Il est donc difficile de fixer une ligne de démarcation précise entre l’hébreu biblique classique et l’hébreu biblique tardif.

Cynthia Edenburg de l’université de Tel Aviv a fait l’observation très intéressante que les textes admis généralement comme tardifs, datant de la période perse, ont la même particularité que l’on trouve dans les inscriptions hébraïques que l’on trouve en dehors de la Bible du 9e et 8e siècles : ils collent directement au verbe l’accusatif des pronoms. On a donc ceci à la fois dans les textes tardifs et dans les inscriptions du 9e siècle.
L’hébreu biblique est donc autre chose que simplement une sorte de photo d’une langue à un moment précis. C’est une langue qui est devenue une langue sacrée et dont la longévité a dépassé le stade parlé.

D’ailleurs les rédacteurs, les réviseurs du texte, quand ils ont trouvé le texte, quand ils ont ajouté au texte, savaient évidemment écrire de la même manière que le texte qu’ils étaient en train de rédiger, d’actualiser. Les scribes savent très bien comment il faut écrire pour rester dans le même style que l’Exode, les Proverbes etc.
Le fait que le seul livre, Qohêlet, qui, très clairement, est écrit en hébreu tardif l’est sans doute car il est le seul livre de la Bible écrit d’un seul trait. Écrit au 3e siècle, il est compréhensible qu’il soit écrit en hébreu tardif. Pour les autres c’est plus difficile.
On le sait aussi à l’extérieur de la Bible : les scribes mésopotamiens aux 6e, 5e siècles, savaient encore écrire en sumérien alors que personne ne parlait plus cette langue depuis 1000 ans.

Il faut donc être très prudent avec cette idée qu’il n’y a qu’à décider que ceci est de l’hébreu classique et cela de l’hébreu tardif. Il y a des gens à Jérusalem qui disent que tout le Pentateuque a été terminé aux 7e, 6e siècles car il est écrit en hébreu classique. Mais c’est oublier que les scribes peuvent en effet, encore à l’époque hellénistique, écrire en hébreu classique s’ils travaillent sur un certain texte.

Pour dater un texte biblique on peut être attentif au style, mais il ne donne pas de solution toute faite.

 

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