Au-delà des croyances
Beyond Belief
larges extraits
Don Cupitt
Traduction Gilles Castelnau
16 janvier 2018
En l’an 1910, lors de la grande Conférence missionnaire mondiale d’Édimbourg (voir sur ce site) on répétait le slogan « Le monde pour le Christ dans notre génération ». Les délégués étaient convaincus que le monde entier serait prochainement évangélisé tout entier et que le christianisme y prévaudrait partout. Dans l’ambiance de toute-puissance de leurs empires coloniaux, il semblait évident aux Européens qu’ils devaient étendre dans le monde entier l’influence de leur religion de même qu’ils construisaient partout des chemins de fer.
Moins d’un siècle plus tard tout est différent. Le christianisme qui était la plus répandue et la plus organisée de toutes les religions est certes toujours la plus nombreuse et celle qui a donné naissance à un monde certes moderne, mais profane et séculier. Un monde libéral et démocratique à la technologie scientifique, admettant les droits de l’homme et la mondialisation commerciale mais qui n’a plus grand chose de religieux.
L’Église est relativement faible et impopulaire et sa doctrine chrétienne est largement récusée. Elle a été vaincue par la critique philosophique, l’analyse historico-critique de la Bible et l’évolution générale de la société vers un état d’esprit de liberté individuelle.
Comment interpréter ce changement et que peut-on y faire ? Une nouvelle Réformation du christianisme est-elle possible ? et si oui, jusqu’où devra-t-elle aller ?
A mon avis, il est maintenant trop tard pour faire accepter une réforme qui se contenterait de simplifier et de mettre à jour les doctrines de l’Église. Il nous faut passer de la religion médiatisée par l’Église avec les textes réglementaires, le contrôle par les prêtres, l’administration par l’intermédiaire de rites sacramentaires et trouvant son accomplissement dans l’au-delà à une spiritualité directe et vécue dans l’immédiateté.
En termes théologiques on dira quitter l’Église pour le Royaume.
La religion d’Église telle que nous la connaissons ne peut être que provisoire. Sa grande et puissante organisation avec tout son système de symbole n’était, d’ailleurs, prévue que dans l’attente du Royaume que Jésus avait promis qui ne surviendrait qu’à la fin du mode ou au moins après la mort individuelle.
Elle se fondait sur l’idée d’autorité et celle de tradition et sur la foi en l’accomplissement de ce qu’elle promettait. Le salut y était toujours objet de foi à venir et ne se concrétisait jamais.
Il ne faut pas chercher à sauver ce système mais plutôt revenir au Royaume de Dieu qui n’est pas identifié à des dogmes et que l’on peut vivre directement sans attendre l’au-delà.
La religion d’Église est basée sur la foi, la religion du Royaume est simplement vécue.
La religion d’Église est une attente et une préparation dans la foi en vue d’un monde meilleur que seul Dieu peut apporter et que l’on connaîtra dans l’au-delà.
Elle était d’ailleurs étrangement pessimiste et entrainait une attitude passive consistant seulement à croire au salut que Dieu était en train de promouvoir à sa manière et pour la venue duquel il n’y avait pas grand chose à faire.
En effet l’Église n’a jamais imaginé avant les années 1770 qu’elle puisse s’intéresser à l’amélioration de la société. Elle était concernée par certaines causes humanitaires bien spécifiques et notamment au début de l’ère victorienne par l’idéalisation du mariage, de la famille et de la vie privée. La réflexion sur la vie économique et politique et sur les relations internationales n’a provoqué récemment que des discours d’intérêt général.
Mais on peut dire que la religion d’Église ne s’est globalement occupée que des pratiques rituelles de ses fidèles en attendant le « monde meilleur » que Dieu instaurera – ou dans lequel il nous accueillera.
Finalement, aux yeux de la plupart des gens, la religion est une institution respectée, elle représente une foi en laquelle il convient de croret et un ensemble de « devoirs religieux » que les fidèles « pratiquants » doivent accomplir.
La religion d’église est comprise comme devant être crue et pratiquée mais il est rare que les fidèles pensent la vivre pleinement.
La religion du Royaume est par contre simplement un style de vie consistant à vivre sa vie aussi pleinement que possible.
La religion d’Église n’incite pas – et on en est tout à fait conscient - à s’engager à fond dans la vie. On y est toujours un peu détaché de la vie du monde, on ne s’y salit pas vraiment les mains, on pense toujours vaguement à l’au-delà et à la mort.
Par contre la religion du Royaume est à cent pour cent ardente et chaleureuse, consciente de l’éphémère de la vie.
La religion d’Église incite à tourner ses regards vers le futur, la religion du Royaume est focalisée sur l’instant présent, et ne considère que l’ici et maintenant.
La religion d’Église a le temps pour elle et incite à la patience alors que la religion du Royaume est brûlante de désir car elle comprend que l’on vit déjà les derniers jours.
[...]
La religion organisée dans un monde organisé
Les clercs qui étaient les responsables de la structuration de la société ont commencé au 17e siècle à laisser la place à des administrateurs modernes comme par exemple Colbert, ministre des finances de Louis XIV. Des progrès considérables ont eu lieu au temps de Napoléon. Mais c’est de nos jours que l’ordinateur et internet ont le plus changé la vie quotidienne. En Occident, la vie est désormais plus étroitement structurée, programmée, régulée, optimisée que jamais. Et cela la rend même oppressante.
Il n’est pas étonnant que les gens boudent un système religieux strictement encadré par des traditions archaïques et d’ailleurs inefficaces surgies du passé alors qu’ils aspirent à une spiritualité libre ouvrant à des expériences de foi personnelles menant même, et pourquoi pas, au mysticisme. Une religion qui nous soulagerait de nos vies super organisées.
C’est en pensant à tout cela que je pense à une nouvelle réforme du christianisme nous faisant passer de la discipline à la liberté, d’une religion structurée à une découverte spirituelle libre et de l’Église au Royaume.
Dans les années 1840 un passage de la religion de l’Église à celle du Royaume a lieu sous influence de l’humanisme qui insuffle les idées libérales de la démocratie, des droits de l’homme, d’une éthique humaniste, du respect de la création et de la modernité dans les arts.
Cette nouvelle culture assimile la pensée chrétienne si complètement que l’on ne pense même plus à se définir comme chrétien. Les conservateurs religieux n’acceptent pas cette évolution et se réfugient dans la réaffirmation des expressions religieuses traditionnelles.
Ceci a un aspect paradoxal : l’Église n’existe que pour promouvoir le Royaume et lorsque celui-ci surgit, elle le refuse, se déclare hostile et s’y oppose.
C’est une situation diabolique et nous avons désormais à y faire face.
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