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Un christianisme séculier


 

 Don Cupitt

 

London SOF Conference

 

 

21 mars 2014

Je suis un chrétien séculier, je pratique une réflexion critique. Pour moi il y a un seul monde qui est notre monde et une seule vie qui est notre vie. Le langage que nous utilisons s’est créé progressivement pour nous permettre d’exprimer les événements de notre vie quotidienne et il est vraiment inadapté s’il s’agit d’un monde supérieur supposé éternel ou surnaturel.

Il semble qu’aujourd’hui on tienne la sécularisation du monde pour acquise et pourtant le christianisme est peut-être la religion la plus difficile à moderniser car elle est, plus que les autres, enracinée dans un système sophistiqué de croyances concernant le monde surnaturel dont nous sommes issus, avec lequel nous avons des relations quotidiennes et où nous retournerons finalement, le monde de Dieu, Père, Fils et Saint Esprit ; le monde de saint Michel et des neuf familles d’anges, de la Vierge Marie et de plusieurs milliers de saints.
Un monde surnaturel d’où nous vient l’exaucement de nos prières de guérison, les dons de la grâce divine et les connaissances que nous produire la révélation divine, l’illumination et l’inspiration. Cette conception s’est développée lorsqu’on s’est mis à raconter le grand mythe de l’histoire du monde en commençant par le récit de la Création, puis la Chute et la Rédemption.
D’ailleurs le récit commence déjà dans l’éternité de Dieu avec la création des anges, la rébellion de Lucifer et de ses démons ; il se termine avec l’enfer et le triomphe final des élus au paradis.

L’ensemble de cette puissante théologie surnaturelle était déjà en place lorsque le roi Charles II restaura le trône d’Angleterre en 1606. La Bible était encore la source principale de la cosmologie et de la connaissance de la préhistoire. Dans la Liturgie anglicane et dans les principaux écrits de John Milton (1608 - 1674) et de John Bunyan (1628 - 1688), l’ancienne conception du monde fondée sur la religion fonctionnait pratiquement encore. Milton connaissait la science moderne, mais il pensait sans doute que sa vision protestante traditionnelle des choses avait un avenir car sinon il n’aurait pas risqué sa réputation en écrivant comme il l’a fait son Paradis Perdu.

En 1679, Isaac Newton publia son grand livre qui devait faire de la physique scientifique la reine des sciences en remplaçant la connaissance traditionnelle dont les théologiens prétendaient qu’elle était révélée par Dieu par la nouvelle connaissance critique et fondée sur des preuves. Ce changement mit du temps à se faire accepter notamment parce que la cosmologie de Newton n’expliquait pas comment l’univers et le système solaire avaient pris naissance et étaient parvenus à leur état actuel.

En 1755 Kant et Laplace ont élaboré une théorie convaincante de la formation du système solaire. Les géologues et les biologistes ont fait un grand pas de plus en élaborant une hypothèse de l’histoire totale considérablement plus convaincante que les anciens récits bibliques.

Les conceptions surnaturelles ont néanmoins perduré jusqu’à deux grands événements. En 1781, la Critique de la Raison pure de Kant affirma que l’esprit fini de l’homme était capable d’une connaissance scientifique objective mais ne pouvait pas pénétrer l’éternité surnaturelle d’un monde au-delà de notre expérience concrète. Kant récusait la croyance selon laquelle l’homme pouvait prouver l’existence de Dieu et aucun philosophe majeur n’a plus prétendu depuis être encore un croyant pleinement orthodoxe des affirmations de l’Eglise.

C’est alors que se produisit la crise de la critique biblique. A la fin du 18e siècle, dans les universités allemandes, des professeurs ont appliqué à la Bible les méthodes de l’analyse critique rigoureuse. Sans entrer dans les détails, mentionnons seulement l’événement que fut en 1835 la publication de La Vie de Jésus de David Friedrich Strauss qui montrait comment un prophète juif du 1er siècle a été graduellement mythologisé dans l’esprit de ses disciples. L’ancienne croyance naïve que « la Bible est la Parole de Dieu » était devenue insoutenable.

Dès lors on a progressivement reconnu que c’était tout le système de la doctrine chrétienne qui était une construction humaine et que lorsqu’on lit attentivement la Bible on constate qu’elle n’enseigne ni ne soutient la doctrine traditionnelle.

Par exemple, c’est un seul auteur du Nouveau Testament, nommément Jean, qui décrit Jésus comme l’incarnation dans une forme humaine d’un être céleste préexistant. Mais même dans l’évangile de Jean, le Seigneur incarné n’est pas présenté comme Dieu égal à Dieu. En fait, aucun livre du Nouveau Testament n’enseigne réellement les doctrines orthodoxes de la Trinité ou de l’Incarnation. Elles ne sont pas révélées par Dieu dans la Bible mais sont l’émanation de débats théologiques et de conflits de pouvoir ultérieurs.

Comment les Églises ont-elles réagi à cette évolution ?

1. Les conservateurs ont décidé de rejeter l’analyse critique et se sont engagés dans la contre-culture. Ils attribuent une énorme importance, pour la foi, à l’autorité qui est devenue à leurs yeux – comme on le dit ironiquement – le don surnaturel de croire des trucs dont vous savez qu’ils ne sont pas vrais.

2. Les libéraux prétendent être tout à fait critiques mais ils s’accrochent précautionneusement à la foi officielle de l’Église. Le Dr. Rowan Williams (le précédent archevêque de Cantorbéry) est bien connu comme représentant de cette tendance et de ses difficultés.

3. Un peu plus à gauche il y a un 3e groupe, celui qui dit que, certes, les affirmations traditionnelles sont celles d’une mythologie créée par l’homme mais que néanmoins elles transmettent de précieuses conceptions religieuses et représentent la meilleure des mythologies. C’est le cas d’un très grand nombre de prêtres et de laïcs ainsi que des non-réalistes de Sea of Faith qui demeurent dans l’Église.

Ces trois manières d’assumer la modernité sont douteuses et dérisoires car aucune des trois ne peut résoudre l’opposition du monde de la religion avec celui de la science moderne. Et notre religion traditionnelle et en train de disparaître rapidement car elle ne s’accorde pas avec la vérité que nous connaissons. Ou bien nous devrons l’abandonner et nous faire bouddhistes ou nous inventerons une nouvelle religion laïque, ou nous réussirons à métamorphoser le christianisme en un humanisme religieux séculier.

Je suis prêtre anglican depuis plus de 50 ans et c’est une manière de penser de ce troisième type que je m’efforce d’élaborer. Je la nomme parfois « théologie du Royaume » en référence avec le monde nouveau que Jésus prêchait. Mais c’est l’Église qui est arrivée dans les années 50 du 1er siècle avec les luttes internes des premiers ecclésiastiques Pierre, Jacques et Paul qui essayaient d’expliquer la catastrophe de l’horrible mort de Jésus. Ils ont dit que Dieu avait exalté Jésus en l’élevant au monde surnaturel, ce qui signifiait qu’après tout, on accepterait encore un peu l’ancien monde pendant une période où l’Église (conduite par le clergé) pourrait recruter des bataillons de croyants qui se purifieraient eux-mêmes dans l’attente du retour sur terre de Jésus dans la gloire du Royaume du nouveau monde. Jésus avait dit : « le Royaume commence maintenant ! » et l’Église a dit : « non, il est retardé pour un bon moment durant lequel vous respecterez la discipline ecclésiastique ».

Ce nouveau christianisme ecclésiastique a donc été, dès le début, totalement préoccupé par le monde surnaturel, le Monde d’En-Haut, le Monde à venir. Obsédé aussi par l’idée de purification au point que, pendant 1500 ans, tous ses dirigeants ont été des célibataires. Et c’est dans cette ambiance que Jésus lui-même s’est trouvé lourdement mythologisé en un Christ divin, un être céleste, le Fils éternel de Dieu : dans le credo sa vie et son message se sont trouvés réduits à une simple virgule séparant les mots « né de la vierge Marie » de « il a souffert sous Ponce Pilate ».

Ce christianisme était tellement focalisé sur l’autre Monde qu’il présentait ce monde ci comme sans valeur. C’est ainsi que dans le Prayer Book de la liturgie anglicane de 1662 – qui est encore appréciée par de nombreux conservateurs – une prière de la liturgie d’enterrement remerciait Dieu d’avoir délivré le défunt « des souffrances de ce monde pécheur ».

Aujourd’hui les choses ont changé ; on a abandonné les derniers souffle de croyance en la venue d’un monde meilleur. Les funérailles célèbrent la vie du défunt car on ne croit plus au Jugement dernier et à la vie après la mort. On a de même renoncé aux espoirs socialistes de la venue d’un Grand soir. On a pris conscience de vivre désormais dans le seul Monde que nous connaîtrons jamais. C’est ce que dans mon vocabulaire j’appelle « c’est tout ». C’est tout pour moi. J’ai 79 ans et bientôt c’est tout ce que j’aurai eu. C’est comme un réveil qui sonne : le christianisme de l’Église est une illusion comme les terroristes qui croient aller directement au ciel en se suicidant. Ce qu’il faut c’est se contenter de la vie qu’on a, la vivre intensément et surtout généreusement et nous donnant nous-même à l’amour comme s’il n’y avait pas de futur, car en réalité il n’y en a pas.

L’enseignement moral du Jésus historique, tel qu’on peut le reconstituer par l’exégèse critique, était entièrement tourné vers les relations humaines et la réalisation de la vie personnelle. On peut s’étonner qu’il ait été tellement séculier si l’on oublie qu’ « il n’y aura pas de Temple » dans le monde nouveau (Apocalypse 21.22), pas d’organisation religieuse et pas de divinité centralisatrice.
Dans ce Royaume Dieu est disséminé dans une « lumière » universelle, une intelligence lumineuse qui ne laisse place à aucune obscurité. C’est un monde purement humain où il n’y a pas de discrimination et où les cœurs sont ouverts. Il n’y a pas d’au-delà, pas d’avenir à attendre et donc pas de déception à subir.
Nous ne sommes pas des âmes immortelles : nous n’avons qu’une vie à vivre. Nous ne devons pas être dominateurs et profiteurs car nous sommes en fait incapables de l’être vraiment. Nous devons vivre nous-mêmes pleinement. Le dicton populaire est vrai qui dit : « utilise-le ou perds-le ». Brille comme un soleil. Épanouis-toi. Ne fais pas de comparaison. N’exige pas tes droits. Vis seulement et sois heureux !

Ce dont nous avons le plus besoin est d’accepter notre nature éphémère et de vivre avec les autres. C’est ce que j’appelle « vivre comme un soleil » : tout en générosité et amour de la vie.

Que penser dès lors de l’argument selon lequel l’éthique du Jésus historique était trop élevée pour les humains que nous sommes comme la quête du saint Graal l’était pour les chevaliers du roi Arthur et a conduit à la ruine de la Table ronde.

Au contraire, l’argument de Jésus est qu’à moins d’être super-généreux nous ne réussirons jamais à construire sur la terre un monde de paix parmi les hommes. Une justice humaine n’y suffira pas. En Irlande du Nord, par exemple, tout le monde a compris qu’il n’y aura pas de vraie réconciliation si les gens n’acceptent pas de rencontrer leurs anciens ennemis, de leur parler dans la rue et de manger avec eux.
Nombreux sont ceux qui en ont compris la nécessité morale et qui le font déjà. Il ne faut pas croire que Jésus aurait enseigné un amour juste et réciproque avec son prochain. Ce n’est pas Jésus qui l’a fait, c’est Moïse. Jésus a dit que ce n’était pas suffisant. Il a enseigné l’amour pour les ennemis ; un amour qui ne serait pas réciproque mais insensé.
Il était, au fond, un contestataire et il n’est pas étonnant que sa doctrine ait été censurée par le concile de Trente. L’Église a toujours prétendu qu’à cause du Péché originel les hommes étaient incapables de pratiquer l’éthique de Jésus et devaient plutôt se soumettre de manière stricte aux lois de la société civile et de l’Église.

Mais Jésus avait bien dit que nous pouvons et devons dépasser les conceptions humaines de la loi et de la justice. C’est d’ailleurs bien ce que nous faisons aujourd'hui, par exemple en donnant gratuitement notre sang et d’autres organes à des malades que nous ne connaissons même pas. On est parfaitement capable de vivre le Sermon sur la montagne et d’ailleurs on le fait.

En résumé, Jésus a prêché la venue du Royaume. Il est temps de commencer à vivre la vie du Monde nouveau comme si on est arrivé à la fin des temps. Mon idée est d’être un chrétien séculier, laïc de la fin de ce monde. J’ai parfois appelé ma religion « vide et lumière », « humanisme radical et vide », « religion de la vie », « théologie du Royaume ». C’est ici que nous en sommes, nous les post-chrétiens occidentaux et je trouve cela bien. Je ne m’en plains pas.

 

 Traduction Gilles Castelnau

 

 

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