Marcus Borg
professeur de théologie à l'université de l'État d'Oregon, États-Unis
5 décembre 2010
J’ai récemment été invité à écrire un essai afin de dire si la résurrection de Jésus était « physique et corporelle » ou bien « spirituelle et mystique. » La distinction est utile : elle fait comprendre que les chrétiens ont compris les significations de Pâques de différentes manières. Mais pour plus d’une raison, et compte-tenu des significations habituelles de ces mots dans l'anglais moderne, je n'aime aucune de ces options.
Je commence par le positif - par ce que nous pouvons dire avec certitude de la signification de Pâques dans les évangiles et le Nouveau Testament. Celle-ci est double : Jésus est vivant et il est Seigneur.
Les deux convictions sont enracinées dans une expérience. Certains des disciples de Jésus l'ont expérimenté après sa mort comme un personnage du présent, et pas seulement du passé. Et ils l'ont éprouvé comme une réalité divine, maintenant « unie à Dieu » et « à la droite de Dieu. »
Beaucoup de ces expériences étaient des visions. L'expérience de Paul de l’apparition de Jésus ressuscité sur la route de Damas, décrite trois fois dans des Actes 9, 22 et 26 et mentionnée par Paul dans Galates 1, était manifestement une vision. C'est arrivé quelques années - trois à cinq - après la mort de Jésus.
Dans 1 Corinthiens 15, Paul se réfèrent à son expérience comme faisant parti d’une série d'autres visions de Jésus - à Pierre, aux douze disciples (quoiqu'évidemment pas Judas), Jacques et cinq cents personnes à la fois.
Les visions sont « de l'ordre de la vue », comme le mot l’indique. Souvent les visions impliquent l'observation et l'audition d'une personne sous une apparence corporelle et peuvent même inclure le toucher - le sens du toucher ou l’étreinte.
Mais les visions ne comportent pas toujours la contemplation d'une forme corporelle. Les Actes décrivent ainsi la vision de Paul du Christ ressuscité : Paul a vu une lumière brillante, mais pas une forme corporelle. Alors une voix a identifié la lumière brillante comme étant Jésus. Pourtant Paul peut dire, comme il le fait en Corinthiens 9.1, « j'ai vu le Seigneur. »
En plus des visions de Jésus, je pense qu'il existait des expériences non-visionnaires – de l’ordre de la même présence et de la même puissance que ses disciples avaient reconnu en Jésus durant sa vie historique. « L'Esprit du Seigneur » était sur lui, comme les évangiles le disent - et ses disciples ont continué à expérimenter le même Esprit après sa mort.
Quelque chose dans ces expériences a conduit à la seconde signification de Pâques dans les évangiles et le Nouveau Testament. Non seulement ce Jésus vit, qu'il est une figure du présent et non seulement du passé, mais qu'il est « Seigneur » - une réalité divine, une avec Dieu et ayant les qualités de Dieu, « à la droite de Dieu. »
Ainsi Paul se réfère à Jésus ressuscité dans des Actes et dans ses lettres : Jésus est Seigneur. De même dans l'épisode de Thomas en Jean 20. Quand Jésus lui apparaît, Thomas s’écrit, « Mon Seigneur et mon Dieu ! » De même en Matthieu 28 et en Luc 24, on nous dit que les disciples « ont adoré » Jésus ressuscité.
Cette seconde signification de Pâques distingue les apparitions de Jésus des apparitions de quelqu’un qui est mort. Des études indiquent qu'environ la moitié des conjoints survivants font au moins une expérience frappante de leur conjoint décédé. Mais s'ils la font, ils ne s'exclament pas « Mon Seigneur et mon Dieu » comme si leur conjoint était désormais Seigneur et uni à Dieu. Or, il y avait quelque chose dans les expériences de Jésus après sa mort qui a conduit à cette exclamation. C’étaient des expériences « numineuses » - les expériences du sacré - et pas seulement des expériences « fantomatiques » d'une personne morte.
Une Résurrection Physique/corporelle ?
À cause de la signification habituelle « de physiques / corporelles » dans l'anglais moderne, je ne pense pas que la résurrection de Jésus signifie cela. Physique/corporelle signifie charnelle, moléculaires, cellulaire, existence matérielle.
Mais Jésus ressuscité n'est pas dans ce sens une réalité physique/corporelle. Les récits de résurrection dans le Nouveau Testament le font comprendre. Jésus ressuscité apparaît dans une pièce fermée (Jean 20). Il voyage avec deux de ses disciples pendant deux heures environ et n'est pas reconnu - et quand il est reconnu, il disparaît (Luc 24). Il apparaît aussi bien à Jérusalem (Luc et Jean) qu’en Galilée (Matthieu et Jean). Il apparaît à Etienne au moment de sa mort (Actes 7). Il apparaît à Paul à ou près de Damas comme une lumière brillante (Actes 9). Il apparaît à l'auteur de l’Apocalypse dans une île au large de la côte de la Turquie à la fin des années 90 du premier siècle (Ap 1).
Ces récits ne parlent pas du retour de l’être de Jésus à sa vie corporelle antérieure. Si de tels événements arrivent, ce sont des réanimations : les personnes réanimées reprennent la vie physique finie qu'ils avaient auparavant et mourront de nouveau un jour. Quelque soit la signification de l'affirmation de la résurrection de Jésus, elle ne veut pas dire çà.
De plus, que pourrait vouloir dire que Jésus ressuscité est une réalité physique/corporelle ? Qui continuerait une vie moléculaire, charnelle, cellulaire existant quelque part ? Cela a-t-il du sens ? Comment Jésus ressuscité et vivant pourrait-il être parmi nous et avec nous, partout présent, s'il est physique et corporel ?
Une Résurrection Mystique/Spirituelle ?
Je refuse aussi cette option à cause des acceptions courantes de ces mots en anglais moderne. Appeler quelque chose « mystique » ou dire « que cela est du ressort du mysticisme » signifie généralement que vous ne devez pas prendre ça au sérieux.
Et étant donnée la conception du monde moderne selon laquelle le physique et matériel sont une réalité plus grande que « le spirituel », parler de la résurrection de Jésus comme « purement spirituelle » lui assigne une signification moindre et généralement sans importance. C’est « juste spirituel » pas vraiment réel et vrai.
Ceci est malheureux, pour les significations antiques « de mystiques » et « spirituel » qui suggèrent une réalité qui est plus importante, plus significative, que le monde spatio-temporel de notre expérience quotidienne ordinaire.
Dans les sens pré-modernes de « spirituels » et « mystique », la résurrection de Jésus était double : le spirituel est le « vraiment réel » et le mystique est dans l’ordre de la connaissance, de l'expérimentation, le « vraiment vrai. »
La signification centrale de Pâques n'est pas que quelque chose soit survenue au cadavre de Jésus. Les significations essentielles sont que Jésus continue à être reconnu et qu'il est Seigneur. Le tombeau ne pouvait pas le retenir. Il est libre dans le monde. Il est toujours ici. Il appelle toujours en vue du royaume de Dieu.
Traduction Michel Leconte