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Le prophète Ésaïe

parlait-il de la vierge Marie ?

 

 

Gilles Castelnau

 

 


23 avril 2011

Les Églises du monde anglophone commémorent de mille manières le 4e centenaire de l’Authorised Version de la Bible, dite aussi King James car elle a été « autorisée » en 1611 par le roi Jacques Ier d’Angleterre.
Notons que ce roi Jacques, protestant et « chef » de l’Église d’Angleterre (anglicane) était le fils de la très catholique Marie Stuart. Celle-ci, à la mort en 1560 de son jeune époux le roi de France François II était retournée en Grande-Bretagne et était devenue reine d’Écosse.
La respectable Authorised Version fait toujours autorité (elle était même – après certaines modifications doctrinales - répandue dans les milieux Témoins de Jéhovah !) mais elle connaît actuellement une n-ième révision dont certains versets provoquent une émotion considérable. Le journal Libération s’en fait même l’écho dans son numéro du 23 avril.

Il s’agit notamment de savoir si l’on traduit par jeune fille (vierge) ou par jeune femme le mot du prophète Ésaïe que cite l’évangéliste Matthieu.

Esaïe 7.14  Voici, la jeune fille (ou la jeune femme) deviendra enceinte, elle enfantera un fils et elle lui donnera le nom d'Emmanuel.

Matthieu 1. 22-23 Cela arriva afin que s'accomplît ce que le Seigneur avait annoncé par le prophète : « Voici, la jeune fille sera enceinte, elle enfantera un fils et on lui donnera le nom d'Emmanuel ».

Le débat provient du fait que si le prophète Ésaïe annonçait au 8e siècle av. JC la naissance du fils d’une jeune fille (vierge), l’évangéliste Matthieu était légitimé d’y voir la prophétie de la naissance miraculeuse de Jésus né de la vierge Marie. Alors que si Ésaïe n’avait parlé que d’une « jeune femme », c’est-à-dire par exemple de l’épouse du roi Akhab, il n’était plus question de la virginité de Marie.

Matthieu écrit son évangile en grec, comme tous les auteurs du Nouveau Testament. Il emploie le mot « parthenos » qui désigne sans doute une jeune fille vierge. La traduction de son verset ne prête pas à discussion : « la jeune fille » ou « la vierge » sera enceinte...

 

Le mot hébreu « alemah »

Le mot hébreu employé par Ésaïe, « alemah », n’est pas d’une traduction facile. Il n’est utilisé que 6 fois dans l’Ancien Testament.

- D’une part il peut signifier « fille vierge ». Par exemple (et la récente édition de la Traduction Œcuménique de la Bible le souligne dans ses notes en bas de page) le mot alemah est utilisé en Genèse 24.43 où il désigne une fille vierge car Éliézer recherche une épouse (évidemment vierge !) pour Isaac :

Genèse 24.43 Voici (dit Éliézer) je me tiens près de la source d'eau. Une « alemah » viendra puiser de l’eau. Je lui dirai : laisse-moi boire, je te prie, un peu d'eau de ta cruche. Et si elle me répond : Bois et je puiserai ensuite pour tes chameaux, elle sera l’épouse que l'Éternel a destinée au fils de mon seigneur.

- D'autre part il peut signifier « femme mariée ». Par exemple Proverbes 30.19 remarque que la relation d’un homme avec une « alemah » ne laisse aucune trace (contrairement à une vierge qui en est déflorée) :

Proverbes 30.19  Quatre choses ne laissent aucune trace : L'aigle dans le ciel, le serpent sur un rocher, un navire sur la mer, l'homme chez la « alemah ».

 

La Septante

Matthieu ne cite d’ailleurs pas le texte hébreu d’Ésaïe mais la traduction de la Bible hébraïque en grec, dite de la Septante, réalisée au 3e siècle av. JC pour tous les Juifs de la diaspora méditerranéenne qui ne savaient plus l’hébreu. La Septante était la Bible généralement utilisée au temps de la rédaction du Nouveau Testament, même dans certaines synagogues de Palestine et c’est elle que lisaient et que citaient notamment Paul et Matthieu.
La Septante traduit, ici comme ailleurs, l’hébreu alemah par le grec parthenos. Au temps de Matthieu, il n’y avait pas de doute, une « parthenos » était une vierge.

 

Qu’avait voulu dire Ésaïe ?

Il s’adresse à Akhaz, roi de Juda, tellement angoissé devant la coalition qui le menace dangereusement du roi de Syrie allié au roi d’Israël du Nord, qu’il a sacrifié son fils par le feu :

2 Rois 16.3  Akhaz marcha dans la voie des rois d'Israël et même il fit passer son fils par le feu, suivant les abominations des nations.

Ésaïe cherche à l’encourager et lui propose un signe de la part de Dieu. Akhaz ne veut rien entendre et Ésaïe lui donne alors en signe de la présence fidèle de Dieu la naissance d’un autre fils :

Esaïe 7.14  Voici, ta femme deviendra enceinte, elle enfantera un fils et elle lui donnera le nom d'Emmanuel.

Ésaïe prophétisait-il la naissance de Jésus qui devait naître 800 ans plus tard ? La manière la plus simple de comprendre est naturellement de dire qu’Ésaïe s’adressait au roi Akhaz et à ses contemporains. Imaginer que – s’il avait eu Jésus en vue - les paroles d’Ésaïe seraient demeurées sans signification pendant 800 ans est absurde. Comment comprendre dans ce cas qu’il se soit trouvé des copistes pour transmettre de génération en génération des « prophéties » incompréhensibles et sans intérêt pour le présent ?

Par contre les contemporains de Matthieu pouvaient faire grand cas de cette ancienne citation en constatant que la présence de Dieu demeurait intacte et permanente par delà les siècles : Dieu toujours vivant, toujours secourable. Peuple de Dieu bénéficiant encore et toujours de la présence d’un fils de roi donné par Dieu.

 

Hébreu ou grec ?

Dans la polémique entre les premiers chrétiens heureux de se sentir reconnus par les anciennes « prophéties » et anciens juifs choqués de voir Jésus qualifié de « messie », le texte d’Esaïe 7 jouait évidemment un rôle important.

Les juifs, ennuyés de reconnaître que la Bible qu’ils lisaient comme tout le monde en grec dans la version de la Septante disait bien « la vierge sera enceinte » ont remarqué que l’original hébreu pouvait parfaitement être compris comme « la jeune femme sera enceinte », ce qui ne concernait pas spécialement la « vierge » Marie. C’est alors que la synagogue a abandonné la lecture de la Septante pour revenir à l’hébreu.

- Les chrétiens ont continué à lire la Septante jusqu’à saint Jérôme (347-420 ap. JC). Saint Jérôme. Ce Père de l’Église s’était installé à Bethléem où il traduisait la Bible en latin, langue devenue universelle en Occident. Il traduisit en latin le Nouveau Testament qui était écrit en grec. La question se posa à lui pour la traduction de l’Ancien Testament. Convenait-il de traduire en latin le texte grec de la Septante que tout le monde lisait dans le monde chrétien ou de traduire le texte hébreu original que les juifs avaient retrouvé ? Son grand adversaire saint Augustin, évêque algérien, lui conseilla la Septante. Il opta donc au contraire pour l’hébreu avec le slogan : « veritas hebraïca ».

 

La Vulgate

Jérôme était un érudit remarquable et sa traduction – la Vulgate – a été déclarée version officielle de l’Église catholique par le concile de Trente de la contre-réforme et a été lue jusqu’à récemment par les prêtres.
Il était néanmoins un catholique mystique et disciple fidèle des dogmes des grands conciles. Il jugea bon d’orienter sa traduction d’Ésaïe 7 en « la vierge (virgo) sera enceinte ». Ce qui est vraiment exagéré.

Il est vrai qu’arrivé ensuite au récit de l’Annonciation angélique de l’Évangile de Luc, il n’hésita pas à traduit Luc 1.28 : « Je te salue, toi à qui grâce a été faite, le Seigneur est avec toi » par « pleine de grâce » (plena gratia). Ce qui lui parut plus en accord avec la piété mariale bien que la grammaire ne le permette pas.

 

Traduction et interprétation

Disons pour conclure que la traduction et l’interprétation des versets bibliques doivent obéir aux règles strictes de la science des textes et ne doivent en aucun cas être influencés par les options théologiques que l’on peut avoir par ailleurs.

C’est ainsi que désormais la vénérable Authorised Version du King James ne traduira plus Ésaïe 7 par « une vierge sera enceinte » (a virgin shall conceive) mais « une jeune femme ».

La non moins vénérable version Segond devrait bien abandonner aussi pour Ésaïe 7 son choix de « jeune fille » pour dire « jeune femme » à la suite de la traduction allemande de Martin Luther (Jungfrau) et rejoindre les traductions de la TOB, de la Bible de Jérusalem, du Rabbinat français, de la Bible en français courant et de bien d’autres.

 


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