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La Providence

 

André Gounelle

 

 

Jérémie 1. 11-14

La parole de l'Eternel me fut adressée, en ces mots :
- Que vois-tu, Jérémie ?
Je répondis :
- Je vois une branche d'amandier.
Et l'Eternel me dit :
- Tu as bien vu ; car je veille sur ma parole, pour l'exécuter.

La parole de l'Eternel me fut adressée une seconde fois, en ces mots : 
-  Que vois-tu ?
Je répondis :
- Je vois une chaudière bouillante, du côté du septentrion.
Et l'Eternel me dit :
- C'est du septentrion que la calamité se répandra sur tous les habitants du pays.

 

Habakuk 1. 2-4

Jusqu'à quand, ô Eternel ? ...  J'ai crié,
Et tu n'écoutes pas !
J'ai crié vers toi à la violence,
Et tu ne secours pas !
Pourquoi me fais-tu voir l'iniquité,
Et contemples-tu l'injustice ?
Pourquoi l'oppression et la violence sont-elles devant moi ?
Il y a des querelles, et la discorde s'élève.
Aussi la loi n'a point de vie,
La justice n'a point de force ;
Car le méchant triomphe du juste,
Et l'on rend des jugements iniques.

 

Épitre de Paul aux Romains 8. 31-35, 37-39

Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?
Lui, qui n'a point épargné son propre Fils, mais qui l'a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui ?
Qui accusera les élus de Dieu ? C'est Dieu qui justifie !
Qui les condamnera ? Christ est mort; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous !
Qui nous séparera de l'amour de Christ ? Sera-ce la tribulation, ou l'angoisse, ou la persécution, ou la faim, ou la nudité, ou le péril, ou l'épée ?
Mais dans toutes ces choses nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés.
Car j'ai l'assurance que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes ni les choses à venir, ni les puissances, ni la hauteur, ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur.

 

 

Prédication

 

 

18 juin 2007
Nous vivons dans un monde où
, semble-t-il, on rencontre beaucoup plus de chaudières brûlantes que de branches d'amandier. Pensons à ce qui s'est passé durant ces deux dernières années : tsunami, tremblements de terres, ouragans, épidémies, famines, attentats, massacres, violences et émeutes urbaines, assassinats d'enfants, scandales de toutes sortes, pollutions envahissantes, diminution inquiétante des ressources naturelles. L'actualité nous donne une image sinistre, calamiteuse, angoissante de notre monde, et il faudrait y ajouter les peines, les souffrances plus personnelles qui atteignent chacun d'entre nous. Où est Dieu dans tout cela ? Que fait-il ? Est-il indifférent, absent, inexistant ? Toutes ces misères, petites ou grandes, personnelles ou collectives ne démentent-elles pas qu'il y ait un Dieu qui nous aime et s'occupe de nous ?

Nous ne sommes pas les premiers à nous poser cette question, et ne croyons pas que hier les choses allaient mieux ou étaient plus faciles qu'aujourd'hui. Dès l'Ancien Testament, les prophètes interpellent presque insolemment Dieu : vas-tu, enfin, te décider à intervenir ? Job au milieu de ses désastres se demande dans une longue et émouvante plainte comment comprendre la présence et l'action de Dieu. Jésus sur la Croix s'écrie : « pourquoi m'as-tu abandonné ? » Toutes les générations de croyants ont été confrontées au malheur et leur foi a dû faire face à cette terrible interrogation : pourquoi Dieu n'arrête-t-il pas, n'empêche-t-il pas tout cela ?

À cette question insistante, taraudante, qui sans cesse resurgit, la tradition chrétienne a donné trois grandes réponses, des réponses différentes, voire opposées et contradictoires mais qui toutes les trois s'appuient sur un certain nombre de passages bibliques.

 

1

 

La première réponse fréquente dans l'Ancien Testament, souvent reprise par les Églises au cours de leur histoire et encore aujourd'hui, déclare que les catastrophes qui s'abattent sur nous sont voulues et envoyées par Dieu. C'est sa main qui nous frappe, et dans ce qui nous arrive il faut voir un châtiment et un avertissement. Un châtiment pour nos fautes, nos inconduites, nos dérèglements. Un avertissement pour que nous nous repentions, nous convertissions, et vivions autrement.

Ainsi les huguenots, après la Saint Barthélémy ou après la Révocation de l'Édit de Nantes, loin d'accuser leurs persécuteurs, se jugent responsables ; ils s'humilient, se déclarent coupables ; si nous avions été vraiment fidèles, disent-ils, si nous avions vécu comme Dieu le veut, alors les choses se seraient passées autrement, nous n'aurions pas eu à souffrir. S'il nous châtie ainsi, ajoutaient-t-ils, ce n'est pas par méchanceté, mais par amour pour nous corriger. Et nous entendons encore ce discours en particulier dans certains milieux qu'on nomme évangéliques et qu'on ferait mieux d'appeler évangélicalistes, car nous sommes autant sinon plus évangéliques qu'eux. Le sida, disent-ils, réaction de Dieu au laxisme sexuel. Les tours de Manhattan, réplique de Dieu à l'égoïsme et au matérialisme de l'Occident. Les malheurs collectifs punition d'une société qui s'écarte de Dieu, le méprise et l'oublie. Dans le roman de Camus, La peste, le père Paneloux, se faisant l'écho d'innombrables sermons prononcés à travers les âges, proclame du haut de sa chaire à ceux que l'épidémie menace et atteint : « vous êtes frappés, c'est votre faute ».

Même si je crois que nous avons toujours à nous interroger sur nos responsabilités, à nous repentir et à nous convertir, cette première réponse me scandalise et m'horrifie pour trois raisons.

D'abord, je trouve indécent de dire à ceux qui souffrent : non seulement vous êtes victimes, mais encore vous êtes coupables, et donc de les enfoncer encore plus dans leur malheur et leur désolation. C'est trop, c'est excessif, c'est exagéré. Job a bien raison, et Dieu l'en approuve, de protester violemment contre les discours de ce genre que lui tiennent ses amis. La croix, rappelons-le, ce n'est pas le coupable châtié, mais l'innocent, le juste torturé.

Ensuite, je refuse cette image d'un Dieu à la main lourde, qui punit à tour de bras, qui sévit avec violence et démesure, semblable à ces parents qui maltraitent leurs enfants parce qu'ils ne sont pas, c'est vrai, sages comme des images. Si l'évangile nous dit quelque chose, c'est bien que le Dieu de Jésus-Christ n'a rien d'un justicier tortionnaire.

Enfin, si cette première réponse, effectivement, peut s'appuyer sur un certain nombre de passages de l'Ancien Testament , Jésus lui-même la rejette. Quand ces disciples, voyant un aveugle-né, lui demandent : « qui a péché, ses parents ou lui, pour qu'il soit né aveugle ? » Jésus répond « ni lui ni ses parents », et il le guérit. Dieu n'est pas celui qui punit, mais celui qui sauve.

 

2

 

Deuxième réponse, plus présente dans la tradition judéo-chrétienne postérieure que dans la Bible. Elle déclare que Dieu ne veut pas ni n'envoie les malheurs, mais qu'il ne les empêche pas ; il les tolère parce qu'il veut que ses créatures soient libres et qu'il entend respecter l'autonomie du monde. Le monde fonctionne selon ses propres lois : les événements se produisent sans qu'il s'en mêle, les processus naturels suivent leurs cours sans qu'il interfère ; il ne manipule pas les choses et le gens. Il veut que l'univers et l'humanité vivent et fonctionnent indépendamment de lui. Au seizième siècle, des théologiens juifs de la kabbale parlent du tsim-tsoum, du rétrécissement, du repli ou du resserrement volontaire de Dieu. Il crée, disent-ils, en se retirant, comme la mer en reculant laisse la plage livrée à elle-même. Il ne submerge pas ses créatures par sa présence et sa puissance, il leur donne un espace où se mouvoir, où agir. Il se rétracte, s'éclipse, se fait discret, il n'intervient pas ni ne s'impose. Il nous laisse prendre nos décisions, il nous permet de devenir majeurs et responsables. Il prend ainsi un risque, celui qu'un jour ou l'autre tous les parents doivent accepter, quand leurs enfants grandissent, s'éloignent de la cellule familiale qui les protège certes, mais qui aussi, à un certain moment, les étouffe ou les emprisonne s'ils ne la quittent pas. Lorsque nous ressentons son absence et que nous nous lamentons parce qu'il ne vient pas à notre secours, nous n'acceptons pas notre condition, nous n'assumons notre dignité de créatures libres et responsables.

Cette réponse a été défendue après la deuxième guerre mondiale par le philosophe juif Hans Jonas et le théologien réformé Emil Brunner. Elle me choque moins que la précédente, mais elle ne me convainc pas ni me satisfait pour trois raisons.

D'abord, si on peut effectivement soutenir que les hommes portent la responsabilité, par leur inconscience et leur mauvais choix, des affrontements sociaux, de la pollution et de nombreux malheurs, il n'en va pas de même des catastrophes naturelles. En quoi un raz de marée, un tremblement de terre, une éruption volcanique, un ouragan relèvent-ils de responsabilités humaines ? Et comment peut-on dire qu'ils assurent notre autonomie ? Ils la détruisent plutôt ; s'ils ne s'en produisaient jamais, nous ne serions pas moins, mais plus libres.

Ensuite, que dire de parents qui voyant leurs enfants dans une profonde détresse diraient : « ils sont majeurs, ils ont fait leurs choix, c'est leur affaire, je ne m'en mêle pas », et qui les abandonneraient à leur sort quand il peuvent les aider ? Curieuse manière, vraiment, de les aimer, de respecter leur dignité et leur liberté.

Enfin, l'évangile ne nous parle pas d'un Dieu lointain et absent, mais d'un Dieu proche et présent, qui nous accompagne, nous soutient, nous réconforte. Souvenons-nous du thème de l'Emmanuel, qu'on mentionne toujours à Noël et qui sert à caractériser Jésus le Christ. Emmanuel, c'est-à-dire Dieu avec nous, nous avec Dieu, et non pas Dieu et l'homme distants, séparés l'un de l'autre, chacun menant son existence sans l'autre.

 

3

 

J'en arrive à la troisième réponse, dont j'ai le sentiment qu'elle prédomine dans le Nouveau Testament. Elle affirme que les catastrophes qui s'abattent sur nous et sur notre monde ne viennent pas de Dieu. Il ne les envoie pas, ni ne les tolère ; il ne les veut pas ni ne les permet. Elles se produisent parce qu'il ne peut pas les empêcher. Elles sont l'oeuvre de puissances hostiles à Dieu, qui s'opposent à lui autant qu'elles le peuvent. Nous ne pouvons rien dire sur leur origine, il y a là un mystère qui nous échappe. Ce qui est clair, c'est qu'elles sont en lutte contre Dieu, qu'elles contrecarrent et entravent son action. Dans une parabole, le propriétaire d'un champ constate que de l'ivraie s'est mêlée au blé, et il déclare : « c'est un ennemi qui a fait cela » ; ce champ figure le monde, où l'ennemi de Dieu sème et répand le mal. Paul parle souvent de ces forces hostiles à Dieu et aux hommes ; il les appelle tantôt dominations, autorités, puissances, tantôt principautés, princes de ce monde, prince des ténèbres. Il compare l'histoire du monde à une vaste bataille où le Christ affronte les adversaires de Dieu, et l'Apocalypse développe encore plus des images de ce genre.

Mais, objectera-t-on, Dieu n'est-il pas tout-puissant ? Dans un petit livre publié en 1999, le pasteur Étienne Babut a montré que la Bible ne parle pas de la toute-puissance de Dieu ; ce sont les traducteurs de la Bible qui l'ont, en toute bonne foi, introduite dans nos versions en rendant par « tout puissant » le mot hébreu El Shaddai qui signifie le montagnard ou le montueux, et le mot grec pantocrator qui veut dire le gouverneur ou le capitaine. Pour la Bible, s'il y a une toute-puissance de Dieu, ce n'est pas maintenant, aujourd'hui, ce sera plus tard, à la fin des temps, lorsque Dieu, comme l'écrit l'apôtre Paul, sera totalement en tous, c'est à dire en toutes choses et en tout être,

En attendant, certes, Dieu est puissant et il agit, mais il n'est pas tout puissant, il ne peut pas tout. Le malheur qui nous menace, nous angoisse et parfois nous atteint durement arrive contre sa volonté, sans sa permission et il est son ennemi comme il l'est le nôtre. Avec nous, il se bat et se débat contre le mal. L'assurance que donne la foi, c'est que en nous et dans le monde, les forces négatives ne l'emporteront pas, n'auront pas le dernier mot, que toujours une résurrection vaincra et dépassera les Croix, que tous les vendredis saints que nous vivons seront suivis d'une Pâques qui les surmontera, changera les situations les plus bloquées et ouvrira des perspectives nouvelles. Aucune difficulté, aucune catastrophe, aucun malheur ne pourra nous séparer de l'amour que Dieu nous a manifesté en Jésus le Christ. Rien n'arrivera à nous détruire définitivement et absolument, ni à empêcher le Royaume de s'approcher de nous, de s'implanter et de grandir parmi nous .

Telle est, me semble-t-il, la foi chrétienne en la Providence. Le mot « providence », comme celui de toute puissance, ne se trouve pas dans la Bible, il vient du stoïcisme et des religions magiques. En adoptant ce mot, le christianisme en a transformé le sens. Pour les stoïciens, la providence veut dire que tout ce qui arrive vient de Dieu et est bien. Pour le chrétien, il se passe des événements qui sont contraires à la volonté de Dieu, elle se heurte des résistances en nous et autour de nous. Notre foi ne nous conduit pas à accepter le malheur à nous y résigner, au contraire elle nourrit une révolte et un refus à l'égard de ce qui va et de ce qui fait mal. Dans les religions magiques, la providence donne l'assurance qu'on sera épargné, qu'on est protégé, à l'abri, que rien de fâcheux ne nous atteindra. Au contraire, le chrétien se sait exposé et vulnérable comme tout le monde. Regardez ce qu'a subi l'apôtre Paul : faim, maladie, dénuement, naufrages, persécution, coups et blessures, et probablement exécution. Il n'a pas été préservé et il ne s'est jamais attendu à l'être. Jésus n'a pas été épargné.

Alors que veut dire, pour un chrétien la Providence ? À mon avis, deux choses :

D'abord que dans nos difficultés, nos angoisses et nos souffrances, nous ne sommes pas seuls. Dieu nous accompagne, nous soutient ; il nous donne, comme l'écrit le théologien Rudolf Bultmann, « la force nécessaire pour traverser avec confiance les ténèbres et les tempêtes de l'existence ». Dieu ne nous laisse pas nous débrouiller tout seul. Il est avec nous. La Providence est cette présence en nous et autour de nous de l'amour et de la puissance de Dieu qui nous permet d'affronter ce qui nous arrive, de toujours faire face. La foi, comme l'a souligné un autre théologien Paul Tillich, est source de courage ; elle est courage.

Ensuite, la Providence, pour un chrétien, affirme que nous ne serons pas submergés, engloutis, écrasés, parce que dans notre monde et en nous, Dieu agit, se bat, et qu'il aura le dernier mot, qu'en fin de compte il l'emportera et que nous serons « plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés ». Le Royaume de Dieu, malgré tout ce qui l'entrave, saura, petit à petit, difficilement, à travers des revers et des échecs, mais avec une indestructible ténacité faire son chemin dans notre monde, dans notre vie. Jamais Dieu n'abandonnera la partie, ne cessera de lutter pour la victoire du positif sur le négatif, de la vie sur la mort, du bien sur le mal, du bonheur sur la misère. Il se battra jusqu'à la fin et, comme le disait Charles Wagner, la fin sera bonne.

 

.

J'en reviens à cette sombre actualité que j'ai évoquée en commençant et aux malheurs qui nous frappent. Que faire quand on est croyant, quelle attitude prendre ?

D'abord, résister à la sinistrose, au catastrophisme, au découragement qui tentent de nous envahir. Il nous faut résolument cultiver et entretenir l'espérance, non pas un optimisme aveugle qui pense que tout finira bien par s'arranger, mais une espérance qui se fonde sur la confiance en notre Dieu, en son action dans le monde et en nous contre les puissances démoniaques.

Ensuite, agir et réagir, nous mettre au travail. Certes, nous ne nous n'éliminerons pas les catastrophes naturelles, nous ne supprimerons pas les maladies et les deuils, nous n'éviterons les conflits entre les humains. Nous ne pouvons pas grand chose, c'est vrai, mais chacun de nous peut un tout petit quelque chose pour qu'il y ait une branche d'amandier de plus et une chaudière bouillante de moins. Et ce petit quelque chose, ne le manquons pas ; ne nous mettons pas en grève d'évangile et d'humanité, sachons être d'humbles ouvriers au service de Dieu pour un monde où le malheur, l'horreur et l'épouvante régressent. Notre travail si mince soit-il, si insignifiant qu'il puisse paraître, n'est pas vain, il participe et contribue à l'action de Dieu pour que son règne vienne.

Amen

 

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