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 Don Cupitt

 

 

14 octobre 2010

Je me suis senti engagé dans la foi chrétienne dès l’âge de 15 ans à partir de deux grands systèmes de pensée qui étaient enseignés en classe : le platonisme et le darwinisme.
La philosophie de Platon à laquelle la théologie chrétienne s’est presque toujours référée, enseigne que notre monde tire son existence et son sens d’un monde supérieur spirituel, invisible, surnaturel. Le fait que notre nature est dualiste - corps et âme, passions et raison - montre bien qu’une partie de nous appartient en fait à ce monde supérieur. Notre vie est un cheminement conduisant dans l’éternité à notre dernière demeure, où nous espérons pénétrer à notre mort.
Darwin, quant à lui, s’en tient à la seule réalité naturelle et immanente. Sa théorie dit qu’après un temps suffisant et avec un peu de chance l’évolution naturelle de la vie fait surgir d’elle-même les réalités les plus étonnamment complexes comme les yeux de la mouche, le cerveau  humain et même notre propre langage.
Bien que le darwinisme soit seulement - comme certains aiment à le souligner - une théorie scientifique, ses conséquences sont fantastiques. Si Darwin a raison, il semble bien qu’il n’y ait nul besoin de postuler une quelconque intervention de Dieu pour faire naître l’humanité.
Le platonisme chrétien ne s’oppose pas à Darwin, ne souligne pas particulièrement la réalité et l’action dans le monde d’un Dieu personnel dont il ne parle d’ailleurs qu’avec un langage métaphorique et symbolique.
Mais le darwinisme avec sa réflexion purement immanente semble rendre inutile la conception d’une présence métaphysique sous-jacente à notre monde visible.
Nous ne sommes pas des âmes incarnées dans des corps physiques. Nous sommes tout simplement des animaux qui parlent.
Les philosophes n’admettent en général pas facilement qu’une simple théorie scientifique ait une si grande importance. Et pourtant c’est un fait que le darwinisme a sans doute été le facteur le plus important pour le développement de l’idée de la mort de Dieu et la fin de la métaphysique.

J’ai abandonné le platonisme au bout de trente ans en faveur du darwinisme et j’ai opté en 1980 pour la doctrine « non-réaliste » de Dieu.
La pensée « non-réaliste » est proche de Kant. On abandonne l’idée « réaliste » traditionnelle d’un Dieu personnel infini, tout-puissant, demeurant là-haut dans le ciel et contrôlant tout ce qui se passe dans le monde. Mais on conserve l’idée d’un Dieu « perle de grand prix », but de notre spiritualité et de notre vie religieuse.
Dire que Dieu est amour revient tout simplement à dire que l’amour est Dieu. Dans les années 80 je répétais que croire en Dieu n’est pas la même chose que croire que Dieu « existe ». Les discours que l’on tient sur Dieu ne fournissent pas d’informations religieuse : ils ne font que guider la vie spirituelle.
Au début j’ai essayé de conserver l’idée traditionnelle de Dieu ainsi que son usage religieux alors que pourtant je ne croyais plus qu’il était ce personnage omniscient demeurant là-haut dans le ciel d’où il contrôlait la vie de l’univers.
Mais ensuite mon « non-réalisme » a dépassé la seule idée de Dieu pour devenir une conception philosophique générale et tout a basculé. Il n’y a plus là-haut, à mes yeux, de Pensée Absolue, d’Ordre Surnaturel, de Vérité objective et de manières de penser immuable. Le langage religieux ne peut désormais plus être que celui que nous employons spontanément dans la vie courante et la réflexion sur la vie du monde n’est plus marquée de spiritualité.

S’il n’y a plus « là-haut » de Pensée absolue qui fait tout, connaît tout et conduit tout, il n’y a plus là-haut de monde surnaturel  et intelligible, et la seule réalité est celle de notre monde d’en-bas analysable par la science. Mais notre langage et nos théories évoluent constamment et la connaissance que nous avons du monde ne peut jamais être présentée comme une vérité objective et immuable.
Nietzsche disait : « il n’y a pas de faits, il n’y a que des interprétations ». Toutes les explications que la science moderne nous propose aujourd’hui peuvent être discutées, le sont effectivement et aucune ne peut être considérée comme une Vérité absolue et définitive. Et il en est ainsi pour la religion et l’éthique comme pour n’importe quel autre sujet.
Au temps de Nietzsche, on commençait à dire, dans le monde de la musique et du théâtre, que « chaque performance artistique était une interprétation ». Musiciens et metteurs en scène peuvent produire de nouvelles interprétations des œuvres classiques jusqu’à la fin du monde, ils ne produiront jamais l’interprétation finale et définitive rendant inutile toute autre réinterprétation.
Jouer les œuvres de Bach sur un orgue identique au sien ne nous rendra pas le « vrai » Bach, de même que la recherche du Jésus historique ne nous rendra pas par elle-même l’essence du christianisme.

Ainsi, le « non-réalisme » nous ôte toutes nos fausses certitudes. Il nous dévoile un monde sans Origine claire, sans Fin définitive, sans valeur ni vérité absolue. Il nous abandonne à des flots d’interprétations contradictoires qui nous emportent nous aussi dans leur mouvement.
« Notre humanisme est radical et vide ». Il n’y a rien d’autre que le monde, que notre langage et les interprétations que nous élaborons pour l’expliquer. Le monde ne devient pleinement lui-même, brillant et conscient de soi que par nos descriptions et en tant que nous l’habitons. C’est nous qui faisons du monde ce qu’il est. Mais nous sommes aussi vides que notre monde. Comme dans les tableaux où Monet n’a peint que la végétation et des reflets d’eau, Il n’y a plus, finalement dans le monde que vide et lumière, beauté et rien !

Dans cette esprit, j’ai évolué dans les années 1980 d’une forme prudente et plutôt conservatrice du non-réalisme de Dieu vers une forme de « nihilisme », qui n’était d’ailleurs ni pessimiste ni négatif. Après tout j’aime l’évolution de la peinture du réalisme à l’impressionnisme et finalement l’abstraction de Kandinsky et Mondrian.
J’avais deux arguments pour être optimiste :
Premièrement, ce que nous avons fait, nous pourrons toujours le refaire. Les réalistes conservateurs (démodés) aiment dire que la « nature humaine » et la « révélation divine » sont immuables et que nous ne pouvons rien y changer. Mais je réponds que si nous avons nous-mêmes fait évoluer les images de toutes choses c’est bien que tout peut être changé. Ce que nous avons fait, nous pouvons toujours le refaire. C’est pourquoi le non-réalisme rend une vision utopique optimiste toujours possible à nouveau.
Deuxièmement,  lorsque le « non-réalisme actif » nous conduit à n’être plus que des particules transitoires du grand fleuve de la vie, il nous aide finalement à prendre conscience que nous appartenons au monde et à nous en sentir partie prenante.
Notre religion ne doit pas dire que le monde n’est pas le nôtre et que nous y sommes étranger, alors que nous y sommes chez nous. Le sens de notre vie et notre accomplissement personnel ne sont pas à chercher dans une Origine ou une Fin du monde mythiques mais tout simplement ici et maintenant dans notre vie réelle. Le non-réalisme conduit à une situation que je nomme « pensée ensoleillée » : spiritualité créatrice du moment présent.

 

.

 

Dans les années 1980, j’étais encore proche des théologiens existentialistes Bultmann et Tillich. Ils pensaient que toute pensée chrétienne devait être comprise en fonction de l’attitude qu’elle prescrivait à l’égard de la vie. Croire en un Dieu Créateur signifiait que notre vie était un don de pure grâce et la Providence de Dieu affirmait que la victoire venait toujours au croyant. Mener la vie d’un ressuscité était possible puisque le Christ était ressuscité en nous et laisser Christ dirige notre vie signifiait que son ascension se produit en nous.
Au fond je n’ai guère changé. J’ai seulement traduit ces choses en règles de vie, à la manière de Wittgenstein.

A la fin des années 1980 j’ai pénétré le post-modernisme. J’ai admis l’idée qu’un courant permanent d’interprétations diverses et contradictoires s’applique à la Bible et à la tradition chrétienne comme à tout le reste et j’ai commencé à interpréter librement les affirmations religieuses et leurs symboles.
Le christianisme traditionnel disparaissait rapidement et la situation prenait un air révolutionnaire.

En 1991 j’ai renoncé à présider des cultes - tout en demeurant membre communiant de l’Église - et j’ai commencé à parler de « post-christianisme » et de « théologie du Royaume ».
Il faut maintenant dépasser la version ecclésiastique traditionnelle du christianisme. Elle a, certes, une grande autorité, elle est fondée sur le surnaturel, elle est tournée vers l’au-delà ou vers le Retour du Christ à la Fin du monde. Mais tout ceci est obsolète.
On a besoin aujourd’hui de la vision « ensoleillée » du monde, la « religion du Royaume ». Il faut vivre pleinement, sans réserve et connaître ici-bas le bonheur « éternel », c’est-à-dire le bonheur qui ne fait jamais défaut quelles que soient les malheurs que l’on ne manque pas de rencontrer. Il ne faut engager notre foi et notre confiance dans aucune doctrine et dans aucune promesse future : c’est ici et maintenant qu’il faut attendre la libération qu’apporte la religion.
[...]

Le christianisme ecclésiastique enseigne la rupture radicale entre le Dieu saint et l’humanité pécheresse. Les croyants sont ainsi maintenus dans un état de culpabilité, d’aliénation permanente qui oblige à un conformisme obéissant.
Les auteurs mystiques rejoignent le « non-réalisme » lorsqu’ils franchissent la distance entre Dieu et les êtres humains afin de dépasser le « réalisme » théologique et de parvenir à unir l’homme à Dieu en un bonheur suprême. Le « non-réalisme » apporte une telle libération que l’Église en a toujours pris ombrage et s’est toujours opposée aux mystiques ; elle a toujours craint l’union mystique du divin et de l’humain qui l’empêchait de conserver le contrôle des fidèles...

[...]

J’ai lentement élaboré ma conception personnelle de la religion et une philosophie de la vie qui me satisfassent. C’était une tâche fort difficile. Mais je ne m’en plains pas. Mon idée centrale est désormais qu’il faut dire « oui » à la vie et qu’il faut aussi être capable, finalement, de dire « amen » à sa propre vie.
J’espère y parvenir et si mon exemple peut être utile à certains je n’en demanderai pas plus !

 

 Traduction Gilles Castelnau

 

 

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