Sea of Faith
Explorer et promouvoir la foi
en tant que création humaine
Exploring and promoting religious
faith as a human creation
Don Cupitt
exposé au groupe Sea of Faith de Londres-Nord
passages les plus signifiants
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24 août 2010
Le monde dans lequel nous vivons actuellement a évacué toute divinité et je propose d’imaginer une spiritualité qui lui soit adaptée.
Je pense depuis longtemps qu’une nouvelle pensée religieuse est, en fait, déjà en cours de création dans nos réflexions quotidiennes et lorsqu’on m’accuse d’imposer à mes contemporains des idées discutables, je réponds que je cherche seulement à leur faire prendre conscience de ce qu’ils pensent déjà.
Pour construire notre nouvelle spiritualité, il nous fait oublier l’ancienne religion traditionnelle : elle véhiculait le mythe de la Chute et de la Rédemption et établissait une séparation entre le Ciel et la Terre. A la place de la « religion » nous promouvons la « spiritualité » qui est une religion de style personnel. Il revient à chacun de nous d’élaborer à sa manière une réponse aux problèmes qu’il rencontre dans la vie afin d’épanouir sa propre personnalité, de donner du sens à sa vie et de collaborer à la beauté de notre monde.
Le salut se trouve dans la participation au salut des autres.
Le passage d’une religion organisée à une libre spiritualité est résumé par la formule : « du monde, de l’âme, de Dieu vers la vie et particulièrement ma vie ».
Aujourd’hui, la plupart des gens ne voient plus de sens ni de valeur à la vie du monde, ni même de réalité à part celle que l’on y met soi-même. La religion ne consiste donc plus désormais à obtenir la rédemption du péché mais à vaincre le nihilisme.
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Les grandes traditions culturelles s’écroulent et nous devons maintenant construire une culture entièrement nouvelle pour l’humanité actuelle, élaborer une compréhension du monde et de notre place dans le monde. Comprendre aussi comment nous pouvons supporter la réalité qui nous apparaît ainsi et nous réconcilier avec notre existence d’êtres humains qui devons vivre et mourir en ce monde tel qu’il est.
Nous devons avant tout comprendre deux choses : la vie en général et notre propre vie en particulier. La vie en général est faite du mouvement des choses et des échanges entre humains. Notre propre vie est le rôle que chacun joue dans ce grand processus.
C’est dans ce cadre qu’il faut définir la religion. Je propose de dire qu’elle est l’ensemble des idées et des pratiques qui nous permettent de nous réconcilier avec nous-même et de tirer le meilleur parti possible de la vie en général et de notre propre vie en particulier. La religion a pour but de nous guider dans notre vie, de nous apprendre à vivre et à mourir.
Il faut aussi penser à distinguer les religions organisées et la spiritualité. Une « religion organisée » est une vaste institution, nous le savons, traditionnelle et autoritaire. La « spiritualité » est un style de religion personnelle que chacun élabore pour soi-même.
Aujourd’hui, alors que les grandes religions disparaissent et que nombreux sont ceux qui se trouvent laissés pour compte par la rapide décadence de leur tradition religieuse personnelle, il est normal que les spiritualités se développent. Mais il est extrêmement difficile d’affronter soi-même et de tenter de résoudre personnellement de telles questions. Le dialogue avec les autres est indispensable pour préciser nos idées et éviter les dérapages. Il en résulte d’ailleurs que la religion du futur devra avoir une dimension sociale.
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Il nous faut ensuite réfléchir à la manière dont la religion pourrait nous aider à résoudre la grande question de la vie. Je ferai trois remarques :
1. Il ne faut pas essayer d’échapper aux angoisses de l’existence. Il faut s’impliquer pleinement par la foi dans la réalité de la vie, en acceptant sa courte durée, sa contingence et sa fragilité. Il faut reconnaître clairement la réalité des choses et en même temps trouver le courage d’une existence « ensoleillée » où l’on dit Oui à la vie et où l’on ne craint pas de frôler les précipices.
2. Dans la vie, bien sûr, l’angoisse et l’anxiété nous envahissent souvent. Mais les psychologues enseignent que les sentiments peuvent se retourner et prendre un nouveau sens. De plus, lorsque l’angoisse, l’anxiété, la terreur débordent, la religion est capable de nous faire sortir de nous-même, de nous faire dépasser nos préoccupations et de les transcender dans la grande paix d’un enivrement exalté. C’est ainsi que le mourant ne se désespère plus de son extinction finale mais fait de sa mort un paisible engloutissement mystique dans les profondeurs de Dieu.
3. Dans notre reconstruction de notre culture post post-moderne, nous nous garderons de fantasmer sur une évasion hors de la réalité de la vie. Il n’y a pas un autre monde transcendent ou surnaturel et nos vies sont telles qu’elles sont, temporelles, contingentes, soumises à la finitude. Il faut rejeter aussi bien l’imagerie de la religion médiévale que celles des mass médias modernes. Il ne faut pas construire notre culture sur des illusions mais sur des réalités véritables et honnêtes.
A quoi pourra donc ressembler une vie religieuse « ensoleillée » ?
- Premièrement, il faut y faire entendre sa propre voix, c’est-à-dire trouver la manière de vivre qui nous permet de nous exprimer le mieux et pleinement.
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Deuxièmement, il faut assumer sa vie et se sentir responsable de soi-même.
- Troisièmement, il faut s’efforcer de rendre notre vie aussi positive et extravertie que nous le pouvons afin d’en accroître la valeur autant que nous pourrons.
On peut remarquer que toutes les grandes avancées des 70 dernières années ont suivi ces préceptes : le féminisme a faire progresser le statut général des femmes, l’écologie a fait progresser le respect de l’environnement et des vivants qui l’habitent, l’anti-racisme a fait progresser l’estime à l’égard des autres races et finalement l’éthique humaniste répond tout simplement aux besoins des hommes sans calculs et sans y chercher notre intérêt.
Si l’on peut demeurer optimiste à l’égard de l’humanité et de son avenir, c’est en grande partie grâce à ces quatre grands mouvements qui ont contribué à ce que le monde soit meilleur aujourd’hui qu’il n’était dans le passé. C’est pourquoi je dis qu’il faut aimer la vie, vivre de manière aussi positive que possible, construire et non détruire.
Je n’ai pas été plus loin, pour le moment, dans ma réflexion sur ce que devrait être une religion pour notre temps. C’est là une tâche énorme et difficile. Et justement une difficulté est celle-ci : en proposant l’engagement d’une vie ensoleillée, on a l’impression qu’il s’agit d’être fervent et dynamique.
Mais comment un tel idéal serait-il compatible avec notre habitude de toujours nous lamenter et ressasser toutes les occasions perdues, les idéaux trahis et les Dieux perdus ? Nous sommes beaucoup plus sensibles que les générations qui nous ont précédés de toutes les possibilités que, pour une raison ou pour une autre, nous n’avons pas saisies.
Je peux naturellement me contenter de la vie que je mène aujourd’hui – un peu par hasard – mais je ne peux pas m’empêcher de penser à toutes les autres vies que j’aurais pu vivre, si seulement j’avais su faire les bons choix aux bons moments. Et pourquoi pensai-je si souvent aux autres religions, aux autres amours que j’aurais pu avoir et qui sont désormais loin de moi ?
Il faut également dire que le monde de l’au-delà, le monde ici-bas créé et souverainement gouverné par Dieu est un objet de foi. Dans les credo on dit « le ciel et la terre » ou « les choses visibles et les invisibles ». Lorsque la religion doctrinale est morte et que Dieu est mort, cette conception de l’univers est morte elle aussi et a laissé place au monde humainement conçu, un monde nouveau, consensuel.
Une telle pensée change radicalement notre vie. Dans l’ancienne conception du monde créé par Dieu, notre vie était voulue par Dieu, prédestinée dans ses moindres détails, gardée, guidée et finalement interrompue par Dieu lui-même. On n’avait pas comme aujourd’hui l’idée d’en prendre nous-mêmes le contrôle et l’entière responsabilité. Dieu seul la connaissait complètement et en était le maître : c’était lui qui décidait de son début, de la manière dont elle se déroulait et de la date de sa fin. Dans un monde ainsi dirigé par Dieu il n’était pas question d’évoquer des possibilités avortées et des opportunités manquées, car Dieu ne manque rien. On n’avait qu’à vivre la vie que Dieu avait programmée à notre intention.
Aujourd’hui dans notre monde complexe et que Dieu ne dirige pas, les choses sont bien différentes. La vie que nous menons n’est qu’une seule possibilité parmi toutes celles que nous aurions parfaitement pu avoir et dont nous nous sommes, en fait, nous-mêmes détournés. Il me semble donc que nos opportunités manquées, perdues, devenues « impossibles », font partie de notre être réel et participent du sens de notre vie.
Dans cette nouvelle compréhension du monde l’« impossible » me semble correspondre approximativement à ce qu’était le « surnaturel » dans l’ancienne pensée. La vie concrète que moi, Don Cupitt, j’ai, de fait, vécue, a été tissée d’une quantité de contingences, de choix, de malchances et, sans doute, de deux ou trois bonnes fortunes. Elle est dominée par l’ensemble de tous les « impossibles », toutes les occasions manquées et qui sont dès lors devenues impossibles. Repenser à tous ces amours impossibles me rend nostalgique et j’en souris tristement. Mais ils m’aident, en fait, à apprendre à être content de ce que j’ai été, de ce que j’ai eu, de ce que j’ai fait, que ce soit grandiose ou dérisoire.
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L’idée de réinventer radicalement la religion est, finalement, très simple.
- Premièrement on distingue clairement la vie en général et ma propre vie.
- Deuxièmement on dit que la religion aide à se réconcilier et à être à l’aise avec la vie en général et sa propre vie en particulier.
- Troisièmement on se demande pourquoi cette réconciliation serait nécessaire et on répond que la vie n’est jamais faite que de moments propices, de chance et de mort. Cela nous révolte et nous rêvons d’autre chose. Mais justement, la vraie religion nous sauve en nous apprenant à choisir nous-même et à accepter vraiment notre vie telle qu’elle est en réalité.
- Quatrièmement on dit que la vraie vie est « ensoleillée » lorsqu’on accomplit pleinement sa vie personnelle
et lorsqu’on ajoute un peu de fraîcheur à la vie du monde.
Finalement la nouvelle vie religieuse de notre nouveau monde est une vie d’amour. Mais notre vie et celle du monde sont tellement changeantes et transitoires que tous nos amours sont forcément marqués d’un « impossible » poignant. La sagesse est de l’admettre et de se dire « je ne veux pas être un ange et je ne désire pas un monde qui ne serait que pure douceur.
Je suis satisfait d’être un mortel dont les amours sont à la fois doux et amers. »
Traduction Gilles
Castelnau
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