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L'Ecclésiaste - Qohêlet

penseur moderne


 

Gilles Castelnau

 

 

J'ai vu de tout en cette vie où l'on n'a prise sur rien. Des justes qui périssent malgré leur justice et des méchants qui vivent en dépit de leur méchanceté
Eccl. 7. 15-29


11 avril 2010

L'Ecclésiaste commence son livre en disant « Vanité des vanités, tout est vanité » Il écrit au 3e ou 2e siècle av. J-C, en pleine période hellénistique : Alexandre a envahi à la tête de l'armée grecque tout le Proche Orient ; il a apporté, jusqu'à la frontière de l'Inde, la culture grecque dans tout le Moyen-Orient, en Égypte, en Afghanistan même, où l'on découvre dans les sables des colonnes et des temples grecs.
L'Ecclésiaste écrit en hébreu mais il pense déjà avec la lucidité, l'intelligence, la profondeur, le sourire, l'ironie des Grecs. Il a « tout examiné » dit-il, il a pris profondément au sérieux la réalité de la vie, il a écouté les gens parler, il a regardé sans a priori autour de lui, il s'est gardé, en bon Grec, de toute exclusivisme, de tout intégrisme, de tout fanatisme.
Aucune idéologie n'a été pour lui d'inspiration divine, aucune doctrine, aucune idée reçue et toute faite n'a échappé à son analyse critique. Rien ne résiste sauf quelqu'un dont jamais il ne doute : Dieu.

L'Ecclésiaste serait à l'aise avec nous dans le Paris d'aujourd'hui. Il contournerait les grandes affirmations classiques des grandes religions, des Églises, pour s'intéresser à ce que disent, à ce que pensent nos contemporains ; aux convictions exprimées à la télévision, dans nos journaux, dans la rue, nos espoirs, nos chimères, nos déceptions. Et lui qui refuse, qui oublie tout dogme, toute affirmation officielle, péremptoire, ne parlerait certainement pas de la divinité de Jésus-Christ : il ne l'affirmerait pas et ne la nierait pas ; il n'en dirait rien, de même qu'il ne mentionnait dans son livre aucun des grandes doctrines juives, qui marquaient son époque.
Aujourd'hui il ne parlerait pas de la Résurrection corporelle de Jésus-Christ, ni de la Trinité, ni du Saint-Esprit ; il ne discuterait pas l'inspiration de la Bible, la vérité des sacrements, leur importance ou leur non importance. Il ne parlerait pas d'œcuménisme entre les Églises. Il ne mentionnerait aucune des grandes affirmations doctrinales qui divisent les hommes et qui excluent les mal croyants.

Par contre l'Ecclésiaste considère avec intérêt les grandes questions que l'on se pose, ou plutôt que l'on se posait à son époque, dans le milieu qui était le sien ; il les retourne dans tous les sens, il les reprend à son compte, et va jusqu'au bout des mystères de la vie. Il n'a pas peur de décaper les vieilles dorures, de faire perdre à ses lecteurs ce qui leur reste de religion superstitieuse et non crédible. On ne le lit pas souvent dans les Églises, on ne l'enseigne guère au catéchisme ! Et lorsqu'on l'aborde, on projette parfois sur son livre les grandes doctrines traditionnelle dont on est convaincu qu'il est « évident qu'il croyait ce que nous croyons ».
Peut-être, mais il ne le dit pas ! Il ne dit d'ailleurs pas non plus le contraire. Quand on veut bien lire honnêtement ce qu'il écrit, et non pas ce que l'on aurait écrit à sa place, ou qu'on pense qu'il devait penser, on constate que sa démarche est inquiétante, en tout cas pour les esprits superficiels et paresseux.

Démarche déstabilisante, et heureusement d'ailleurs, pour ceux dont la foi est dévoyée sans qu'ils s'en rendent compte ; ceux qui sont davantage centrés sur une doctrine toute faite que sur le Dieu vivant, qui croient plus à des dogmes qu'à Dieu. Car le Dieu vivant, pour l'Ecclésiaste, dépasse tout ce que nous définissons et pensons. Au bout de sa quête de sagesse et de vérité surgit le vrai Dieu, débarrassé des affirmations froides, des théorèmes poussiéreux et peu crédibles. Le Dieu vivant, chaleureux, proche de nous. Le Dieu qui ne ment pas, ne fait pas de promesses douteuses, le Dieu qui nous fait vivre et nous inspire la construction d'un monde meilleur et plus humain :

Va, mange avec joie ton pain, bois gaiement ton vin,
car depuis longtemps Dieu prend plaisir à ce que tu fais.
Qu'en tout temps tes vêtements soient blancs
et que l'huile ne manque pas sur ta tête.
Jouis de la vie avec la femme que tu aimes,
pendant tous les jours de ta vie de vanité,
que Dieu t'a donnée sous le soleil,
pendant tous les jours de ta vanité.
Car c'est ta part dans la vie,
au milieu de ton travail que tu fais sous le soleil.
Tout ce que ta main trouve à faire avec ta force, fais-le !   9. 7

 

.

 

Le texte mis en exergue dit : « J'ai vu de tout... ». L'original hébreu dit « j'ai vu tout cela ». A quoi fait-il allusion en disant « tout cela ». Le livre de l'Ecclésiaste est un peu embrouillé ; son plan n'est pas logique et clair comme l'esprit français les aime. On a l'impression qu'il a laissé une quantité de pensées éparses que sa femme ou un ami ont édités ensuite dans un désordre total. Il répète tout au long de son livre :

J'ai vu, j'ai regardé, j'ai vu, j'ai connu, j'ai cherché.

Chaque fois qu'il mentionne sa recherche, on a l'impression d'un homme qui, aujourd'hui, lit le journal, s'abonne à des hebdomadaires, regarde les émissions culturelles du soir à la télévision, écoute la radio. Ainsi

J'ai pris à cœur de chercher,
d'explorer avec sagesse tout ce qui se fait sous le ciel.
C'est un souci fâcheux que Dieu donne aux humains,
comme moyen d'humiliation  1.13

J'ai envisagé tous les ouvrages que mes mains avaient faits,
la peine que j'avais prise à les faire
et voici, tout est vanité, poursuite du vent ;
il n'en reste rien sous le soleil  2.11

Beaucoup d'entre nous en diraient autant. Je pense à certains cadres d'entreprises qui travaillaient comme des enragés jusqu'à 9 h du soir, qui rapportaient leur ordinateur à la maison pour travailler encore le week-end, qui s'impliquaient dans la vie de l'entreprise et qui pourraient s'exprimer comme l'Ecclésiaste.

Je pense aussi à ces ouvrier de qui disent avoir travaillé 30 ans dans une entreprise qui était devenue leur vie et dont maintenant, ils sont licenciés sans que rien ne reste de tout ce qu'ils ont fait.

J'ai envisagé de voir la sagesse,
ainsi que la démence et la folie
en effet, que fera l'homme qui succèdera au roi ?
Ce qu'on avait déjà fait prédédemment  2.12

Que reste-t-il à celui qui travaille de la peine qu'il a prise ?  3.9

J'ai vu qu'il n'y a rien de mieux pour l'homme
que de se réjouir de ses œuvres ;
c'est là sa part.
En effet, qui le ramènera pour voir ce qui arrivera après lui ?   3.22

J'ai tout expérimenté ; c'est une question de sagesse.
Je m'étais dit : «  Je vais être sage ».
Mais la sagesse était loin de moi ;
elle est au-delà de tout ce qui existe.
Quand je me suis appliqué à savoir,
à approfondir, à chercher la sagesse
et le pourquoi des choses,
j'ai reconnu que la méchanceté est une sottise
et une folie   7. 15-29

L'Ecclésiaste lit les journaux, regarde le Journal de 20 heures et « les Guignols de l'Info » sur la 4, il lit les hebdomadaires et va aux conférences, il écoute France Culture et dit :

Que la vie du monde est donc difficile à comprendre
et quel avantage nous revient
de tout ce que nous avons fait ?

 

 

.

 

 

Vanité des vanités, tout est vanité

Ces mots expliquent bien le contenu du livre. Le mot hébreu « abel » est traduit par la TOB et Segond par « vanité ». - Chouraki traduit : « Tout est fumée ». Cela me paraît bien trouvé. « Fumée » me semble mieux convenir que« vanité » qui évoque une prétention, un orgueil, ce qui n'est pas le cas dans le livre de l'Ecclésiaste.
D'ailleurs Abel est le nom de ce fils d'Adam et Eve tué par son frère Caïn ; il n'était pas une « vanité », il était un homme facile à tuer, un « rien du tout ». Son nom indique déjà que son existence devait éphémère comme une buée, une fumée que le vent dissipe.
La version « Parole de Vie » en français fondamental dit « Tout part en fumée, rien ne sert à rien, rien ne mène à rien ».

Mais l'Ecclésiaste n'est pas désabusé de la vie. Ne dit-il pas :

Tout ce que ta main trouve à faire
avec ta force, fais-le !
Va, mange avec joie ton pain
et bois gaiement ton vin
car dès longtemps Dieu prend plaisir à ce que tu fais.

La nouvelle traduction « Bayard » dit aussi : « tout est vain » ce qui est également contestable pour la même raison. Dire avec Chouraki « tout est fumée » me paraît convenir car cela n'implique pas que la vie ne soit rien.
«  J'ai vu tout ce qui se fait sous le soleil, tout est fumée, poursuite du vent » signifie que si on s'y attache, on sera déçu, que ces choses ne sont pas dignes d'un véritable intérêt.
Pourtant, dit l'Ecclésiaste,

Vas-y, jouis de la vie avec la femme que tu aimes,
pendant tous les jours de ta vie de fumée
que Dieu t'a donnés sous le soleil.

Jours de fumée, peut-être, mais ils sont vécus sous le soleil avec la femme que tu aimes. Ce n'est pas rien que d'aimer cette vie sur la terre qui est quelque fois si jolie !

 

 

.



 

Il dit : « J'ai vu tout cela... ». Qu'a-t-il donc vu ? En se reportant aux pages précédentes de son livre, on trouve deux éléments qui, à ses yeux, sont fumée, vanité.

1. Il ne reste rien de ce que l'on a fait dans la vie.
Comme c'est le cas des cadres, des ouvriers dont je parlais.

Ce qui se fait sous le soleil m'a déplu,
car tout est fumée et poursuite du vent.
J'ai haï tout le travail que j'ai fait sous le soleil
et dont je dois laisser la jouissance à l'homme qui me succèdera    2.18

Pour qui donc est-ce que je travaille ? 4.8

On n'emporte rien dans soin cercueil !

Bien sûr nous construisons le monde de nos enfants, bien sûr nous ne devons pas leur laisser des résidus nucléaires, un climat réchauffé, des océans pollués, un équilibre économique, politique instable. Mais nos efforts, nos militances, nos votes, nos combats politiques, sociaux, notre construction d'un monde meilleur s'avèrent souvent ratés. Toute la peine qu'on s'est donnée sous le soleil, et que l'on a eu raison de se donner

Dieu prend plaisir à ce que tu fais... Tout ce que ta main trouve à faire avec ta force, fais-le ! 

mais ne t'imagine pas que tu vas accumuler des résultats, car nos enfants, nos petits-enfants verront les choses autrement que nous et toute notre œuvre passera finalement comme une fumée emportée par le vent.
Ce qu'il faut c'est que de tout notre cœur, en compagnie de ce Dieu qui « prend plaisir à ce que nous faisons » nous vivions avec joie la vie que Dieu nous donne « sous le soleil avec la femme de notre vie, le pain et le vin qui nous sont donnés ».

Vivre avec joie même si l'on n'est pas un juif pratiquant ? un chrétien pratiquant ? L'Ecclésiaste ne parle pas d'obéir à des commandements particuliers. Il ne dit pas que la vie sans Dieu n'est que vanité-fumée alors qu'avec Dieu elle serait pleine de sens. Il dit que toute existence, avec ou sans Dieu, est fumée.
On trouve cette idée ailleurs dans la Bible :

Si l'Éternel ne bâtit la maison
ceux qui la bâtissent travaillent en vain
Psaume 127.1

Ceux qui pensent que les services sociaux, les recherches éthiques, la vie spirituelle des hommes ne valent que rapportés à Dieu peuvent le penser, mais c'est ce que l'Ecclésiaste ne dit pas. Ce qu'il dit est que de toutes façons on travaille en vain ; que toute construction est une Tour de Babel dont les auteurs pensaient qu'elle assurerait leur grandeur et les empêcherait d'être dispersés.

 

2. On n'est pas rétribué pour ses bonnes actions.

Il y a tel juste qui périt dans sa justice, et il y a tel méchant qui prolonge son existence dans sa méchanceté.

Certains textes de la Bible disent bien que Dieu est juste, que les bonnes actions sont récompensées et les mauvaises punies.

Ne t'irrite pas contre ceux qui font le mal,
n'envie pas ceux qui commettent l'iniquité.
Car ils sont fanés aussi vite que l'herbe
et ils se flétrissent comme le gazon vert.
Psaume 37.1

L'Ecclésiaste a vu qu'il n'en est rien. Pourtant notre texte ajoute aussi le verset 20 :

Il n'y a sur la terre aucun homme assez juste
pour faire le bien sans jamais pécher.

Quelqu'un a rajouté ce verset au texte de l'Ecclésiaste pour mettre un bémol à la critique si radicale de l'ensemble du livre. Ce verset remarque que Dieu connaît la profondeur des cœurs et des existences, sa justice est sauve car si « le juste périt malgré sa justice » c'est sans doute qu'il n'était pas vraiment « juste ».

Un tel ajout se nomme une « glose ». Le scribe de l'époque qui prêchait sur ce texte était sans doute surpris et gêné par l'affirmation de la non rétribution, qui lui paraissait sacrilège, a dû noter en marge du livre cette remarque. Lors des copies successives du livre, les scribes ultérieurs ont introduit cette glose dans le corps même du texte, de sorte qu'on ne la distingue pas si on n'y prête pas attention, alors qu'elle est facile à remarquer : Chaque fois que l'on remarque dans le livre de l'Ecclésiaste comme dans n'importe quel livre biblique un passage qui contredit clairement l'affirmation qui précède immédiatement et tranche sur la pensée générale du livre, il s'agit sans doute d'une de ces gloses d'un prédicateur qui cherchait à rétablir une plus saine orthodoxie dans un écrit qui lui semblait d'une théologie contestable.
Un exemple typique se trouve en 3.17 : le passage « Dieu jugera le juste et le méchant » succède immédiatement pour le contredire au verset 16 : « Au lieu établi pour la justice il y a de la méchanceté ».
Cette question de la rétribution est un vrai problème spirituel et l'Ecclésiaste considère qu'affirmer la rétribution est aussi décevant que tabler sur la pérennité d'une fumée ou que poursuivre le vent.

Il est une vanité-fumée qui a lieu sur la terre,
c'est qu'il y a des justes auxquels il arrive selon l'œuvre des méchants
et des méchants auxquels il arrive selon l'œuvre des justes.
Je dis que c'est encore là une vanité-fumée. 8.14

Tout arrive également à tous :
même sort pour le juste et pour le méchant,
pour celui qui est bon et pur et pour celui qui est impur,
pour celui qui sacrifie et pour celui qui ne sacrifie pas ;
il en est du bon comme du pécheur,
de celui qui jure comme de celui qui craint de jurer.
Ceci est un mal parmi tout ce qui se fait sous le soleil,
c'est qu'il y a pour tous un même sort. 9.2

 

 

.

 

 

 

La rétribution du deutéronomisme

Si l'Ecclésiaste parle ainsi, ce n'est pas parce qu'il est déprimé et d'un caractère négatif ! C'est qu'il critique des théologiens de son époque que l'on appelle les « deutéronomistes » qui enseignaient la loi traditionnelle de la rétribution divine introduite au 7e siècle av. J-C. par le livre du Deutéronome. Cet enseignement affirmait que la bénédiction, la stabilité était accordée aux justes qui suivaient la Loi divine alors que le malheur survenait rapidement sur l'impie. L'idée fondamentale du Deutéronome est que Dieu fait « alliance » avec les hommes, qu'Il est fidèle et attend que les hommes le soient également. Si les hommes sont infidèles, Dieu les abandonne et le malheur survient sur eux. Il convient alors que les hommes se repentent, reviennent vers Dieu en demandant pardon. Dieu pardonne alors. (Quand quelqu'un affirme que Dieu attend pour pardonner que l'on ait demandé pardon préalablement, c'est un deutéronomiste). Dieu récompense les fidèles et abandonne à leur triste sort les infidèles.
Les livres de Josué, Juges, Samuel et Rois ont été pensés et rédigés pendant l'Exil à Babylone au 6e siècle av. J-C, dans cette pensée là. En voici un exemple :

J'ai mis devant toi la vie et la mort,
la bénédiction et la malédiction.
Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité,
pour aimer l'Éternel, ton Dieu,
pour obéir à sa voix, et pour t'attacher à lui,
car de cela dépendent ta vie et la prolongation de tes jours
et c'est ainsi que tu pourras demeurer dans le pays
que l'Éternel a juré de donner à tes pères,
Abraham, Isaac et Jacob. Deutéronome 30.19

Avant l'Ecclésiaste, déjà le livre de Job se faisait l'écho de la critique de cette tradition qui a pour elle le mérite de la clarté et de la logique et qui est appréciée des prédicateurs car elle vise à maintenir leurs paroissiens dans la fidélité. Pendant l'Exil à Babylone, alors que les scribes deutéronomistes rédigeaient l'histoire passée du peuple pour démontrer qu'il avait bien mérité la punition divine de l'Exil par ses infidélités répétées, certains mettaient en cause cette théologie discutable. Le livre de Job montre Job sur son fumier, ses amis l'adjurant de reconnaître que son péché lui a attiré son malheur comme une rétribution ; Job se refuse obstinément à se reconnaître pécheur et à admettre une explication logique à son malheur.
Voici quelques exemples tirés du livre de Job.

Discours d'Éliphaz : Dieu châtie comme un père :

Heureux l'homme que Dieu châtie.
Ne refuse pas la correction du Tout-Puissant.
Il fait la plaie, et il la bande ; il blesse, et ses mains guérissent. Job 5.17

Éliphaz : Dieu protège du mal les fidèles :

Dieu te sauvera de la mort pendant la famine
et des coups de glaive pendant la guerre.
Tu seras sans crainte quand viendra la dévastation.
Tu te riras de la famine.
Tu jouiras du bonheur sous ta tente,
tu retrouveras tes troupeaux au complet,
tu verras ta postérité s'accroître,
tes rejetons se multiplier comme l'herbe des champs.
Tu entreras au tombeau en pleine vieillesse,
comme on emporte une gerbe en son temps.
Voilà ce que nous avons reconnu, voilà ce qui est vrai ;
à toi d'écouter et de mettre cette parole à profit.   Job 5.20

Job refuse absolument d'entrer dans cette pensée et à la fin du livre, c'est à lui que Dieu donne raison et récuse la thèse deutéronomiste de ses amis.

L'Ecclésiaste se situe dans la ligne de ce livre de Job, refusant d'admettre la thèse deutéronomiste de rétribution systématique qui lui est apparue comme ne fonctionnant pas du tout :

Il y a tel juste qui périt dans sa justice
et il y a tel méchant qui prolonge son existence dans sa méchanceté  7.15

 

 

.

 

 

Une pensée libre et ouverte, libérale

L'Ecclésiaste n'est pas sans scepticisme humaniste ; il est bien loin des affirmations doctrinales trop abruptes. Non seulement il récuse absolument la rétribution divine, mais il ignore totalement toutes les grandes affirmation doctrinales du judaïsme orthodoxe. L'Ecclésiaste est un juif qui dans son tour d'horizon de tous les éléments importants de la vie et de la pensée, passe complètement sous silence les traditions les plus enracinées de la religion d'Israël, telles que les théologiens de l'école deutéronomiste avaient répétées depuis des générations.

Mentionnons les plus importants silences de ce livre :

- La ville sainte de Jérusalem dont le psalmiste disait :

Chez toi, Jérusalem, les tribus d'Israël,
les tribus du Seigneur viennent en pèlerinage
pour louer le Seigneur. Psaume 122.3

L'Ecclésiaste ne dit pas : « Tout est fumée et poursuite du vent mais je vais en pèlerinage à Jérusalem. »

 

- Le culte du temple dont le psalmiste disait :

Que Dieu bénisse celui qui entre ici au nom du seigneur !
De l'intérieur de son temple nous vous transmettons sa bénédiction Psaume 118.26

L'Ecclésiaste ne dit pas : « Tout est fumée et poursuite du vent mais je vais prier dans le Temple » Il dit :

Va, mange avec joie ton pain
et bois gaiement ton vin sous le soleil...
Jouis de la vie avec la femme que tu aimes

 

- La tradition historique de l'Exode dont le psalmiste disait :

En Egypte sous les yeux de nos ancêtres
il fendit la mer pour les faire traverser...
Il fit pleuvoir sur eux la manne à son peuple il donna le pain du ciel...  Psaume 78.12, 24

 

- La loi sainte dont le psalmiste disait :

Heureux ceux dont la conduite est irréprochable
ceux qui règlent leur vie sur la loi du Seigneur... Psaume 119.1

 

- La délivrance dont le psalmiste disait :

Je lève mes yeux vers les montagnes
D'où me viendra le secours ?
Le secours me vient de l'Eternel  Psaume 121.1

 

 

.

 

 

Conclusion

L'Ecclésiaste « a tout examiné », il a pris profondément au sérieux la réalité de la vie, il a écouté ses contemporains, il a regardé sans a priori autour de lui ; il s'est gardé de tout exclusivisme, de tout intégrisme, de tout fanatisme.
Aucune doctrine n'a pour lui été d'inspiration divine, aucune idéologie, aucune idée reçue et toute faite. Sauf Dieu dont jamais il ne doute.

Aujourd'hui l'Ecclésiaste contournerait les grandes affirmations classiques des Églises pour s'intéresser plutôt aux convictions de nos contemporains, à nos espoirs, nos chimères, nos déceptions. Sa recherche ne mentionnerait ni la foi en la divinité du Christ, ni en sa résurrection ; il ne parlerait pas de la trinité ou du Saint-Esprit ; il ne discuterait pas l'inspiration de la Bible, la vérité des sacrements ou l'œcuménisme des Église : rien de ces dogmes qui divisent les hommes, excluent les mal croyants, rendent intégriste...

Les grandes questions que les hommes se posent, l'Ecclésiaste les reprend à son compte et les retourne dans tous les sens pour aller jusqu'au bout des mystères de la vie, en homme élevé dans l'exigence et la lucidité de la culture grecque, en homme curieux, ironique, moderne. L'Ecclésiaste ne recule devant aucune évidence ; il n'a pas peur de décaper les vieilles dorures et de faire perdre à ses lecteurs ce qui leur reste de religion superstitieuse.

Démarche inquiétante pour les esprits superficiels et spirituellement paresseux, pour ceux dont la foi dévoyée est davantage centrée sur une doctrine que sur le Dieu vivant dépassant tout ce que nous définissons et pensons.

Il recherche la sagesse et la vérité et finalement, au bout de sa quête, se dresse le Dieu vivant, vrai, chaleureux, proche de nous loin des dogmes froids et des théorèmes poussiéreux et non crédibles, loin des promesses douteuses. Un Dieu avec lequel vivre et construire un monde meilleur et plus humain :

Va, mange avec joie ton pain
et bois gaiement ton vin
car dès longtemps Dieu prend plaisir à ce que tu fais.
Qu'en tout temps tes vêtements soient blancs
et que l'huile ne manque point pour parfumer ta tête.
Jouis de la vie avec la femme que tu aimes,
pendant tous les jours de ta vie de vanité
que Dieu t'a donnés sous le soleil,
pendant tous les jours de ta vanité ;
car c'est ta part dans la vie,
au milieu de ton travail que tu accomplis sous le soleil.
Tout ce que ta main trouve à faire avec ta force
fais-le ! 9.7

 

 

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