Lettre à Jésus
A Letter to Jesus
Sir Lloyd Geering
théologien néo-zélandais
20 juillet 2011
Cher Jésus,
Tu as sans doute entendu ces deux mots des millions de fois depuis 2000 ans si, du moins, tu es en état de nous entendre comme le croient ceux qui s’adressent à toi. Personnellement je crois que tu ne nous entends pas. Tu es mort sur la croix et tu n’as jamais su ce qui s’est passé depuis que tu as rendu ton dernier souffle. C’est pourquoi je t’écris.
Par où commencer ? 70 ans après ta mort, un auteur a écrit : « Le monde ne pourrait par contenir les livres qui rapporteraient tout ce que tu as fait ». Et si c’était vrai après seulement 70 ans, imagine après deux mille ans !
Tu es devenu la personne la plus connue du monde et pourtant, comme l’a dit ma petite fille de six ans : « On ne parle pas beaucoup de Jésus en ce moment ».
Tu seras peut-être choqué d’apprendre que moins de trente ans après ta mort tu étais déjà considéré comme divin ; on commençait à dire que tu étais le Christ, le fils unique de Dieu et on refusait d’admettre que tu étais une personne humaine comme nous.
Il est vrai que certains ont alors essayé de ne pas oublier que tu étais un humain mais ils se sont aussitôt trouvés dans des difficultés épouvantables. Ils ont finalement admis que tu avais deux natures - une humaine et une divine – « sans confusion, transformation, division, ni séparation ». (A en juger d’après la manière dont tu critiquais, en ton temps, les pharisiens et les docteurs de la loi pour leurs discussions où ils coupaient les cheveux en quatre, j’imagine tes moqueries acerbes à propos de tels dogmes !)
Mais ils ne riaient pas et excommuniaient tous ceux qui voyaient les choses autrement !
Après cela ton humanité a bien été perdue de vue. On disait que tu étais un juge sévère, assis sur un trône céleste, attentif à punir toutes les déviations. Et d’ailleurs les déviations étaient celles qui mécontentaient les puissants plutôt que celles qui provenait de ton enseignement fraternel. Ton évangile était bien oublié et avait laissé la place aux doctrines que ces gens avaient imaginées.
Maintenant c’est ton humanité que nous sommes en train de redécouvrir et nous la trouvons très tonique. Évidemment le monde d’aujourd’hui est bien différent de celui que tu as connu : Notre univers est infini, en espace et en temps et nous ne saurions quoi faire de dieux ou de forces surnaturelles. Notre problème est plutôt, aujourd’hui, de comprendre ce qu’est une vie véritablement humaine.
Et c’est justement sur ce point que nous avons besoin de toi. Nos biblistes ont recherché quelle sorte d’homme tu as réellement été avant qu’on te cache derrière le déguisement divin dont ils t’ont affublé. Nous souhaitons véritablement savoir précisément tout ce que tu as dit et fait. Il est dommage que tu n’aies rien écrit toi-même – sauf ce que tu as, paraît-il, tracé une fois sur le sable ! Nous n’avons pas d’autre document que ceux qui ont été publiés alors que tu étais mort, ainsi que tes amis depuis plusieurs décennies. Nous pensons néanmoins avoir discerné quelques unes de tes véritables paroles, notamment tes remarquables maximes.
Et puis il y a aussi les histoires que tu racontais. Elles surprenaient et choquaient même, non seulement parce qu’elles se terminaient de façon inattendue mais surtout parce qu’elles proposaient toujours une nouvelle manière de voir les choses. C’est évidemment pour cela qu’on ne pouvait pas les oublier.
Le problème est que des gens ont commencé à t’attribuer leur propres idées et après qu’ils aient fait de toi un Dieu, ils ont pris avec une sérieux imperturbable les paroles qu’ils t’avaient mises dans la bouche. Cela nous menait alors bien loin de ce que tu avais réellement enseigné.
Tu serais consterné d’apprendre les cruautés qui ont pu être faites en ton nom par ceux qui, justement, prétendaient le plus t’honorer. Ils ont torturé ceux qu’ils nommaient des hérétiques, ils ont brûlé de prétendues sorcières et ils rejettent même aujourd’hui les homosexuels.
Tout cela parce qu’ils ont perdu de vue ton humanité. Ils ont oublié l’ouverture que tu manifestais aux exclus, aux prostituées et au collecteurs d’impôts qui étaient si méprisés.
Nous ne sommes toujours pas au clair sur la question de tes relations avec les Romains. L’as-tu d’ailleurs été toi-même ? Bien sûr les temps que tu vivais étaient durs et des milliers d’autres crucifiés ont connu le même sort que toi.
Mais quel impact tu as eu sur tes contemporains ! Ton ministère n’a duré que quelques années et pourtant aujourd’hui encore tu inspires des millions d’entre nous.
Nous célébrons toujours ton anniversaire, alors que nous en ignorons la date. Noël est la période de l’année que tous préfèrent. C’est une fête de famille et je suis sûr qu’elle te plairait.
Tu nous a appris beaucoup de choses à propos des relations humaines et pourtant nous avons encore des problèmes avec nos prochains – pour ne rien dire de l’amour de nos ennemis !
C’est bien ton esprit – et beaucoup en sont conscients – qui nous anime à Noël ; c’est lui qui inspire la paix et la fraternité de cette fête.
C’est bien toi qui, indirectement, donne la vie à notre monde moderne. Il est loin d’être parfait, mais il est ce que nous avons fait de mieux pour nous rapprocher du Royaume dont tu parlais : nous avons fait des lois sociales pour les malades et les défavorisés, nous avons libéré les esclaves, nous promouvons les droits de l’homme. Et nous sommes finalement arrivés à faire encore bien d’autres choses animés par le même esprit.
J’écris tout ceci au nom de tes innombrables amis dans le monde entier. Nous te sommes reconnaissants pour tout ce que tu as fait durant les brèves années de ton ministère. Que ton influence se répande pour toujours !
Traduction Gilles
Castelnau
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