Connaissance de la Bible
dessin de
J-P.Molina
Les Rameaux
Entrée de
Jésus à Jérusalem
Gilles
Castelnau
Matthieu 21.1-10
Lorsqu'ils
approchèrent de Jérusalem, et qu'ils furent arrivés à
Bethphagé, vers la montagne des oliviers, Jésus envoya
deux disciples, en leur disant : Allez au village qui est devant
vous; vous trouverez une ânesse attachée, et un
ânon avec elle ; détachez-les, et
amenez-les-moi.
Si quelqu'un vous dit quelque chose, vous
répondrez : Le Seigneur en a besoin. Et à
l'instant il les laissera aller.
Or, ceci arriva afin que s'accomplît
ce qui avait été annoncé par le
prophète :
Dites à la fille de
Sion :
Voici, ton roi vient à toi,
Plein de douceur, et monté sur un âne,
Sur un ânon, le petit d'une ânesse.
Les disciples allèrent, et firent ce
que Jésus leur avait ordonné. Ils amenèrent
l'ânesse et l'ânon, mirent sur eux leurs vêtements,
et le firent asseoir dessus.
La plupart des gens de la foule
étendirent leurs vêtements sur le chemin ; d'autres
coupèrent des branches d'arbres, et en jonchèrent la
route.
Ceux qui précédaient et ceux
qui suivaient Jésus criaient : Hosanna au Fils de
David ! Béni soit celui qui vient au nom du
Seigneur ! Hosanna dans les lieux très
hauts !
Zacharie 9.9
Sois transportée
d'allégresse, fille de Sion !
Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem !
Voici, ton roi vient à toi ;
Il est juste et victorieux,
Il est doux et monté sur un âne,
Sur un âne, le petit d'une ânesse.
Je détruirai les chars
d'Ephraïm,
Et les chevaux de Jérusalem ;
Et les arcs de guerre seront anéantis.
Il annoncera la paix aux nations,
Et il dominera d'une mer à l'autre,
Depuis le fleuve jusqu'aux extrémités de la
terre.
.
Voici, ton roi vient
à toi !
En l'an 333, l'armée du jeune
et brillant roi grec Alexandre le Grand passe le Bosphore et entre au Moyen-Orient.
La ville de Tyr, en Phénicie, est la
seule qui tente de résister. Elle est prise.
8 000 habitants massacrés et 30 000 vendus
comme esclaves.
Il va en Égypte, fonde Alexandrie.
Les prêtres lui donnent le titre de « Dieu ». Il continue vers Babylone, la Perse et va
jusqu'à l'Inde.
Les autres ville ne résistent pas.
Alexandre apportait avec lui une grande tolérance à
l'égard de la culture des peuples qu'il soumettait. Il
engageait les jeunes qui le voulaient dans son armée,
encourageait ses soldats à épouser les filles du pays
et épousa lui-même la belle Roxane à
Babylone.
Il faisait organiser des jeux, des
pièces de théâtre et des concerts, faisait
construire à la manière grecque (on dit qu'il a
fondé 70 villes. En tout cas celles qui se nomment
Alexandrie !).
Sa prestance impressionnait, il était
reçu comme un dieu, comme un libérateur. Bien sûr
c'était un régime puissant, fier, supérieur,
victorieux sur tous les plans.
Les garçons s'engageaient dans la
brillante cavalerie d'Alexandre, les filles lorgnaient les beaux
uniformes des soldats et tout le monde trouvait que sa puissance, son
organisation, la vision moderne qu'il apportait de la vie dans la
cité étaient une véritable renaissance.
Et le prophète Zacharie
écrit :
Sois transportée
d'allégresse, fille de Sion !
Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem !
Voici, ton roi vient à toi ;
Il est juste et victorieux.
Juste certainement, du moment qu'on ne s'opposait pas à lui et qu'on
entrait dans ce nouveau dynamisme, on n'avait effectivement rien
à craindre. Était-ce réellement ce que l'on peut
appeler la justice ? Voilà une autre question.
Victorieux : le mot hébreu, ainsi que sa traduction
grecque de la septante, est « sauveur ». Un
enthousiasme nouveau apparaissait en Israël. Enfin on se sentait
dirigé, écouté, respecté. On participait
à un mouvement puissant, on abandonnait les vilains sentiments
d'infériorité. Évidemment, c'était la loi
des forts, des victorieux, des « sauveurs ». Tant pis pour les faibles, pour ceux qui ne savent pas monter
à cheval, qui n'ont pas d'initiatives... Tant pis, cela fait
quand même plaisir que les choses marchent.
- Bien sûr il y avait les
8 000 habitants massacrés à Tyr et les 30 000 vendus comme
esclaves. Mais après tout c'était l'étranger. Et
ils n'avaient pas à s'opposer à la vie dynamique et
moderne apportée par Alexandre qu'on aimait bien.
- Bien sûr notre roi devait
être le fils de David, le roi
de Jérusalem et pas le roi de Grèce. Le roi de
Jérusalem faisait régner la volonté de Dieu.
L'ancienne liturgie de couronnement des rois d'Israël
disait :
O Dieu, donne ton jugement
au roi,
Et ta justice à ce fils de roi !
Pour qu'il conduise ton peuple avec justice,
Et tes malheureux avec équité.
Pour qu'il fasse droit aux malheureux du peuple,
Et qu'il sauve les enfants du pauvre. Psaume 72.
Mais seuls les esprits chagrins et ne
comprenant rien à la modernité hellénistique se
permettaient de critiquer Alexandre, le roi qui venait.
.
Alors Zacharie qui avait
proclamé :
Voici, ton roi vient à
toi ;
Il est juste et victorieux.
continua :
Il est doux et monté sur
un âne,
Sur un âne, le petit d'une ânesse.
Et tout le monde reconnaissait cette
conception. N'était-ce pas ce que l'on avait toujours entendu
dire par les rabbins, lorsqu'ils rappelaient la prière du
couronnement ?
(le roi) jugera son peuple avec justice
Et les humbles selon le droit.
Pour ceux qui croient en l'Éternel,
la justice n'est pas celle d'Alexandre car Alexandre n'était
pas un roi humble et il n'était pas monté sur un
âne !
Zacharie dit encore :
Je détruirai (dit Dieu) les
chars d'Ephraïm,
Et les chevaux de Jérusalem ;
Les arcs de guerre seront brisés.
Il annoncera la paix aux nations,
Et il dominera d'une mer à
l'autre,
Depuis le fleuve jusqu'aux extrémités de la
terre.
Les chars, les chevaux, les arcs de guerre
détruits parce que le roi d'Israël n'en a pas besoin. Il
n'est pas dominateur, il ne tue pas, il ne vend pas comme esclaves
ceux dont il peut se rendre maître : il est « doux » et monté sur un âne. Il apporte « la paix aux
nations » : la paix,
non la guerre.
« Chalôm » pour les « goïm »
La traduction grecque de la septante dit « la paix de la part des
nations »
C'est la même chose : si
on veut que les nations aient à notre égard une
attitude de paix, nous devons être pacifiques à leur
égard et ne chercher à les vaincre et les dominer comme
faisait Alexandre.
.
Le « roi » ne viendra
jamais. Si ce n'est dans les coeurs,
dans l'attente, dans l'espérance, dans la conviction que c'est
bien aux paroles de Zacharie que l'on reconnaît le règne
de Dieu. Les siècles ont passé. On a continué
à lire et à enseigner la parole de Zacharie. On a
développé une spiritualité de paix, de justice,
d'attention et de respect pour les « malheureux du
peuple ».
.
Et lorsque Jésus est
venu, il a aussi parlé de « douceur » :
Heureux les doux, la terre
leur appartiendra.
Il a parlé aussi des malheureux du
peuple :
Heureux les pauvres de cœur, le
Royaume des cieux est à eux
Heureux vous qui êtes pauvres, le Royaume de Dieu est à
vous
On a dit de lui qu'il avait voulu entrer
dans Jérusalem sur un âne.
C'était le même refus d'une
civilisation dure, intransigeante, séduisante mais finalement
inhumaine.
.
Nous lisons encore aujourd'hui les textes
de Zacharie et de Matthieu.
Nous pouvons toujours nous sentir citoyens
de ce monde dont le roi est virtuel, comme celui dont parlait
Zacharie et qui n'est jamais vraiment venu, sauf dans nos
cœurs : le roi que les disciples ont reconnu en Jésus,
et qui a tout de suite été crucifié.
- Du temps
d'Alexandre, Zacharie interpellait
les gens : quel parti allaient-ils prendre ?
- Du temps de
Jésus, les
évangélistes demandaient aussi : qui allait-on
acclamer, déclarer « kyrie,
seigneur », serait-ce
l'empereur ? qui allait-on suivre, les Pharisiens ?
- Et aujourd'hui à
Paris, ces textes nous interrogent
encore, et nous encouragent. Il n'y a pas de chevaux de guerre. Mais
il y a des idéaux qui s'opposent. Il y a une incertitude
sociale, morale, politique. Il y a plusieurs manières de
considérer la vie des hommes et de prendre position selon le
point de vue du roi qui règne dans nos coeurs.
Il y a plusieurs mondes en construction
simultanée et les textes des Rameaux nous aident à nous
situer.
Tout dépend de l'idée que nous
nous faisons de notre roi. Tout dépend du point de vue
où il se place. Parmi tous les rois qui peuvent régner
sur nos cÏurs, qui règnent sur les coeurs de nos
concitoyens, quel est celui que nous acclamons ?
Être fidèle à Dieu,
confesser notre foi en Dieu est regarder le monde avec les yeux du
roi qui est le sien, le messie, le Christ. C'est à cela qu'on
reconnaît ses disciples, à l'esprit qui les fait agir et
parler. Le même esprit qui a fait parler le prophète
Zacharie, agir et parler Jésus.
Esprit de dynamisme créateur,
compatissant et fraternel. Esprit de paix fraternelle pojur tous les
peuples, chalôm aux goïm.
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