Spiritualité
Dieu
en 1960, 1980, 2000
Gilles
Castelnau
Psaume 103
Mon âme, bénis
l'Éternel
et n'oublie aucun de ses
bienfaits
Il pardonne toutes mes fautes
il m'arrache à la tombe
me comble de tendresse et de bonté
Il nous fait rajeunir, comme l'aigle
L'Éternel intervient pour
redresser les torts
il rend justice à ceux qu'on opprime.
Il ne fait pas constamment des reproches
L'homme, ses jours sont comme
l'herbe
lorsqu'un vent passe sur elle,
elle n'est plus
mais la bienveillance de l'Éternel
dure d'éternité en éternité
pour ceux qui le craignent.
.
Première
période
1960 - 80
l'assurance
L'Éternel
était l'âme
d'un monde stable
1er juillet
2000
Au moment où je prends ma
retraite de pasteur je me retourne vers ces décennies de
ministère qui s'achève.
Les premières paroles de ce
psaume
Mon âme, bénis
l'Éternel et n'oublie aucun de ses bienfaits
étaient, dans beaucoup de familles,
et dans la mienne, l'expression d'une foi assurée.
- On était conscients des bienfaits
reçus.
- On aimait Celui qui ne fait pas constamment des
reproches
- On vivait le dynamisme reçu :
être « arraché
à la tombe et rajeunir, comme les
aigles ».
- On s'impliquait dans le grand combat de rendre
justice à ceux qu'on opprime.
- Nous savions bien être des hommes dont la vie,
les générations successives passent comme l'herbe,
conscients et rassurés par la Présence de Celui qui
subsiste éternellement.
Les temples étaient pleins. Des
photos conservées de ce temps montrent des groupes qui nous
semblent aujourd'hui incroyablement nombreux d'enfants du
catéchisme et des écoles bibliques.
Tout nous semblait enraciné en Lui.
Les valeurs étaient vérité, justice,
équilibre, force, joie, beauté du monde.
Notre prédication, notre enseignement
étaient aussi assurés que les vérités
mathématiques. Nous savions clairement ce qu'étaient la
fraternité, l'espérance, le péché, le
pardon. Nous connaissions, ou du moins pensions connaître Dieu,
Jésus-Christ, le Saint-Esprit, les sacrements, le bien et le
mal.
Les parents envoyaient leurs enfants
à l'église en disant : vous donnerez les bons
principes, vous lui apprendrez à ne pas répondre
à sa mère, vous l'encouragerez à travailler en
classe.
Les blocs idéologiques étaient
tranchés et distincts : catholiques, protestants,
communistes, libres penseurs anticléricaux. La Droite
était à droite et la Gauche à gauche. La lutte
des classes opposait les patrons, que l'on connaissait bien aux
ouvriers comme on disait. Et lorsque les travailleurs chantaient, le
poing levé :
C'est la lutte finale,
Levons-nous car demain
L'Internationale
Sera le genre humain
ils ne faisaient rire personne.
- On découvrait la faim dans le monde ; il
fallait se mobiliser et nous nous mobilisions avec conviction. On
parlait du Tiers-Monde. On organisait l'indépendance des
Églises d'Afrique et d'Océanie ; la
« Société des Missions »
disparaissait et on créait le
« Défap » Département
évangélique français d'action apostolique qui
était un service d'entraide d'Églises
interdépendantes.
- La guerre d'Algérie nous bouleversait, les
discussions passionnées divisaient les familles et les amis.
La torture était le sujet de toutes les conversations. Les
manifestations non-violentes se multipliaient contre les fameux camps
d'assignation à résidence où l'Armée
regroupait les populations algériennes : on y voyait le
vénérable pasteur Roser assis par terre avec les
milliers d'autres au rond-point des Champs-Élysées,
menacé par un CRS la matraque levée. Le pasteur Mathiot
condamné à la prison pour avoir fait passer en Suisse
un Algérien suspect...
On s'opposait dans l'Église,
naturellement, pourtant c'était d'une même pensée
que nous disions :
Mon âme, bénis
l'Éternel
C'est plus tard seulement que nous avons
compris à quel point nous étions
déstabilisés.
.
Deuxième
période
1980 - 2000
le nihilisme
L'Éternel
était l'âme
d'un monde instable
C'est toute notre civilisation
qui, finalement a été
ainsi mise en question.
Le jazz qui, depuis l'entre-deux-guerres
s'était répandus dans toute la société
révélait bien à la fois le refus d'une harmonie
qu'on ne reconnaissait plus et le dynamisme d'une
société jeune et nouvelle.
La peinture abstraite aussi : On
commençait à penser que Picasso, par exemple,
était plus qu'un clown amuseur : il
révélait une vie intense, puissante, pleine de
tendresse et de vérités cachées sous les
décombres d'un monde qui, sans qu'on s'en rende compte
n'existait déjà plus vraiment.
On a cru que Dieu
mourait. Certains assumaient ce
nihilisme et réfléchissaient à « la mort de
Dieu » ; d'autres se
cramponnaient au passé sans voir que Dieu était
toujours l'âme du monde.
La parole du psaume était à
nouveau vraie :
L'homme,
les civilisations
passent comme l'herbe
mais l'Éternel subsiste...
Période de l'homme, du
Fils. Dieu, dans cette
deuxième période, était plutôt
compréhensible dans la personne du Fils : le Fils
présent en l'Homme qui lève son visage et les mains
vers Ciel (vers « les
Profondeurs du Fondement vital de toute
vie », disait le
théologien Paul Tillich).
- Une compassion nouvelle naissait dans toute notre
civilisation, un intérêt pour la personne de l'homme.
D'autres valeurs apparaissaient : militance, ouverture, libre
réflexion, libre idéologie, esprit critique.
- On était sensible à la noblesse des
objecteurs de conscience ; on s'impliquait contre le
nucléaire, pour le contrôle des naissances, le droit
à l'avortement.
- On découvrait l'œcuménisme :
catholiques et protestants ne se présentaient plus comme deux
forteresses rivales et parfois même ennemies, mais comme des
partenaires sympathisants et confiants.
- Le racisme et l'antisémitisme qui avaient,
certes, toujours existé, étaient désormais
reconnus comme inacceptables, dénoncés, et punis par la
loi. L'ACAT, Action des chrétiens pour l'abolition de la
torture, Amnesty international, le MRAP, étaient des
mouvements respectés. La Cimade, le CCFD, le Secours
catholique, le Secours populaire multipliaient leurs actions.
Certes, c'était d'un monde instable
que l'Éternel était l'âme. Mais nous disions avec
la même ferveur :
Mon âme, bénis
l'Éternel
et n'oublie aucun de ses
bienfaits
Il pardonne toutes mes fautes
il m'arrache à la tombe
me comble de tendresse et de bonté
Il nous fait rajeunir, comme l'aigle
L'Éternel intervient pour
redresser les torts
il rend justice à ceux qu'on opprime.
Il ne fait pas constamment des reproches
L'homme, ses jours sont comme
l'herbe
lorsqu'un vent passe sur elle,
elle n'est plus
mais la bienveillance de l'Éternel
dure d'éternité en éternité
pour ceux qui le craignent.
.
Troisième
période
2000 - ...
la
créativité
L'Éternel est
l'âme
d'un monde nouveau
C'est l'Esprit de Dieu que nous avons découvert avec surprise, dans
les années 80. Le monde ancien n'est pas revenu et les
choses ne seront plus jamais les mêmes, n'en déplaise
aux conservateurs nostalgiques du temps jadis.
- Un Dynamisme créateur soulève notre
monde ; nos contemporains se prennent en mains, s'impliquent
dans de multiples associations les idéaux et le nombre
même est étonnant : Médecins sans
frontières, Médecins du monde, restaurants du cœur de
Coluche (l'Armée du Salut en était jadis la seule
spécialiste).
- Un nouvel esprit ouvre les hommes les uns aux
autres : les diverses idéologies sont désormais
considérées avec respect, intérêt et
curiosité, ainsi que les autres religions.
- Le tourisme, la construction européenne font
découvrir les autres peuples et leurs coutumes, que l'on ne
méprise plus mais qui intéressent.
- Esprit plus tolérant, désir d'un monde
plus humain pour tous, scandale des inégalités que l'on
reproche aux gouvernants. Refus de la violence, de l'autoritarisme.
Volonté de prévention plutôt que de
répression. Abolition de la peine de mort,
Sécurité sociale pour tous, RMI, couverture
médicale universelle.
L'Éternel est l'âme d'un
monde nouveau.
Mais les Églises établies
n'ont plus le monopole de gérer sa Présence. Le
renouveau de la spiritualité est spectaculaire, les gens
prient, méditent, vont en pèlerinages, font retraite au
Sahara ou dans des monastères ; dans des sectes
aussi...
Les Églises sont
dépassées, comme d'ailleurs toutes les grandes
organisations chargées de penser et promouvoir la
réflexion humaine, les partis politiques, les syndicats.
L'Esprit de l'Éternel est partout, il crée, il
dynamise.
On s'interroge : l'âme du monde
est-elle encore le Dieu de la Bible, le Dieu de nos dogmes, de nos
paroisses ?
La théologie est en
crise.
- Les uns, évangéliques, catholiques,
juifs, musulmans, qu'ils s'appellent conservateurs ou
fondamentalistes, s'attachent à ce qu'ils jugent être
les fondements de leur foi.
L'ambiance de leurs communautés
procure la sécurité rassurante des vases clos et des
certitudes simplistes face à l'évolution d'un monde qui
effraye.
Mais ils se cramponnent à des
attitudes qui suscitent pas l'harmonie avec les contemporains, avec
les autres religions, les autres éthiques...
- Les autres, libéraux, tolérants et
ouverts n'entendent pas polémiquer avec les premiers et
s'enfuient sur la pointe des pieds, confondant trop souvent foi et
intégrisme,
Les grands débats
théologiques, pourtant si féconds, sont bien
oubliés.
Pourtant la foi
renaît. Dans le protestantisme
en tout cas les facultés de théologie sont
pleines ; les jeunes pasteurs nombreux et fervents ; dans
les réunions les jeunes femmes pasteurs s'assoient ensemble,
heureuses souriantes, intelligentes...
De quoi demain sera-t-il fait ? Nul ne
le sait.
L'Esprit est comme le vent, on ne sait ni
d'où il vient ni où il va...
En vérité, « l'homme est comme l'herbe, les
générations se lèvent et passent. Mais la
Présence du Seigneur subsiste ! »
Mon âme, bénis
l'Éternel
et n'oublie aucun de ses
bienfaits
Il pardonne toutes mes fautes
il m'arrache à la tombe
me comble de tendresse et de bonté
Il nous fait rajeunir, comme l'aigle
L'Éternel intervient pour
redresser les torts
il rend justice à ceux qu'on opprime.
Il ne fait pas constamment des reproches
L'homme, ses jours sont comme
l'herbe
lorsqu'un vent passe sur elle,
elle n'est plus
mais la bienveillance de l'Éternel
dure d'éternité en éternité
pour ceux qui le craignent.
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