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Les « faits » de la Bible

 

Gilles Castelnau

 

23 septembre 2004
Le professeur Jim Lacey,
professeur de théologie et membre de Sea of Faith en Australie, a l'idée, au départ un peu étrange, d'inventer de nouveaux mots pour désigner les différentes sortes de « faits ». Notamment ceux de la religion.
Je reprends son idée ; elle peut, en effet, nous aider à avoir un peu plus de précision dans notre réflexion.

- Il distingue, par exemple les« faits » qui sont scientifiques, historiques, que l'on ne peut contester : une persécution des chrétiens a eu lieu à Lyon en l'an 177; l'évêque Pothin et l'esclave Blandine ont, entre autres, été mis à mort.

- Il y a, aussi les « faits » qui sont en réalité des paraboles, des mythes, des métaphores. Par exemple le « fait » que Dieu est en haut dans le ciel et que la terre est en dessous : A l'Ascension Jésus serait donc « monté » et Paul pense qu'à la fin des temps le Christ « descendra du ciel » et que « nous serons enlevés à sa rencontre dans les airs »1 Thessaloniciens 4.16.
A l'époque où ces textes ont été écrits on croyait qu'il s'agissait de « fait » scientifiques. Aujourd'hui, on sait bien que non. Cela ne signifie pas que ces récits ont perdu leur sens et qu'il faudrait déchirer la page, comme les esprits forts de l'entre-deux-guerres le croyaient, qui pensaient naïvement ridiculiser la Bible en soulignant ce qu'il appelaient « l'absurdité » de ces « fait ». Justement Jim Lacey estime qu'un nouveau vocabulaire permettrait de faire la différence entre un langage scientifique, admissible par la science d'aujourd'hui (on sait que la terre est ronde et que quand on « monte » on n'arrive pas au paradis mais on se satellise) et un langage ancien que nous considérons comme fait d'images.

- Il y a encore les « faits » mentionnés dans les récits bibliques qui sont source d'égarement si on croit qu'il convient de les prendre au pied de la lettre. Le style des récits produits par le Moyen Orient ancien, on le sait aujourd'hui, est fait d'images merveilleuses, d'amplifications, dont les auteurs eux-mêmes savaient bien que pour exprimer une réalité religieuse profonde et vraie, il faut le plus souvent des images frappantes. Mais ce ne sont pas les images qui sont vraies, c'est le sens qu'elles désignent : quand le doigt désigne la lune l'imbécile regarde le doigt.

Ainsi des récits racontent comment Josué menait véritablement les guerres voulues par Dieu (même si l'on sait aujourd'hui que ces récits de massacres n'ont heureusement pas de valeur historique) ; l'auteur rapporte sans sourciller qu'un jour Josué voulait terminer avant la nuit une bataille contre les Amoréens interpella le soleil et la lune en ces termes :

"Soleil, tiens-toi immobile sur Gabaon et toi lune, sur la vallée d'Ayalôn" et le soleil se tint immobile et la lune s'arrêta.

Il serait dommage de déclarer de tels textes naïfs et de se laisser scandaliser par le côté atrocement sanguinaire de la volonté de Dieu qu'ils semblent révéler. L'auteur en serait certainement désolé, lui qui a pris tant de peine à composer avec soin ces récits dans le plus pur style de son époque (7e siècle av. J.C.)

- Il y a, pour aller plus loin les récits plus proprement théologiques : les légendes de la Nativité ou de l'Ascension. A propos de la naissance miraculeuse de Jésus, on dispose de quantités de récits semblables (à commencer par le récit de la naissance du Bouddha, qui est encore bien plus surnaturel, avec une pluie de fleurs, une musique céleste qui retentit et le nouveau-né qui marche vers la quatre points cardinaux en prononçant des paroles fondamentales !) ou le récit de la naissance miraculeuse de Zarathoustra. On croyait que le corps féminin n'était qu'un simple vase destiné à recevoir la semence masculine qui seule, comme une graine d'arbre ou de plante, constituerait le corps de l'enfant. On ignorait les chromosomes et on ne savait pas que c'est l'homme qui fournit les chromosomes XY (Ceux qui répondent que Dieu aurait créé lui-même le chromosome XY de Jésus font donc de lui un être totalement divin et non plus divin et humain comme dit le dogme).

Si on a l'idée de prendre ces récits à la lettre, on les sclérose et on passe à côté de leur sens spirituel, théologique profond. On en détourne, de plus, tous les hommes de bonne volonté qui ne peuvent pas admettre que pour être enfant de Dieu il faut prendre à la lettre les images dans lesquelles la spiritualité est exprimée.

Jim Lacey mentionne notamment les récits de la Résurrection de Jésus dans les quatre évangiles et la 1ère épître aux Corinthiens que l'on ne peut pas faire correspondre (la belle parole de Jésus au brigand crucifié « ce soir même tu seras avec moi dans le paradis » ne s'accorde pas avec l'affirmation de sa résurrection le surlendemain). Le caractère non matériel du « corps » du Christ ressuscité, alors que Paul avait pourtant bien précisé que « semé corps naturel, on ressuscite corps spirituel » 1 Corinthiens 15.44.
Mais certains oublient cela et pensent qu'il faut imaginer le corps ressuscité de Jésus tout aussi matériel qu'un cadavre revenu à la vie ! Jim Lacey a raison de proposer que de tels « fait », si fondamentalement importants pour la foi ne soient pas confondus avec des faits historiques comme la bataille de Marathon !

- Il faut naturellement inclure dans cette réflexion les « fait » que sont les dogmes de la Trinité, par exemple, l'Incarnation de Jésus etc. De telles formulations sont importantes et précieuses. Elles sont des outils très utiles pour approfondir des questions spirituelles fondamentales. Mais les affirmations concernant la nature de Dieu ne peuvent évidemment pas être de nature technique et scientifique ! On ne peut pas attribuer à Dieu des étiquettes le décrivant comme un objet d'analyse scientifique ! Il s'agit là d'un autre ordre de « fait s» et Jim Lacey se demande quel nom lui donner.

 

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- Il est vrai que ce travail nous oblige à réfléchir à tout cela et à ne pas proférer d'affirmations abruptes et catégoriques car ces questions sont difficiles. Mais qui a dit que la théologie était facile ! Et il ne faut surtout pas se satisfaire d'une superficialité qui nous fait passer à côté des choses importantes et profondes et qui en détourne notre entourage, comme nous le constatons trop souvent de nos jours.

- Il ne faut pas parler des réalités religieuses comme si elles relevaient du domaine scientifique ou technique.

- Nous aidons ainsi les esprits logiques à ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain en rejetant tous les récits bibliques.

- Nous sommes ainsi mieux à même de mieux comprendre la pensée des autres religions en ne nous bloquant pas sur leurs propres récits (je mentionnais il y a un instant le récit de la naissance miraculeuse du Bouddha. On peut aussi parler du Voyage Nocturne de Mahomet conduit à travers ciel par l'ange Gabriel etc.).

- Nous renoncerons ainsi à leur dire que nos récits merveilleux sont vrais et les leurs faux et nous refuserons d'entendre une semblable affirmation de leur part.

- Nous ne partirons plus en croisade contre ceux qui critiquent le langage biblique et nous ne confondrons plus l'Évangile de Jésus-Christ avec les métaphores du passé. Ce décapage de notre mythologie nous permettra aussi de renouer le dialogue avec les athées qui pourront enfin comprendre clairement ce qu'ils se refusent à croire !

 

 

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