Croire aujourd'hui
Dépression
ou courage intérieur
Oskar Kokoschka
« Jeune danseuse en robe bleue tenant de
la main droite l'ourlet de sa jupe »
Le Vendredi saint est la
commémoration de la mort de Jésus sur la
croix. Pâques est la fête de sa
Résurrection.
On ne peut pas parler de sa mort qui récapitule
toutes les morts, toutes les souffrances et
toutes les défaites des hommes. sans penser que
Dieu les a faites déboucher sur la victoire de
Pâques.
On ne peut pas parler de la Résurrection de
Jésus, qui symbolise tous les renouveaux créés
par l'Esprit créateur de Dieu, sans penser à
toutes les détresses qui les ont précédés.
La mort de Jésus est un fait historique
indubitable; dont tout le monde pouvait être
témoin (mais dont le sens profond dépend de la
foi de chacun).
Les récits de la résurrection sont d'un genre
différent. Ils nous décrivent un fait dont le
sens profond dépend, lui aussi, de la foi de
chacun, mais dont la réalité n'est sensible qu'à
la foi : les passants indifférents n'auraient pu
en être témoins. Un journaliste n'aurait sans
doute rien enregistré sur son caméscope, sauf,
bien entendu, les visages émerveillés et apaisés
des disciples qui, eux, contemplaient le
Ressuscité avec les yeux de leur foi.
Cela ne signifie pas que l'événement de la
Résurrection du Christ est moins « vrai » que
sa mort mais qu'il se situe à un autre niveau
d'existence.
Les contradictions des récits de la Résurrection
dans les quatre Évangiles et la lettre de Paul
aux corinthiens (I Co 15) sont donc tout à
fait compréhensibles.
Force et courage.
La résurrection du crucifié révèle Dieu comme
créateur de renouveau, fondement de la Vie.
L'affirmation de la Résurrection du crucifié
indique que Dieu est différent de Jupiter, le Dieu à la
toute-puissance capricieuse que les
Gréco-Romains imaginaient. Jupiter que l'on
suppliait d'accorder des exaucements surnaturels
bien venus pour améliorer notre quotidien de
l'extérieur.
La foi au Dieu de Jésus-Christ est de
s'impliquer dans son dessein d'espérance et de
croire avec courage qu'aucune situation ne peut
nous séparer de la Présence créatrice de
Dieu : Rien, par même la mort de son Christ
bien-aimé, n'arrête le dynamisme créateur de
Dieu.
Croire en la Résurrection est affirmer cette
créativité pour notre prochain comme pour
nous-même.
Le Christ est
ressuscité, Dieu a vaincu la mort.
Laissons-nous animer par le saint Esprit
créateur, qui agit en nous pareillement, afin
d'être par lui, nous aussi, vainqueurs de la
mort.
Vainqueurs de la mort
sous toutes ses formes :
maladie, pauvreté, faim, violence, guerre,
oppression, indifférence à l'égard des plus
faibles et des exclus, pollution de notre
planète, mépris de la dignité de beaucoup
d'hommes. Peine de mort aussi, il faut bien en
parler, malheureusement légalisée pour le
prétendu bien de la société. C'est en affrontant
ces forces de mort en union avec le Christ
ressuscité que nous célébrerons Pâques; Et nos « alléluias »
nous donneront le courage de la victoire.
Comprendre
Pâques
La « Jeune
danseuse » d'Oskar Kokoschka
me semble une illustration très juste de Pâques.
1908 : Pablo Picasso jette un regard
pathétique et fraternel sur les saltimbanques et
Oskar Kokoschka peint le pathétique de cette
pauvre jeune danseuse dans son
misérabilisme : les yeux baissés, la bouche
amère, les bras maigres, la poitrine creuse, le
visage anguleux, vêtue d'une vilaine robe qui ne
lui va pas bien, elle est sans beauté.
Et pourtant elle se tient, elle danse. Une force
intérieure l'anime. Comme les belles dames, elle
tient avec élégance sa vilaine robe bleue. Elle
ne regarde personne, elle aurait peut-être peur
des regards ironiques. Elle est tout entière
livrée à son rêve intérieur où elle est sans
doute belle, vraie danseuse, emportée par la
musique et la danse, ravie, digne elle aussi
d'être peinte par un artiste et de figurer dans
les expositions...
La description que les
évangélistes font de Jésus-Christ dans sa
passion est misérable comme la
petite danseuse. C'est plutôt elle qui ressemble
à Jésus. Jésus flagellé, giflé, couronné
d'épines et ridiculement vêtu d'un manteau rouge
de sous-officier qui le déguise en roi
d'opérette, est présenté, tout lamentable, par
Pilate qui dit à la foule : « voici l'homme » Jean 19.5
Et les vociférations l'entourent : « crucifie-le ! »
Même Pilate, nous dit l'évangéliste Jean,
éprouve de la crainte devant tant de violence.
Jésus, lui aussi, se
tient et présente une certain élégance :
« Tu n'aurais sur
moi aucun pouvoir, s'il ne t'était donné
d'en-haut »
Tout entier livré à son rêve intérieur du
Royaume de Dieu qui est proche, de la Présence
divine en nous. Jésus est pleinement enraciné
dans le fondement de la Vie, baigné de l'Esprit
de Résurrection.
Sans arrogance,
pourtant, sans prétention. « Voici l'homme »
a dit Pilate, tout simplement. Jésus n'est pas
de ceux qui sourient tout le temps d'un air
content, de leurs dents blanches, comme le font
certains hommes politiques, certains dictateurs,
certains chefs religieux aussi.
.
Comment comprendre
Pâques si on est toujours au top,
sans problèmes, sans rien à espérer, sans
ressentir de trou, de manque dans sa vie, sans
avoir besoin de davantage de Force de renouveau.
Comment comprendre
Pâques si, quand vient le
Vendredi Saint et le Samedi Saint, on prend des
euphorisants, de la drogue, de l'alcool, ou on
demande un congé de maladie pour déprime ?
Comment comprendre
Pâques si on passe son temps à
calculer le « niveau
du moral des ménages » en pensant
qu'il devrait « normalement »
augmenter continuellement ?
Pâques, c'est un
élan intérieur, une force de renouveau, un
Esprit de courage
qui est en nous, qui n'est pas sans nous, mais
qui est plus que nous.
Comment comprendre
Pâques si on ne croit pas qu'il
y a en nous cette source de Vie, si on croit
qu'on ne peut compter que sur soi.
Comment comprendre
Pâques si on ne croit pas qu'il y
a de l'Espérance et qu'on répète
« moi je suis
déprimé »
et d'ailleurs
« quand on voit ce
qu'on voit et qu'on sait ce qu'on sait, on a
bien raison de penser ce qu'on
pense ! »
Comment comprendre
Pâques si on croit qu'avec le
gouvernement qu'on a la situation dans laquelle
on est, l'attitude de notre entourage, rien ne
peut aller.
.
Parlons du péché.
Le péché est ne pas être amoureux de la vie,
négliger l'énergie de Dieu en nous, se
dessécher, admettre la laideur, l'ennui, la
médiocrité, se réfugier dans une immobilité
sécuritaire, dans un pessimisme amer et
désabusé, s'enfermer dans un petit groupe
sectaire ne pas transmettre à la jeune
génération la conscience de la vie agissante
dans le cosmos entier, l'amour de la beauté,
laisser à la mort et au pessimisme la victoire
sur la vie et la joie !
Attention de ne pas
vider la Résurrection de son sens
en disant :
« Elle est naturelle car un Fils de Dieu
ne peut pas mourir vraiment ! »
Jésus-Christ n'était
pas un Dieu se promenant provisoirement sur
la terre sans être engagé dans
les conflits de l'existence et les ambiguïtés de
notre vie. (On pourrait alors lui demander des
miracles sans nous sentir engagés nous-mêmes
dans son ministère puisqu'il ne serait pas, lui,
véritablement engagé dans notre humanité).
L'Esprit de Pâques, l'Esprit de Résurrection,
l'Esprit saint de Dieu gonfle la poitrine de
l'homme (« Voici
l'Homme »), de persévérance
stoïque, de courage.
Quand on demande à l'Homme :
« Comment vas-tu »
il répond, dans l'épaisseur de ses souffrances,
de ses douleurs, de ses angoisses, de ses
tristesses, en présence de sa mort même :
« Grâce à Dieu,
je vais bien ».
Ce qui ne l'empêche pas, naturellement, de
donner de ses nouvelles, mais sans geindre,
comme un Homme dont le souffle est mêlé du
Souffle divin.
C'est sans doute ce
que fait la misérable danseuse
que Kokoschka a peinte si belle pourtant !
J'ignore la
religion ou l'absence de religion d'Oskar
Kokoschka
Mais je crois que nous nous serions bien
entendus avec lui.
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