Libre opinion
Jésus-Christ révèle Dieu
Gilles Castelnau
17 octobre 2004
Il faut toujours se référer
Jésus-Christ pour
éviter de déraper en parlant de Dieu.
Et d'abord, soyons bien exacts :
Jésus n'était pas Dieu qui serait venu se promener un
temps sur la terre en faisant des merveilles pour faciliter la vie
des hommes, comme les magiciens et les fées des contes ou
comme on disait à l'époque Jupiter se
métamorphosait pour venir séduire de jolies
mortelles !
Dieu est notre Père, Jésus
est fils du Père. Ce n'est pas pareil.
Nous sommes facilement séduits par de
telles interventions surnaturelles qui nous protègent des
conflits de l'existence. Nous aimons les histoires de miracles, les
apparitions, les histoire des saints et les statues qui
pleurent...
Mais si Jésus est si fondamentalement
important pour nous, c'est parce qu'il nous a fait la
démonstration de ce que peut être l'union parfaite de
Dieu et de l'homme. Ce que peut être un homme tout entier
baigné de la présence divine dont je parlais à
l'instant.
Il n'était pas d'une nature
différente de la nôtre,
il n'appartient pas à une autre espèce que nous. Au
contraire, saint Paul souligne son humanité :
En tant qu'homme il était
descendant du roi David Romains 1.3
Il naquit d'une femme et fut soumis
à la loi juive Galates 4.4
Et Jésus a dit lui-même dans le
Sermon sur la Montagne :
Heureux ceux qui procurent la
paix, ils seront appelés fils de Dieu Matthieu 5.9
Il est le Christ, car il nous
révèle une certaine
potentialité que la nature humaine porte en elle et dont nous
avons toujours eu la nostalgie, il nous révèle la
présence de Dieu parmi nous qui fait de nous des « fils de
Dieu ». Il nous
révèle que Dieu n'est pas lointain, là-bas dans
le ciel mais sourdement présent au coeur de l'humanité,
dans notre coeur aussi, si nous voulons bien en prendre conscience et
lui laisser la place de sorte qu'il soit véritablement « notre
Père ».
L'Ancien Testament nous a décrit
beaucoup de fils de Dieu exemplaires : Abraham, Moïse,
David , Job, Daniel, dont la vie était tout entière
déterminée par Dieu, des hommes imprégnés
de la présence de Dieu ; Jésus-Christ est,
à nos yeux, le premier de tous ces Fils de Dieu, comme aucun
autre ne l'a été, mais en qui tous se reconnaissent,
l'unique, l'Homme véritable, le prototype de ce que peut
être l'humanité.
Présence de Dieu impliqué dans
la vie de notre monde. Je risquais l'autre jour la comparaison que
Dieu est le chef d'orchestre du cosmos et que Jésus en est le
premier violon. Que le dynamisme créateur de Dieu et sa
conviction apaisante qui sont à l'œuvre en nous sont visible
dans les actes et les paroles de Jésus.
Dieu qui ne peut pas faire n'importe quoi,
nous le savons bien en constatant les blocages qui existent en nous,
mais Dieu dont la force créatrice ne s'interrompt jamais et
agit toujours...
Jésus prend donc place au coeur de
la grande nuée des Fils de Dieu, des témoins en qui l'Esprit de Dieu s'est
incarné au long des âges : Abraham, Moïse,
David, Ésaïe, Amos, Jérémie et tous ceux
qui se sont levés après lui : Pierre et André,
Jacques et Jean, Marie de Magdala et Marie mère de
Jésus, Paul et Barnabbas, Etienne, Athanase, Arius, Augustin
et Jérôme, Pierre Valdo, François d'Assise,
Luther, Zwingli, Calvin, l'amiral de Coligny, Blaise Pascal, Spinoza,
Vincent de Paul, Albert Schweitzer, Martin Luther King, Bonhoeffer,
Oscar Romero, Don Helder Camara, l'abbé Pierre, Hans
Küng...
Nous reconnaissons aussi l'Esprit qui l'a
suscité dans toute l'humanité, dans le Bouddha en sa
recherche de se détacher du désespoir, dans Cyrus le libérateur perse des opprimés
qu'Esaïe nommait Messie-Christ Esaïe 45.1,
dans Socrate et Platon en leur
réflexion sur la transcendance de l'homme, en Spartacus le
libérateur des esclaves finalement vaincu et crucifié, Mohammed rénovateur de la foi des Arabes, Gandhi l'espoir des Indiens lui aussi assassiné, et
tant à d'autres que Dieu reconnaît pour ses Fils.
Tous ces hommes se sont impliqués,
chacun à sa manière et selon les conceptions de leur
temps dans le grand combat de Dieu pour la vie et contre la mort,
pour la liberté, le respect et la joie contre l'oppression,
l'injustice et la méchanceté.
Nous croyons que la vie de tout ce qui
respire sur la terre, puise son existence et sa vie dans le saint
Esprit, dynamisme créateur de la secrète
Présence divine.
Les Évangiles soulignent
que, contrairement à
l'enseignement des Pharisiens, Jésus affirme par ses paroles
et par ses actes, que Dieu place l'épanouissement des hommes
au-dessus des règles de pureté et qu'il place la
compassion au-dessus du respect de la Loi (c'est ainsi que
Jésus fait des guérisons le jour du sabbat,
sacro-sainte loi de Dieu et qu'il participe à des repas avec
les gens considérés comme infréquentables).
Il souligne que, contrairement à la
tradition gréco-romaine, la piété ne consiste
pas à se soumettre à un déterminisme, à
un Destin divin, mais que l'espérance chrétienne nous
ouvre à des lendemains libérés.
Par son attitude dans sa Passion,
Jésus nous a enseigné à nous impliquer avec
ferveur et courage dans la promotion sans transiger de cette nouvelle
manière de vivre et de penser.
Un Dieu focalisé sur les questions
de pureté, de règles
alimentaires, de comportement sexuel, intransigeant sur le respect
des commandements, voyant le péché à tout bout
de champ, ne ressemble en rien à celui dont l'Esprit anime
Jésus et l'oppose précisément aux
intégristes Pharisiens auxquels il s'oppose toujours dans les
Évangiles.
Un Dieu jupitérien tout-puissant et
souverain maître du monde, organisant et dirigeant toutes
choses à l'image de l'empereur de Rome que l'on devait
supplier et flatter en l'enrobant de louanges infinies, ne ressemble
en rien à celui dont l'Esprit anime Jésus et l'oppose
précisément aux idées gréco-romaines
tissées d'un Destin auquel on ne pouvait échapper et de
conservatisme immobiliste.
Chaque fois que nos contemporains nous
parlent de Dieu et quelle que soit leur foi, leur ferveur et leur
force de conviction, nous comparons leurs affirmation avec le
ministère de Jésus tel que les Évangiles nous le
présentent. Nous n'y ajoutons rien, nous n'en retranchons
rien.
Nous nous rendons d'ailleurs compte que
c'est ainsi que peut s'ouvrir avec les fidèles des autres
religions un dialogue ouvert et sympathique. Les affirmations
absolues, les préceptes intransigeants, les traditions
autoritaires, les dogmes définitifs ne peuvent qu'opposer les
hommes de bonne volonté et les tenter de s'exprimer
eux-mêmes dans le même registre raidi. Ce n'est pas ainsi
que Jésus nous a fait connaître l'attitude de Dieu qu'il
présentait comme le Père de tous les hommes sans tenir
compte de nos distinctions.
Nous prendrons garde, notamment
en parlant de la mort tragique de
Jésus sur la croix, de ne pas laisser croire que c'est Dieu
qui l'aurait exigée pour expier le péché des
hommes. Nous comprenons bien que les premiers chrétiens aient
été amenés à comparer l'exécution
injuste et inacceptable de Jésus avec les sacrifices d'animaux
innocents que l'on célébrait quotidiennement au temple
juif de Jérusalem et dans tous les temples païens de
l'Empire romain. Mais ce n'est en réalité qu'au Moyen
Age que saint Anselme, alors archevêque de Cantorbéry, a
compris cette mort, d'une manière d'ailleurs très
féodale, comme une offrande destinée à
apaisé l'honneur froissé de Dieu et à racheter
sa bienveillance !
Comme l'écrit le professeur
André Gounelle :
En quoi Dieu fait-il ici preuve
de miséricorde ? Il se préoccupe beaucoup de ses
intérêts et de sa gloire. Il envoie son Fils à
une mort horrible pour satisfaire son honneur. Il pardonne seulement
quand on l'a payé. On est très loin du salut
gratuit.
En quoi le supplice d'un innocent à la place d'un coupable
satisfait-il la justice ? N'est-ce pas une scandaleuse
injustice ?.
Dieu n'exige rien, ni rançon, ni sacrifice expiatoire, ni
punition substitutive. Tout cela ne l'intéresse pas. Il
demande seulement qu'on s'ouvre à sa parole, qu'on se laisse
inspirer, convertir, transformer, entraîner par elle. Dieu
cherche à gagner les coeurs, les volontés, à
convaincre. Patiemment, progressivement, Dieu agit dans
l'humanité pour qu'elle avance, se rapproche de lui, et que le
monde devienne meilleur.
La condamnation et le rejet de son Christ
est un échec pour Dieu qui s'était impliqué dans
son ministère. Son attente a été
déçue. Jésus s'est heurté à une
vive hostilité. Sa personne et son message ont
été rejetés. Le soir du vendredi saint, Dieu est
un vaincu, et non un souverain qui aurait obtenu les
réparations qu'il demandait.
Mais son dynamisme créateur, qui
toujours à nouveau ouvre les hommes à une nouvelle
espérance agit encore à nouveau : c'est Pâques.
Dieu ressuscite le Crucifié, fait briller la lumière
à travers les ténèbres. La Résurrection
que Dieu fait n'est pas une sorte de retour du cadavre à la
vie. C'est spirituellement,
comme le dit saint Paul, que Jésus est passé à
un autre niveau d'existence, c'est spirituellement que les forces de
mort sont défiées et vaincues.
Le corps est semé
corruptible; il ressuscite incorruptible, il est semé corps
animal, il ressuscite corps spirituel 1 Corinthiens 15.42
Pâques est le symbole central et
fondamentale de l'action de Dieu dans le monde. C'est la vie qui
l'emporte sur la mort.
La foi chrétienne n'est donc pas
admettre l'existence d'un être céleste surnaturel
demeurant dans un ciel très élevé et dont on
pourrait obtenir des interventions spéciales par des
prières appropriées !
La foi chrétienne consiste à
s'enraciner dans cette force de vie, d'amour et d'espérance
qui est en nous, qui n'est pas sans nous mais qui est plus que nous.
Force de vie plus forte que la mort. Dieu de Pâques.
Saint Anselme, a élaboré
son idée de sacrifice substitutif du Christ (« substitutif » signifie que Jésus se serait substitué
à nous pour subir un châtiment que Dieu se devait
d'infliger aux hommes à cause de leurs péchés)
parce qu'il considérait que le but fondamental de la vie
humaine était de parvenir à vivre avec Dieu dans le
ciel. Et qu'on ne pouvait pas entrer chez Dieu sans être pur de
toute faute, il fallait en quelque sorte une amnistie
(chèrement payée par Jésus).
Mais quand on lit les Évangiles on
voit bien que ce n'est pas ainsi que Jésus voyait la
volonté de Dieu. Pour Jésus Dieu est l'élan
vital animant chaque homme pour le faire vivre le plus heureusement
possible dans le plus grand épanouissement possible dans le
monde actuel, sur la terre « qui est quelquefois si
jolie ».
Les évangélistes emploient
souvent le mot « sauvé » ou « salut » et chaque fois il signifie « guéri », « renouvelé », « restauré », « tiré
d'affaires ». Etre
sauvé, aux yeux de Dieu, ce n'est pas demain et dans un autre
monde, c'est aujourd'hui et dans ce monde-ci, que nous aurons rendu
autre.
Le salut que Dieu nous
donne consiste à vivre
joyeusement notre vie d'homme, sans être
particulièrement préoccupé de nos
qualités ou de nos défauts, de nos bonnes ou mauvaises
actions. Salut gratuit qui fait qu'on n'est plus obsédé
par soi-même mais qu'on entre, avec le saint Esprit de Dieu au
coeur, dans une vie nouvelle offerte et ouverte par Dieu, dans la
joie de la justice humaine, de la paix et de l'amour. Comme
Jésus nous l'a montré.
Dieu créateur de
vie, ici et maintenant et jusque dans
l'éternité.
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