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Être protestant luthéro-réformé

 

Laurent Schlumberger

président de l'Église réformée de France


Joël Dautheville

président de l'Église luthérienne de France

 

 

L’Eglise Protestante Unie de France (EPUF) est née de l’union de ces deux Eglises.
Voici un large extrait du message de leurs deux présidents


.

 

26 mai 2012

Pour une manière luthéro-réformée de proposer l'Evangile

Qu'est-ce que c'est, notre manière ? Puisqu'il s'agit de ne pas se contenter de dire, négativement, que nous ne sommes ni ceci, ni cela, qu'avons-nous, positivement, à proposer ? Dans la palette des Eglises, quelle est notre couleur, notre lumière, notre grain ? Dans le concert des témoignages possibles, quelle est notre manière de mettre l'Evangile en musique, de l'interpréter, selon quelle tonalité ? Bref, qu'est-ce que c'est, être luthéro-réformé en France, aujourd'hui ?

Je vais tâcher de répondre à cette question. C'est un chemin étroit et risqué ! Je risque en retour les « Alors maintenant dans notre Eglise il y a la parole officielle du chef ! » , « Je ne suis absolument pas d'accord ! », « C'est sans intérêt », « C'est un exercice illégitime »...

Les précipices sont nombreux. J'y vais quand même ! Non pas pour graver une parole de référence donc, mais comme une invitation. Car je crois que nous devons, chacun et ensemble, être plus au clair avec notre manière de rendre témoignage, notre mode d'interprétation de l'Evangile, notre charisme luthéro-réformé.

Je vous propose quatre axes, quatre repères, quatre insistances, pour tâcher de repérer un peu ce mode luthéro-réformé d'interpréter l'Evangile, de lui rendre témoignage aujourd'hui, de faire Eglise.

 

Nous vivons d'une confiance reçue et partagée


Nous vivons d'une confiance reçue et partagée : c'est la première insistance. Elle est capitale. « Dieu a tellement aimé le monde, qu'il a donné son fils... » Dieu ne se méfie pas du monde, il ne le rejette pas dans sa colère, il ne l'a pas détruit : il a estimé bon d'y venir lui-même, en son Fils. Et cela ne concerne pas seulement le monde en général, globalement. Nous-mêmes, chacune et chacun, il nous connaît par notre nom, il nous dit qu'il est bon que nous soyons là, il se livre à nous, il se confie à notre fragilité.

Cette confiance est première. Elle nous précède. Elle n'est pas grandie par nos réussites, elle n'est pas ruinée par nos échecs : elle est inconditionnelle. Et c'est pourquoi elle est puissamment libératrice. Car puisque je découvre que ma propre existence est digne d'une telle confiance de la part de Dieu, alors même que je n'y suis pour rien, pourquoi en irait-il autrement de toute autre existence ? La confiance que Dieu donne, redonne, pardonne, n'a d'autre limite que celles que je lui assigne. Je peux m'y engager, sans risquer jamais de la voir s'épuiser,

Je peux me réjouir de rencontrer, car la rencontre est désormais éclairée d'une promesse de fraternité. Je peux faire confiance à demain, car Christ m'y accueillera comme il m'a accueilli aujourd'hui. Il vaut la peine de s'engager avec beaucoup d'autres pour rendre le monde plus juste et plus fraternel, puisque Dieu y a engagé son amour. Il est bon d'y faire résonner sans crainte, en toute clarté, la bonne nouvelle de cet amour inconditionnel de Dieu, manifesté en Jésus-Christ.

Nous vivons d'une confiance reçue, partagée, contagieuse. Cette parole de grâce première et dernière, c'est la bonne nouvelle que nous trouvons au cœur des Ecritures. C'est le message que la Réforme protestante a remis au premier plan. C'est une affirmation d'une pertinence inégalée aujourd'hui.

 

La lecture de la Bible nous met debout


Le deuxième axe que je vous propose, pour discerner les voies d'un témoignage luthéro-réformé rendu à l'Evangile, est celui-ci : la lecture de la Bible nous met debout.

Toutes les Eglises, tous les chrétiens se réfèrent aux Ecritures bibliques. Mais les protestants, et parmi eux les luthéro-réformés le font d'une manière particulière : nous croyons que la lecture des Ecritures met debout, je veux dire par là qu'elle rend ses lecteurs sujets et responsables.

Les Ecritures rendent leurs lecteurs sujets. Elles ne font pas d'eux des objets, des exécutants de consignes à appliquer, elles ne sont pas un règlement à la lettre duquel se conformer, elles ne sont pas un code de la vie comme il y a un code de la route. Elles suscitent la lecture et donc elles appellent leurs lecteurs à devenir des interprètes. Un lecteur n'est pas un perroquet - car s'il répète il ne lit plus. Un lecteur n'est pas le réceptacle d'une interprétation établie par d'autres - car alors ce n'est plus les Ecritures qu'il lit, c'est ce commentaire autorisé. Un lecteur saisit le texte pour le comprendre et être ainsi saisi par ce texte qui interprète à son tour son existence. Les Ecritures rendent leurs lecteurs sujets, parce qu'elles les requièrent complètement, avec toutes leurs ressources d'intelligence personnelles et communautaires. C'est d'abord dans ce sens-là que la Bible nous met debout : parce qu'à l'opposé de toute tentation littéraliste où il s'agirait de s'effacer, elle suscite une parole en « je » et en « nous », une parole habitée et assumée.

La lecture de la Bible met debout aussi en ce sens qu'elle rend ses lecteurs responsables, appelés à répondre. Il ne s'agit pas de rester sans fin assis à scruter le texte. Puisque Dieu aime le monde et qu'il fait confiance, puisque la lecture des Ecritures suscite un « je » et un « nous », alors à nous de nous lever pour interpréter l'amour de Dieu dans ce monde. A nous de chercher, dans cette liberté souveraine qui nous est donnée, la manière d'être serviteurs aujourd'hui.

Les Ecritures bibliques rendent leurs lecteurs sujets et responsables : elles mettent debout. Raison de plus, soit dit en passant, pour s'inquiéter quand nous les lisons de moins en moins, ou quand nous les lisons du bout des oreilles, bref quand le sola scriptura devient un slogan mais que la lecture de la Bible est une pratique délaissée - j'ai déjà évoqué cette inquiétude et je ne m'y arrête pas ici.

 

Nous avons le goût des médiations


Le troisième axe luthéro-réformé que je vous propose est celui-ci : nous ne pouvons pas nous passer de l'autre. Ou encore: nous avons le goût et, même, nous avons besoin de médiations.

Vous avez dit : « médiations » ? Oh, je perçois comme une hésitation, un soupçon, un petit haut le cœur ! La médiation, c'est bien connu, c'est pour d'autres chrétiens, non ? La marque des protestants, c'est bien connu, c'est le tête-à-tête avec Dieu, non ? Que la Réforme protestante ait disqualifié toute médiation obligatoire entre Dieu et les humains, toute médiation qui consisterait en la nécessité de tel rite, de telle formule, de telle croyance, de saints ou d'un clergé, c'est clair. Mais, symétriquement, les courants luthéro-réformés ont, au sein de la Réforme, toujours refusé l'idée d'une immédiateté à Dieu. Ils ont vu dans ce fantasme de transparence, d'immédiateté, l'une des principales figures du péché, la manière la plus séduisante, la plus faussement humble, la plus religieuse de se prendre secrètement pour l'égal de Dieu.

Ainsi, il n'y a pas de parole interne de Dieu, sans parole externe : Dieu parle à l'intime de mon cœur en passant par la médiation des Ecritures. Il n'y a pas d'équivalence entre Bible et Parole de Dieu : il y faut le travail critique de l'interprétation, la collégialité de la communauté et l'éclairage de l'Esprit de Dieu lui-même. Il n'y a pas de sacerdoce du Christ qui fasse l'économie du sacerdoce universel de tous mes frères et sœurs : le frère, la sœur est le plus court chemin entre Christ et moi. Il n'y a pas de prolongement direct et immédiat entre la vérité, qui est Jésus-Christ, et la morale, qu'il nous faut élaborer et choisir, par le biais de la réflexion, de la confrontation, du débat. Il n'y a pas de gouvernement de la paroisse, sans détour régulier par le tiers synodal, qui est précisément cette médiation dont nous disons avoir besoin pour être pleinement responsables là où nous sommes. Et nous pourrions ainsi continuer encore.

Au fond, Dieu ne vient pas à moi en faisant l'économie de l'autre. Il n'y a pas de chrétien sans communion – sans koinonia diraient les théologiens. La question des médiations est donc au cœur de notre manière de vivre l’Evangile et d'en rendre compte. Et c'est la raison pour laquelle pêle-mêle, nous sommes attachés à un gouvernement de l'Eglise pourtant assez compliqué, nous avons développé une culture du débat, nos ministres sont d'abord des théologiens, nous valorisons l'engagement associatif ou à la démocratie parlementaire, etc. C'est aussi probablement l'une de nos caractéristiques les plus difficiles à tenir aujourd'hui, dans une époque soumise à l'idéologie de la transparence, de l'instant et de l'individu-roi, c'est-à-dire une époque où tout ce qui est im/médiat est valorisé.

Mais voilà, nous croyons que le tiers est une bonne chose, que nous avons besoin de médiations, que nous ne pouvons pas nous passer de l'autre - on peut le dire de multiples manières.

 

La vie bonne est une vie sobre


Le dernier axe que je vous propose en quelques mots est celui-ci : la vie bonne est une vie sobre.

Il y a bien entendu ici une parenté avec la trop fameuse austérité protestante. Mais dépouillons-nous des outrances de cette austérité, acceptons qu'avoir des temples éclairés et chauffés n'est pas forcément déchoir, rappelons-nous que Jésus n'a pas refusé d'être mis au rang des gloutons et des buveurs et que Dieu est humour, et nous verrons, c'est vrai, qu'être luthéro-réformé c'est cultiver une certaine sobriété.

Une sobriété dans la piété. Nous sommes chez nous plutôt du côté de la parole articulée et d'un certain silence, que des décibels excessifs et des écrans géants. Nous valorisons plus le chant choral que la prouesse en solo. Nous croyons que Dieu est Dieu et donc qu'il opère des miracles, des guérisons ou des délivrances, mais nous ne parions pas dessus.

Une sobriété dans la vie, aussi. Nous valorisons une certaine pudeur, condition pour que chacun ait sa place parmi les autres. Nous fronçons le sourcil devant la richesse ostentatoire et surtout tournée vers soi, qui est à la fois injuste et illusoire.

Et si la sobriété est à l'ordre du jour, au regard des risques que nos excès font peser sur l'avenir de la planète et de tout ce qui l'habite, tant mieux. Cette sobriété, c'est le contraire de l'hybris, ce souci de soi démesuré. Cette sobriété, c'est au fond une manière simple, profonde et quotidienne, de rendre gloire à Dieu seul - et c'est pourquoi nous y sommes attachés.

Confiance, Ecritures, tiers et sobriété : nous vivons d'une confiance reçue et partagée ; la lecture de la Bible nous met debout ; nous avons le goût des médiations ; la vie bonne est une vie sobre.

Pardonnez-moi d'avoir été nécessairement bref, même si je suis sans doute trop long. Ces quatre axes essaient de rendre compte d'une manière luthéro-réformée assumée de rendre témoignage à l'Evangile. Bien entendu, chaque point, leur nombre, leur ordre, sont discutables. Et encore une fois, il ne s'agit pas d'une parole par rapport à laquelle il faudrait se déterminer, pour ou contre. Il s'agit d'une invitation. Si j'ai donné envie à chacun de reprendre, pour lui-même et avec d'autres cette question de notre originalité, de notre charisme luthéro-réformé, pour mieux rendre témoignage à l'Evangile, pour mieux être attestataires sans être identitaires, l'exercice n'aura pas été vain.

 

 


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