Haïti et l’hypocrisie
de la théologie chrétienne
Haiti and the hypocrisy of Christian theology
Richard Dawkins
Article paru dans The Washington Post
4 décembre 2011
On sait l’origine de la catastrophe d’Haïti. C’était le choc et le frottement de la plaque des Caraïbes avec la plaque nord-américaine. Une fore de la nature, indépendante du péché, indifférente au péché, un choc non prémédité, non motivé, absolument non concerné par les affaires humaines, par la misère humaine.
L’esprit humain cherche pourtant inlassablement la signification des forces aveugles de la nature.
Il en a été de même avec le tsunami d’Indonésie dont on a expliqué qu'il avait été provoqué par une morale sexuelle relâchée, l’ouragan Katrina que l’on a dit résulter de la colère de Dieu contre la Nouvelle Orléans où une gaypride était organisée ou le fameux tremblement de terre de Lisbonne au 18e siècle. La tragédie d’Haïti a bien dû être une punition pour le péché humain.
Le Rev. Pat Robertson a vu la main de Dieu dans le tremblement de terre punissant les Haïtiens pour un pacte avec le diable dans le but de les libérer de la domination française, fait par leurs lointains ancêtres morts depuis longtemps. Inutile de dire que des responsables religieux à la pensée plus sympathique ont récusé Par Robertson comme lors des précédents désastres les autres pasteurs, évangélistes, missionnaires et mollah de sinistre augure.
L'hypocrisie
Quelque détestables que soient incontestablement ses idées, Robertson se tient toujours au centre du christianisme. Les théologiens de la théodicée qui disent que la souffrance est un insoluble « mystère », qui « reconnaissent l’œuvre de Dieu » dans les dons et la bonne volonté qui affluent maintenant sur Haïti, ou qui affirment (ce sont les plus écœurants) que Dieu « souffre sur la croix » dans les ruines de Port-au-Prince, ces hypocrites faussement désolés récusent le cœur même de leur propre théologie.
Le vrai chrétien est bien cet odieux Pat Robertson.
Où était Dieu lors du Déluge de Noé ? Il noyait systématiquement le monde entier, les animaux comme les hommes, pour les punir de leur « péché ».
Où était Dieu quand Sodome et Gomorrhe étaient consumées par le feu et le soufre ? Il passait en délibérément les citoyens au barbecue en punition pour le « péché ».
Cher chrétien moderne, éclairé, à la théologie sophistiquée, votre religion tout entière est fondée sur une obsession du « péché », de la punition et du salut.
Comment aurez-vous l’effronterie de condamner Pat Robertson alors que vous avez mis au cœur de votre théologie l’odieuse doctrine de l’incarnation de Jésus torturé comme le bouc émissaire pour le « péché » de l’humanité passée, présente et future, à commencer par le « péché » d’Adam dont tout théologien moderne sait bien qu’il n’a jamais existé ?
Le Président d’une faculté de théologie a écrit :
« Le tremblement de terre d’Haïti nous rappelle, comme toutes les catastrophes naturelles que la création gémit sous le poids du péché et du jugement de Dieu. Ceci est vrai pour chacune des cellules de notre corps comme c’est vrai pour l’écorce terrestre en chaque point du globe. »
Vous qui n’êtes certainement pas extrémistes, vous aimables théologiens, prêtres et pasteurs bêlant en chaire dans vos vêtements liturgiques, vous récuser l’idée de Pat Robertson que les Haïtiens payent le prix de leur pacte avec le diable. Vous adorer un homme-dieu qui « chasse les démons » comme vous le dites à votre paroisse, même si vous ne le croyez pas vous-même.
Vous croyez même (ou du moins vous laissez vos paroissiens croire) que Jésus a guéri un aliéné en chassant les « démons » qui étaient en lui et en les envoyant dans un troupeau de cochons qui s’est alors précipité du haut de la falaise. Charmante histoire qui réussit très bien à passionner l’école du dimanche et les groupes de catéchisme.
Pat Robertson peut débiter des non-sens, mais il n’est qu’un pâle amateur à ce jeu. Ouvrez seulement votre Bible : Pat Robertson lui est fidèle. Et vous ?
Vous, prédicateurs instruits, comment vous permettez-vous de verset des larmes chrétiennes alors que toute votre théologie n’est qu’une longue célébration de la souffrance ? Souffrance expiatoire du « péché » ou souffrance pour obtenir le « salut » ? Vous pouvez pleurer sur Haïti – ce que Pat Robertson ne fait pas – mais au moins, son inculture rustique et fossilisée il reflète honnêtement l’obscénité de la théologie chrétienne. Vous n’êtes en fait que des sépulcres blanchis.
(Note de GC : Citation de Matthieu 23.27 : Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis, qui paraissent beaux au dehors, et qui, au dedans, sont pleins d'ossements de morts et de toute espèce d'impuretés.)
Traduction Gilles Castelnau
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