Libre opinion
Qui n'a pas sa
place
dans l'Église de
Dieu ?
Gilles Castelnau
31 juillet 2003
Ainsi parla Moïse :
« Les hommes dont le
sexe n'est pas intact n'ont pas leur place dans l'Assemblée de
l'Éternel. » Deutéronome 23.2
Mais après Moïse et sa loi
rigide, Jésus a enseigné souplesse et ouverture. C'est
ainsi que nous avons dans les Actes
de Apôtres (Ac 8.26)
la rencontre de Philippe, un disciple de Jésus, avec un
eunuque, un de ceux dont « le sexe n'est pas
intact ». Voir le récit à la fin de cette page.
Et la question fuse dans la bouche de cet
homme :
-
« Qu'est-ce qui
empêche que je sois
baptisé ? »
Tout le monde savait la
réponse :
-
« Ce qui
empêche ? C'est évidemment que ton sexe n'est pas
intact ».
Il n'y avait pas d'autre
réponse : Que sa conversion trop soudaine, soit
insuffisamment approfondie ? Cela ne faisait pas vraiment
problème dans une jeune Église qui n'était pas
à cela près.
Qu'il soit étranger (Éthiopien), haut fonctionnaire
d'une reine lointaine ? Cela non plus ne faisait guère
difficulté : l'Empire romain était ouvert et
tolérant.
Mais les questions de sexe
intéressent toujours les hommes, notamment les hommes d'Église et le cas
était clair : cet eunuque tombait incontestablement sous
le coup de l'interdiction explicite de la Loi divine. La Bible
dit :
- « Les hommes dont
le sexe n'est pas intact n'ont pas leur place dans l'Assemblée
de l'Éternel. »
Loi d'autant plus claire que dans la version
grecque de la Bible, qu'on lisait à cette époque
où l'hébreu commençait à être
oublié, le mot « Assemblée » de l'Éternel, se disait « Ecclésia »
de l'Éternel.
- « Les hommes dont
le sexe n'est pas intact n'ont pas leur place dans Ecclésia de
l'Éternel. »
.
Mais quand Jésus a parlé,
la parole n'est plus à Moïse. Jésus n'a rien dit du sexe des hommes mais
il a montré à se libérer d'autres lois.
La loi du sabbat, par exemple, la plus sainte de toutes : il
faisait des guérisons ce jour-là et le Jour du Seigneur
devenait dans son Règne jour de joie et de libération.
La loi de la pureté
aussi : il mangeait et buvait
avec les pécheurs et les gens de « mauvaise vie » au nez et à la barbe des fidèles
puritains et rigides.
Saint Paul l'avait
compris, qui
écrivait :
« J'ai l'assurance
que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les
choses visibles ni les invisibles ne pourront nous séparer de
l'amour de Dieu manifesté par Jésus-Christ
».
Et Luc qui avait été instruit
par Paul et qui mettait par écrit toute cette histoire en
était bien conscient. C'est sans doute pour répondre
par avance aux critiques qui n'allaient pas manquer qu'il parle de
l'ange, intervenu tout spécialement pour envoyer Philippe
à la rencontre de l'eunuque. Et si cela ne suffisait pas, il
ajoute encore que le Saint Esprit lui-même avait inspiré
à Philippe de s'approcher de cet homme.
D'ailleurs, pour compenser sans doute
l'énormité de la transgression qu'il s'apprêtait
à faire, Philippe met une condition drastique au baptême
de l'eunuque : « si tu
crois de tout ton coeur ! ».
Personne évidemment ne peut
prétendre croire « de tout son
coeur ». Mais en acceptant
cette condition l'eunuque ferme la bouche de ceux qui auraient voulu
encore critiquer au nom de la sacro-sainte Loi de Moïse.
.
Un rabbin me disait : « Dieu ne
change jamais d'avis. Ce qu'il a dit une fois demeure
éternellement valable ».
Affirmation évidemment impressionnante.
Mais je lui ai pourtant répondu,
justement à cause de Luc et de ses Actes des Apôtres : Le jour de Pentecôte, où l'on
commémore le don de la Loi de Dieu à Moïse sur le
mont Sinaï est aussi le jour où le saint Esprit a
été répandu : le saint Esprit qui avait
gravé la volonté de Dieu sur les tables de pierre de
Moïse, l'a aujourd'hui gravée dans les cœurs des hommes.
C'est désormais à nous qu'il appartient de
décider dans notre cœur quelle est la volonté de Dieu,
car c'est ainsi que Jésus nous a instruits.
Sans aucun doute Jésus aurait
répondu comme Philippe : « si tu crois de tout ton
cœur... ». Mais jamais il
n'aurait repoussé l'eunuque en lui disant :« avec un sexe comme le
tien tu n'as pas ta place dans l'Ecclésia de
Dieu » !
Cette responsabilité de
définir nous-même ce
qui est juste et bon, par le témoignage intérieur du
saint Esprit ne nous permet naturellement pas de dire n'importe quoi,
de prendre n'importe quelle position. Nous n'oserions pas
répondre NON à l'eunuque quand saint Paul a
dit :
« Rien ne peut
nous séparer de l'amour de Dieu manifesté par
Jésus-Christ ».
.
Forcément cette histoire
d'eunuque a dû faire beaucoup
discuter dans les Conseils de la première Église de
Jérusalem. L'opposition n'a pas dû manquer, le scandale,
les accusations de laxisme et d'infidélité à la
Parole de Dieu (Moïse !) et les menaces de
schisme !
D'ailleurs deux chapitres plus loin, dans ses Actes des Apôtres, Luc revient sur la question de la Bible qu'il ne
faut plus prendre à la lettre. Il rapporte une vision que
Pierre a eue d'animaux non casher que Dieu lui-même lui
ordonnait de manger :
« Pierre, ne
déclare pas impur ce que Dieu lui-même déclare
désormais pur ».
Et Pierre mange du porc ! Cela,
évidemment, scandalise mon rabbin. Il n'est pas le seul, et je
le comprends !
Déjà on disait de Jésus :
« Cet homme ne
vient pas de Dieu car il n'observe pas le
sabbat » Jean 9.16
C'était pourtant un ange de Dieu qui
avait dit à Philippe d'aller sur la route de Gaza,
où il y avait quelqu'un d'impossible à
rencontrer !
.
Je me demande qui le saint Esprit nous
envoie rencontrer aujourd'hui ?
Qui pourrait poser la question fondamentale de l'exclusion au nom de
Dieu :
« Qu'est-ce qui
empêche que je sois baptisé ? que j'aie ma place
dans l'Ecclésia de
l'Éternel ? ».
Je pense
à un professeur de philosophie algérien,
impressionné par la lecture des philosophes allemands
chrétiens. Frappant à la porte d'un temple, avec sa
moustache et son béret rond, il se fit renvoyer :
« Revenez mercredi, l'assistante sociale ne reçoit
que ce jour-là ! »
Je pense
à un condamné à mort, gracié, sorti
après 25 ans de prison, venu me demander s'il pouvait
tout de même venir au temple. Et je compris sa question en
entendant à la sortie du culte certaines personne appeler de
leur voeu le rétablissement de la peine de mort sans imaginer
que cet homme recevait ces paroles en plein cœur !
Je pense à la réaction négative de
certains paroissiens à qui je demandais des oranges et des
cigarettes pour les porter à Noël aux prisonnier (et
à la réaction si positive et si généreuse
de beaucoup d'autres !).
Je pense
à une cousine d'un des généraux factieux du
putsch d'Alger de 1961 qui me demandait si j'accepterais
néanmoins de bénir son mariage !
Je pense
à une jeune fille venue avorter à Amsterdam car son
fiancé qui avait refusé toute contraception pour cause
de religion, l'avait abandonnée enceinte. Et elle n'osait
parler de son état ni à ses parents, ni à son
pasteur !
Je pense
aux divorcés-remariés privés des sacrements
catholiques.
Je pense
à un jeune catéchumène de 15 ans :« Monsieur ! je ne
peux pas faire ma confirmation car je suis
homosexuel ! »
Je pense
aux juifs et aux protestants qu'autrefois on excluait et on
persécutait. Aux Noirs d'Afrique du Sud et à
l'apartheid.
Je pense aux prêtres allemands Gotthold Hasenhüttl
et Bernhard Kroll, récemment suspendus de leur sacerdoce par
le Vatican pour avoir communié à Berlin avec des
protestants lors du grand rassemblement du Kirchentag.
Je pense au pasteur danois Thorkild Grosboel que l'on vient de
suspendre également de son ministère pour avoir dit
qu'il ne croyait pas en un Dieu Tout-puissant créateur du ciel
et de la terre (Note : il a été
réintégré début août, sous
certaines conditions)
Tout cela au nom d'un Dieu dont on croit
qu'il exclut !
Attitudes d'exclusion des autorité
des diverses Églises ;
exclusion aussi dans les déclarations et les attitudes de
certains fidèles, dans l'enceinte même de
l'église ou du temple : un paroissien homosexuel
s'était même senti agressé en entendant à
la sortie du culte un paroissien traiter des « pédés » avec mépris !
.
Saint Paul a obligé, à tort
ou à raison, son
collaborateur Timothée à se faire circoncire pour ne
pas choquer les fidèles d'origine juive de Lystre et
d'Iconium. A ses yeux, ce jour-là, l'unité de
l'Église prévalait sur la vérité !
Mais Luc, en nous rapportant l'histoire de l'eunuque et celle de
Pierre mangeant de la nourriture non cashère nous
suggère que la vérité prévaut en
réalité sur le désir d'unité.
Je pense
à un protestant du Texas qui disait que l'unité de
l'Église y serait plus facile si les Noirs n'existaient
pas !
Je pense que sous l'Ancien Régime, l'Église de
France aurait été certainement plus unie si les
protestants n'avaient pas existé.
Je pense
que l'affaire Dreyfus n'aurait peut-être pas eu lieu si Dreyfus
n'avait pas été juif.
Je pense que l'Église serait aujourd'hui plus unie se
les homosexuels ne demandaient pas à se marier et les pasteurs
homosexuels à vivre en couple...
Mais que seraient notre foi, notre
espérance et notre amour si
Philippe avait refusé de baptiser l'eunuque et Pierre de
manger du porc dans sa vision ?
Que serait notre foi si nous pensions que Dieu regarde avant tout le sexe
de quelqu'un avant de l'admettre dans son
Ecclésia !
Actes des
Apôtres
Chapitre 8
26 Un ange du Seigneur, s'adressant à Philippe, lui dit :
Lève-toi, et va du côté du midi, sur le chemin
qui descend de Jérusalem à Gaza, celui qui est
désert.
27 Et voici, un Ethiopien, un eunuque, ministre de Candace, reine
d'Ethiopie, et surintendant de tous ses trésors, venu à
Jérusalem pour adorer,
28 s'en retournait, assis sur son char, et lisait le prophète
Esaïe.
29 L'Esprit dit à Philippe : Avance, et approche-toi de
ce char.
30 Philippe accourut, et entendit l'Ethiopien qui lisait le
prophète Esaïe. Il lui dit : Comprends-tu ce que tu
lis ?
31 Il répondit : Comment le pourrais-je, si quelqu'un ne
me guide ? Et il invita Philippe à monter et à
s'asseoir avec lui.
32 Le passage de l'Ecriture qu'il lisait était celui-ci :
Il a été mené comme une brebis à la boucherie ;
Et, comme un agneau muet devant celui qui le tond,
Il n'a point ouvert la bouche.
33 Dans son humiliation, son jugement a été levé.
Et sa postérité, qui la dépeindra ?
Car sa vie a été retranchée de la terre.
34 L'eunuque dit à Philippe : Je
te prie, de qui le prophète parle-t-il ainsi ? Est-ce de
lui-même, ou de quelque autre ?
35 Alors Philippe, ouvrant la bouche et commençant par ce
passage, lui annonça la bonne nouvelle de Jésus.
36 Comme ils continuaient leur chemin, ils rencontrèrent de
l'eau. Et l'eunuque dit : Voici de l'eau ; qu'est-ce qui
empêche que je sois baptisé ?
37 Philippe dit : Si tu crois de tout ton coeur, cela est
possible. L'eunuque répondit : Je crois que
Jésus-Christ est le Fils de Dieu.
38 Il fit arrêter le char ; Philippe et l'eunuque
descendirent tous deux dans l'eau, et Philippe baptisa
l'eunuque.
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