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La supposée tombe du Christ à Shingô

Au Japon
la tombe miraculeuse de Jésus

Philippe Mesmer


article publié dans le Magazine du Monde
du 24 décembre 2022



29 décembre 2022


 

Selon de mystérieux manuscrits, détruits pendant la seconde guerre mondiale, le Christ aurait séjourné au Japon, tout comme Bouddha, Moïse et Confucius. Loin d'être mort sur la croix, il serait enterré dans un village du nord du pays. Une légende qui fait partie du folklore local et attire les touristes.


C'est une indication pour le moins étonnante qui apparaît sur la route 454 lors de la traversée de Shingô, petit village des montagnes de la préfecture d'Aomori, dans le nord du Japon. « Tombe du Christ », signale un panneau indiquant la direction à suivre. Elle conduit à une éminence boisée à l'écart de la route, qui se tient face à deux monticules de terre dominés par de grandes croix de bois gris. L'un serait la tombe du Christ l'autre abriterait des reliques : l'oreille d'Isukiri, présumé frère de Jésus et une mèche de cheveux de la Vierge Marie.


Le Christ étant généralement considéré comme enseveli à l'église du Saint-Sépulcre de Jérusalem, l'affaire pourrait relever du miracle, d'une diabolique machination ou, plus simplement, d'une supercherie. Pour l'élucider, il faut se rendre au musée bâti en surplomb de la sépulture. Après avoir passé la boutique vendant mugs et autres tee-shirts multicolores, le visiteur apprend que la « découverte » de la tombe remonte aux années 1930. À cette époque, le chef du village de Herai, ancien nom de ShingO, fait appel au peintre nationaliste Toya Banzan (1876-1966) pour réaliser une étude devant permettre d'inclure le village dans le parc national du lac voisin de Towada, Or ledit Toya était fasciné par des textes à l'époque très populaires dans les milieux ultranationalistes, baptisés « manuscrits Takeuchi »


Il s'agissait
de documents rédigés sur des peaux de daim, dans une écriture étrange, que Takeuchi Kiyomaro (1875-1965), le fondateur de la secte Amatsu Ontake-kyô — inspirée du culte shinto —, prétendait avoir hérités de sa famille. D'après Takeuchi Kiyomaro, lui-même originaire de la préfecture d'Aomori, ces manuscrits dataient de trois mille cinq cents ans. Ils relataient l'histoire secrète du Japon avant le règne du légendaire empereur Jinmu (711-585 avant J.-C.). Selon ces documents, détruits en 1945 lors des bombardements américains sur Tokyo, Bouddha, Confucius, Mencius ou Moïse auraient tous suivi une formation religieuse au Japon.


A une époque de propagande en faveur d'une supposée supériorité nippone, « ces manuscrits voulaient montrer que le Japon se situait aux racines culturelles de la Chine et de l’Occident », observe Ryosuke Okamoto, chercheur à l'université d'Hokkaido. Le Christ aurait effectué deux séjours au Japon. Le premier dans la province d'Etchü, aujourd'hui le département de Toyama (au centre du-Japon). Il aurait étudié les divinités locales avant de retourner en Palestine, où il aurait parlé du Japon à Jean-Baptiste et à ses disciples. Les manuscrits ne disent pas si c'est pour cela que Judas l'a trahi. Ils expliquent juste qu'il aurait échappé à la crucifixion en se faisant remplacer par son frère, Isukiri. Puis il aurait fui vers le
Japon avec l'oreille d'Isukiri et une mèche de la Vierge Marie. Il aurait traversé à pied la Sibérie jusqu'en Alaska.


Au terme d'un périple de quatre ans, il serait arrivé par bateau à Hachinohe (dans le nord-est du Japon), avant de gagner Shingò. « Ayant pris le nom de Daitenku Taro Jurai, ily a vécu jusqu'à l'âge de 106 ans, s'est marié avec une femme du pays appelée Miyako et a eu trois filles», explique Hidenobu Kadogishi, qui s'occupe du petit musée. Il aurait même des descendants, en l'occurrence la famille Sawaguchi, dont le «  mon », le symbole familial, ressemble à l'étoile de David. « Le terrain où se trouve la tombe appartient toujours à cette famille», rappelle Hidenobu Kadogishi, Mais aujourd'hui, les Sawaguchi se disent bouddhistes et aucun habitant de Shingô n'est chrétien. Quoi qu'il en soit, à l'été 1935, Banzan Toya invite Kiyomaro Takeuchi à Herai. Le mystique découvre alors la prétendue tombe du Christ.


Il aurait fait une prière silencieuse devant les tumulus, avant de s'exclamer : « Je savais que c'était ici Depuis, de troublantes coincidences alimentent cette réécriture de l'histoire. L'ancien nom du village, Herai, serait une déformation du mot « hébreu », ce qui rappelle que, dès le XVIIe siècle, des érudits affirmaient que le peuple japonais descend des dix tribus perdues d'Israël. Parmi les plus connus figurent l'historien Yoshiro Saeki (1871-1965) ou l'ancien pasteur Arimasa Kubo. « Quand un enfant naît dans le village, on lui dessine une croix sur le front. Au moment d'un décès, une croix est dessinée sur les maisons pour trois ans », ajoute Hidenobu Kadogishi.


Aujourd'hui, la tombe, qui n'a jamais fait l'objet de recherches scientifiques, est devenue un élément du folklore local, voire l'objet de théories qui relèvent du pur fantastique. Le magazine Mû, spécialisé dans ce genre d'histoires, s'en délecte, établissant des liens avec d'autres curiosités du Japon, comme la supposée tombe de Moise. En 1964, la chambre de commerce de Shingô a créé un festival annuel du Christ avec une cérémonie de style shinto et la traditionnelle danse « bon » par des femmes en kimono scandant la chanson Nanyadoyara, aux paroles écrites dans une langue inconnue. Le prêtre shinto n'y voit pas de problème. « Il y a 7 millions de divinités dans le culte shinto. Il n'est pas impossible que le Christy figure » explique-t-il. En 2004, l'ambassadeur d'Israël Eli Cohen avait déposé une plaque devant la tombe. Rédigée en hébreu, elle souligne les liens entre Shingô et Jérusalem, sans se prononcer sur la véracité des allégations des manuscrits Takeuchi. Une position plutôt partagée à Shingô, car, souligne Hidenobu Kadogishi, « nous ne voulons heurter personne. »

 

 

 



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