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Pour comprendre la pensée de

Jacques Ellul




Frédéric Rognon



Éd. Olivétan

400 pages – 24 €



Recension Gilles Castelnau



13 décembre 2022


Le professeur Frédéric Rognon a accompli le travail considérable de plonger dans l’immense œuvre de Jacques Ellul. Il nous la présente clairement – ce qui est remarquable – en quelques pages et surtout nous livre sous 50 têtes de chapitres - Jacques Ellul et... -  la conception de Jacques Ellul sur les sujets les plus différents : Amour, Bible, Calvin, Église, synodes, technique et technologie, violence. Et la présentation résumée de « l’œuvre livre par livre » de 67 de ses œuvres.

En voici des passages :


 La pensée de Jacques Ellul : sociologie et théologie en dialectique

[...]
D'une part, la théologie de Jacques Ellul est tout sauf désincarnée, parce qu'elle s'appuie sur la sociologie, et prend en compte la réalité de la vie des hommes d'aujourd'hui, elle est donc lucide quant à ce monde sans issue ; et d'autre part, sa critique sociologique n'a pu menée avec une telle radicalité, disait-il, que parce qu'il était chrétien, c’est-à-dire parce que sa foi et son espérance allaient au-delà de ce monde (sinon, il aurait arrêté ses recherches avant leur terme ou se serait suicidé par désespoir).

 [...]

La technique est devenue un « milieu », le nouveau milieu de l'homme. Tous les aspects non techniques du mode de vie de l'homme sont transformés en activités techniques (par exemple la politique, l'art ou les loisirs). La technique n'est ni bonne, ni mauvaise en soi, ni neutre, mais toujours ambivalente : elle produit simultanément et nécessairement des effets bénéfiques et des effets dévastateurs, et l'on ne peut absolument pas garder les premiers sans subir les derniers. C'est pourquoi il est absurde de tabler sur l'innovation technologique pour résoudre, ou même traverser, la crise environnementale : cette innovation produira autant de catastrophes qu'elle offrira de solutions. Le reproche que l'on peut adresser au discours technophile est de masquer cette ambivalence ; Jacques Ellul, nullement technophobe, cherche à nous en faire prendre conscience.

L'homme a toujours vécu avec des techniques, c'est-à-dire des outils qui médiatisaient son rapport au milieu naturel, mais il les mettait à son service afin de s'émanciper de ce milieu. Un saut qualitatif s'est produit au milieu du siècle : désormais, c'est l'homme qui est au service de la technique.

 
[...]
Ce n'est donc pas la solution des problèmes humains que Dieu nous promet, mais sa présence en Jésus-Christ. Et cela, à travers les épreuves les catastrophes qui se profilent, afin de les traverser avec lui : car nous ne sommes pas seuls. Les promesses de Dieu ne s'accomplissent cependant pas de manière automatique : leur réalisation repose sur notre combat spirituel, afin de forcer Dieu, en quelque sorte, à sortir de son silence et manifester sa présence. II n'est donc nullement question d'attendre passivement la fin des temps : l'espérance de Jacques Ellul ne se confond en rien avec une projection de nos aspirations vers un au-delà fantasmagorique, vers une période posthistorique. II s'agit bien plutôt de la mise en œuvre, hic et nunc, de l'engagement dégagé. La réalisation concrète de l'espérance consiste à ivre à contre-courant, à adopter un style de vie qui rende compte de notre espérance, et ainsi à en témoigner en paroles mais d'abord et avant tout toute notre vie.

 


 

Jacques Ellul et…

 

Sida

[...]
Jacques Ellul poursuit sa réflexion en relisant certains textes bibliques : « Je crois que Dieu, qui ne conduit pas chaque homme mécaniquement, qui n'est pas le fabricant permanent de toute l'histoire, intervient parfois aussi pour châtier. » Ce sont ces quelques phrases qui vont susciter un flot de réactions hostiles parmi les lecteurs : « Nous constatons alors, que dans la Bible, l'intervention divine a lieu quand l'inhumanité, quand le "mal" moral ou physique, dépassent les bornes. Dieu provoque un événement approprié à cet excès d'inhumanité, qui développera ses effets par lui-même et placera l'homme devant le choix : se repentir ou mourir. » Et notre auteur de suggérer une actualisation circonstanciée du message biblique : « Nous sommes dans cette occurrence. Je suis convaincu que l'apparition de l'insaisissable virus du sida correspond à cet ordre d'action de Dieu. S'il en est ainsi, alors la première réponse est la désintoxication du sexuel, le respect des choses sexuelles et de normes que les "sociétés primitives" connaissent déjà. Je suis presque certain que la Chine populaire, avec sa morale rigoureuse, échappera au sida ! Je crois fermement que le vrai remède épidémiologique, ce n'est pas le préservatif, mais le retour à une morale sexuelle raisonnable. »


Une lecture rapide de l'article de Jacques Ellul conduisit de nombreux lecteurs de l'hebdomadaire Réforme à reprocher à son auteur sa morale conservatrice, sa condamnation de la sexualité, son manque de compassion pour les victimes, et son instrumentalisation de l'image d'un Dieu vengeur envers les pécheurs. Jacques Ellul, après s'être élevé dans le quotidien Le Monde contre l'« abomination » des propos de Jean-Marie Le Pen qui jouaient de la peur du sida et proposait l'exclusion des malades dans un but purement électoraliste, répondit point par point aux lecteurs de Réforme dans un nouvel article. II balaya les quiproquos, montra qu'aucun des griefs n'était justifié, et précisa sa pensée : le sida est « une maladie globale de la société », et qui de ce fait touche tout un chacun, « comme tout fléau global ». Mais il persista dans son analyse : « Je maintiens en fonction de tout cela que le sida pourrait être un jugement que Dieu prononce sur notre horrible perversion de la sexualité dans notre société. Et en tant que chrétiens, qui ne devraient pas "se conformer à la pensée du monde", cela devrait être un thème de méditation et aussi d'avertissement. »

 

 

Transhumanisme

[...]
Jacques Ellul présente la société technicienne comme régie par la loi de Gabor, selon laquelle : « Tout ce qui est techniquement possible sera nécessairement réalisé. » Or, qu'est-ce que le transhumanisme, sinon l'expression exacerbée de cette loi ? Et qu'est-ce que l'éthique chrétienne, sinon la transgression et la profanation de la loi de Gabor, et la résistance à tout ce qui défigure l'homme ? Afin de préciser les modalités de cette résistance, Jacques Ellul introduit une dialectique à trois termes : la puissance, l'impuissance, et la non-puissance. La puissance est la capacité de faire quelque chose. L'impuissance est l'incapacité de le faire. La non-puissance est la capacité de faire, et le choix de ne pas faire. Elle consiste à ne pas faire tout ce que nous serions en mesure de faire. C'est une éthique de l'autolimitation et de la sobriété, qui va à contre-courant par rapport aux tendances de la société technicienne, et partant du transhumanisme. Pour le chrétien Jacques Ellul, la non-puissance définit l'éthique propre aux disciples du Christ, puisque ce dernier, Tout-Puissant, n'a pas eu recours aux capacités infinies de sa toute-puissance, mais au contraire, a fait le choix de la faiblesse et de la vulnérabilité.

À ce propos, une distinction s'impose. Jacques Ellul invite en effet ses lecteurs à ne pas confondre, comme tendent à le faire certains chrétiens séduits par les sirènes de l'homme augmenté, l'idéal transhumaniste de l'immortalité avec la résurrection promise par le message du Nouveau Testament : la résurrection présuppose la réalité tragique de la mort, vaincue après avoir été totalement assumée. Le transhumanisme est une prétention l'homme à se diviniser lui-même, conformément à la tentation du serpent le récit de la Genèse. La foi et l'espérance chrétiennes reposent sur la connaissance d'une altérité divine : altérité qui nous libère de notre aliénation, et notamment de nos fantasmes de toute-puissance. Les chrétiens ont donc appelés à entrer en résistance vis-à-vis du transhumanisme.

 


L'œuvre, livre par livre
 

 

« Le travail » (La raison d'être)

Selon Qohelet, le travail n'est pas le tout de la vie. Il ne donne pas un sens à notre existence, il n'est donc pas question de lui consacrer notre vie. Tout au long de l'Écriture, le travail est une nécessité, et non pas une valeur, une vertu, un bien, un remède, ni l'expression de l'homme. Mais si le travail n'est pas une vertu, la paresse est une folie. On pourrait, ou bien travailler beaucoup pour consommer beaucoup, ou bien accepter de consommer moins en travaillant peu (comme dans certaines sociétés traditionnelles) ; mais nous voudrions tout cumuler : travailler peu et consommer beaucoup. Finalement, Qohelet nous dit que nous devons travailler parce que c'est un don de Dieu.

[…]

« Les possibilités techniques et le travail » (Foi & Vie) :

Depuis 1945, nous sommes passés de la société industrielle à société technicienne ; il ne s'agit pas d'un prolongement mais d'un renversement. On pourrait désormais envisager de travailler deux heures par jour dans les secteurs transformés par l'automatisation ou l'informatisation, mais nous répugnons entrer dans cette voie qui nous obligerait abandonner l'idéologie du travail. Radovan Richta, le père intellectuel du printemps de Prague, en appelle un progrès moral et spirituel pour que la technique soit maîtrisée. Car l'utopie serait que l'on puisse continuer ainsi le régime actuel du travail.

 

 


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